Rechercher
Rechercher

Actualités

Politique de défense globale ou simple politique militaire de défense ?

Au Liban, le débat politique se résume aujourd’hui parfois à la définition d’une stratégie de défense nationale. La résolution 1 559 de l’ONU pose elle-même la problématique de la défense nationale libanaise en s’attaquant à la question du Hezbollah et de son armement. La question est à l’ordre du jour du dialogue national, qui offre aux dirigeants libanais la possibilité d’occuper le terrain dans l’attente d’une nouvelle dynamique régionale ou internationale capable de bousculer la donne politique interne. Seulement, la problématique de la défense nationale est posée d’une manière particulièrement restrictive et n’est perçue que dans sa dimension militaire dans le sens le plus étroit. Il est utile de saisir l’opportunité de ce débat devenu public et qui était tabou il y a seulement quelques mois, pour le sortir de sa dimension politicienne et des contraintes posées par la 1 559, et pour tenter d’imposer une réflexion nationale autour de la question de la défense nationale dans son sens le plus large. Le Hezbollah, principal groupe armé libanais sur le sol libanais, possède une stratégie de défense militaire rodée face à Israël, élaborée à partir d’une idéologie très particulière et qui intègre une série de paramètres qui pourraient paraître subjectifs à divers égards. Ni l’idéologie fondamentale du mouvement allié au régime de Damas ni les multiples paramètres qui ont façonné sa vision de la sécurité du Liban et ses impératifs en matière de défense ou même aussi de tactiques militaires ne font l’unanimité encore aujourd’hui. Surtout, les évolutions vécues par les Libanais au cours des dernières années (retrait israélien de la majeure partie du territoire libanais occupé sous les coups de la Résistance, retrait syrien sous les pressions internationales au lendemain de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, mise en quarantaine du régime de Damas par la communauté internationale, bras de fer entre l’Iran et la communauté internationale, renversement du pouvoir nationaliste arabe sunnite baassiste en Irak et avènement d’un pouvoir chiite) sapent d’une certaine manière les fondements de l’argumentation surexploitée par le Hezbollah pour faire adhérer l’ensemble de la nation à sa propre vision de la sécurité nationale. Le Hezbollah, qui se trouve intégré dans le jeu régional des «axes» avec son adhésion naturelle et pragmatique de son point de vue à l’axe irano- syrien, doit redoubler d’efforts aujourd’hui pour convaincre ses partenaires libanais de ses impératifs sécuritaires. À ses côtés, pour ne pas dire face à lui, les autres composantes libanaises ont le devoir de fournir une contribution à la réflexion nationale sur la stratégie de défense qui devrait être celle du Liban de l’après-guerre civile, de l’après-Taëf, de l’après-Israël, de l’après-Syrie, de l’après-Hariri, de l’après-Arafat, etc. Nous laisserons aux experts militaires le soin de définir la stratégie de défense militaire adaptée à l’actuel Liban (opter possiblement pour le maintien d’une stratégie défensive asymétrique avec un mode opérationnel réaménagé) et aux politiques le soin de définir les efforts que les Libanais peuvent consentir pour se doter des moyens nécessaires à la crédibilisation de leur défense. Mais préalablement, les dirigeants politiques doivent forcément réaffirmer les fondements qui vont permettre l’élaboration d’une stratégie de défense militaire: réaffirmer l’étendue de la souveraineté nationale (délimitation des frontières, désarmer les milices, y compris les milices palestiniennes), réévaluer les menaces, risques et vulnérabilités, confirmer les choix en politique extérieure (sur le double plan régional et international), etc. Les dirigeants politiques doivent aussi s’entendre sur les moyens à affecter à la défense nationale comme nous le mentionnions précédemment, dans le cadre d’une approche globale tenant compte des priorités économiques et sociales du moment, lesquelles affectent directement la stabilité et la sécurité du pays. C’est aujourd’hui le moment de concevoir la défense du Liban comme une défense globale et permanente, intégrant aussi bien la dimension militaire, qu’une multitude d’autres dimensions non militaires : défense économique, défense culturelle, etc. Il s’agit d’abord de respecter deux principes fondamentaux de la défense nationale, le principe de l’unité qui vise à conjuguer les efforts civils et militaires, et le principe d’universalité qui vise à associer l’ensemble des institutions de l’État à l’effort de défense (diplomatie, politiques économiques, etc.). Et au-delà du débat actuel sur l’élaboration d’une stratégie de défense nationale, qui encore une fois semble se soucier uniquement des exigences de sécurité militaire traditionnelle, les Libanais ont aujourd’hui l’occasion de réviser en profondeur leur conception de la défense de leur pays, dans un contexte interne en constante évolution, dans un environnement régional particulièrement trouble et dans une conjoncture internationale mondialisée à outrance. Surtout, les Libanais doivent profiter de l’ouverture du débat sur la défense nationale pour s’imposer une autre façon d’assurer la sécurité et la stabilité de leur pays, et de défendre l’existence du Liban dans son environnement arabe et régional et sur le plan mondial. Dans cet esprit, la généralisation de la bonne gouvernance qui permettra au Liban de rassurer les investissements, la consécration de la culture démocratique qui offrira un environnement propice à l’épanouissement du citoyen, les programmes de réformes économiques et sociales qui permettront aux Libanais d’accroître leur productivité sur les marchés extérieurs ou d’atteindre un développement équilibré entre les diverses régions du pays ou encore de renforcer la cohésion sociale, etc., sont autant d’éléments à intégrer dans une stratégie de défense nationale globale. La transformation du Liban en «hub» pour la puissante diaspora libanaise, qui passe par une volonté d’ouverture politique sur les Libanais de l’émigration, peut constituer elle aussi un élément de la stratégie de défense globale de la nation. Repenser la politique d’influence du Liban dans les instances régionales et internationales (Ligue arabe, ONU), doter le pays de moyens pouvant lui permettre de rayonner à nouveau culturellement, médiatiquement et économiquement, et de rattraper les retards accumulés ces dernières années dans ces domaines, c’est aussi une autre conception de la défense nationale. Tous ces efforts doivent être coordonnés pour constituer, avec la stratégie de défense militaire en gestation, la nouvelle stratégie de défense globale du Liban. Ces efforts de réformes et d’ouverture resteront vains si la sécurité militaire du Liban n’est pas assurée. Et la sécurité militaire du Liban sera constamment remise en question dans ses fondements si elle ne fait pas partie d’une vision plus large de la défense. La stratégie de sécurité militaire devient un outil politique au service de la défense globale du Liban. Fadi ASSAF
Au Liban, le débat politique se résume aujourd’hui parfois à la définition d’une stratégie de défense nationale. La résolution 1 559 de l’ONU pose elle-même la problématique de la défense nationale libanaise en s’attaquant à la question du Hezbollah et de son armement. La question est à l’ordre du jour du dialogue national, qui offre aux dirigeants libanais la...