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CORRESPONDANCE - Une légèreté d’être sur les cimaises du musée Renwick Grant Wood, peintre de l’Amérique profonde en temps de Dépression

WASHINGTON, d’Irène MOSALLI «La comédie n’est rien de plus qu’une tragédie différée », dixit l’écrivain Picor Iyer, d’origine indienne et qui se considère comme citoyen du monde. Idem pour le peintre américain Grant Wood, dont les tragi-comédies qu’il a mises picturalement en scène ont été trop longtemps en attente. Aujourd’hui, le musée Renwick à Washington leur donne la vedette par le biais d’une rétrospective comportant plus de 170 de ses œuvres qui mêlent amour de la terre, humour et fibre naïve, et qui mettent l’accent sur la légèreté d’être dans l’Amérique profonde. Grant Wood est l’auteur du célère tableau American Gothic, devenu une icône du pays de l’Oncle Sam et qui représente un homme tenant une fourche et une femme devant une maison de style gothique à la manière Carpenter. Et on se demande toujours si c’est là une vision satirique ou une apologie de la vie agreste. Grant Wood (1891-1942) représente le courant régionaliste de la peinture américaine des années 30. À ses débuts, Wood peint des paysages élaborés, dans un style impressionniste. À partir de 1925, il compose des images très réalistes de la vie rurale américaine et spécialement celle du Middle West, influencé qu’il était par les primitifs flamands découverts lors de ses voyages en Europe. Il utilise des glacis pour peindre des portraits très détaillés dans lesquels les personnages sont souvent disposés de manière frontale. Il se plonge avec délice dans la restitution des atmosphères de l’Amérique profonde, aux antipodes du cosmopolitisme new-yorkais. « Toutes les bonnes idées que j’ai jamais eues, avait-il dit, me sont venues alors que j’étais en train de traire une vache. Alors je suis retourné dans l’Iowa. » Cette réflexion, il l’a illustrée par une composition intitulée tout simplement, Un garçon trayant une vache. Et de retour dans cet État où il était né, il s’en est fait le chantre et, par extension, celui de l’Amérique profonde. Il a joliment tracé, dans toute leur vérité, des scènes champêtres de paysans s’adonnant méticuleusement à leur tâche dans un environnement fait de quiétude et d’harmonie. Comme pour montrer à ses compatriotes citadins le contrepoint du chaos urbain et l’importance des valeurs de la terre. Promoteur du régionalisme artistique Dans cet esprit, il a assemblé dans ses toiles tous les éléments de la vie à la campagne : les monts, les vallées, la rivière, l’église, les maisons, les champs cultivés (un tableau nommé Stone City ) et aussi un alignement de fleurs en train de repousser sur une plate-bande bien tracée ( Le Printemps ), l’alternance dans un dégradé de marron des labourages ( L’Automne ) et plusieurs versions de champs de maïs ondulants. Il a ainsi bien ordonné les sites du terroir pour mettre de la couleur sur les heures noires de la Grande Dépression. De même qu’il a conçu des objets décoratifs : vases, paravents, lustres, etc. Et, pour dérider un peu plus l’air ambiant, il y a semé quelques graines d’ironie qui ont poussé sur le banc de la salle d’attente d’un directeur d’école où il avait gravé l’inscription suivante, « le chemin est dur pour les indisciplinés », notamment dans sa toile intitulée Les filles de la Révolution. À travers le portrait de trois septuagénaires pleines de suffisance, il répondait à une association du même nom qui avait contesté l’un de ses vitraux parce qu’il l’avait fait réaliser à l’étranger. Par ailleurs, Wood avait fondé la Stone City Art Colony en 1933, non loin de sa ville natale. Il devint l’un des promoteurs majeurs du régionalisme dans l’art, donnant des conférences sur ce thème dans tout le pays et il avait également enseigné l’art à l’Université de l’Iowa. Conservateur d’un certain folklore américain, il a répertorié les mythes ainsi que les us et coutumes prévalant loin des cités, de leurs vacarmes et de leurs turpitudes. Il a voulu aussi montrer que l’humour n’était pas le privilège des villes et que les champs étaient un aussi bon terreau à sa culture.
WASHINGTON, d’Irène MOSALLI

«La comédie n’est rien de plus qu’une tragédie différée », dixit l’écrivain Picor Iyer, d’origine indienne et qui se considère comme citoyen du monde. Idem pour le peintre américain Grant Wood, dont les tragi-comédies qu’il a mises picturalement en scène ont été trop longtemps en attente. Aujourd’hui, le musée Renwick à...