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Actualités - REPORTAGE

Reportage À Abassane et Khan Younès, deuil et désir de vengeance

Entouré de tous les hommes de la famille, Ahmad al-Jourouf parle d’une voix calme. Mais ses yeux bleus sont remplis de colère. « Nous nous vengerons. Chacune de leurs mères ressentira ce que nous vivons aujourd’hui », lâche-t-il en détachant chaque mot. Son fils, Mohammad, un activiste des Brigades des martyrs d’al-Aqsa, liées au Fateh, est mort lundi. Il n’a pas été tué par les Israéliens, mais lors d’affrontements avec des hommes du Hamas à Abassane, dans le sud de la bande de Gaza. Un autre activiste du Fateh, Abdelrahman Daghma, et un membre du Hamas, Wasfi Chahwane, âgés d’une vingtaine d’années, ont été tués dans ces affrontements, les plus graves depuis la prise de pouvoir du mouvement islamiste en mars. Les 2 mouvements s’en rejettent la responsabilité. Ici, la tension est palpable. Des policiers sont présents en nombre et tout inconnu qui entre dans le quartier des familles Jourouf et Daghma doit montrer patte blanche aux hommes armés postés aux entrées. Ahmad al-Jourouf est persuadé que les Brigades Ezzedine al-Qassam, la branche armée du Hamas, ont tendu une embuscade à son fils. « Ils sont responsables de la “fitna” (division des rangs) », lance-t-il. Devant les maisons des 2 morts, il n’y a pas de tente de deuil pour recevoir les proches comme le veut la tradition. « Nous n’avons pas encore accepté les condoléances », dit Ahmad dans un souffle. Un cousin l’interrompt : « Nous faisons partie de tribus avant d’appartenir au Fateh ou au Hamas. Nos traditions nous imposent de tuer les meurtriers avant de faire notre deuil. » Le silence de la rue est soudain brisé par des échanges de tirs. Pendant quelques minutes, membres du Hamas et du Fateh s’accrochent. « Vous entendez ? C’est ça la trêve annoncée par Haniyeh ! » s’emporte Ahmad, en référence à l’accord conclu entre les dirigeants du Fateh et du Hamas pour mettre fin aux troubles. Plus loin, dans la famille de Abdelrahman Daghma, une trentaine d’hommes, leurs kalachnikovs posées au sol, conversent dans le grand salon baigné de lumière blanche en partageant un verre de thé. « Nous devons rester calmes car c’est dans l’intérêt de notre pays. Mais nous poursuivrons les meurtriers », assure Riad, un oncle, présent quand son neveu a été tué. Blessé au pied, son fusil d’assaut américain M-16 toujours à portée de main, il poursuit : « Ils sont connus de tous, et si le ministre de l’Intérieur ne fait rien contre eux, nous sommes prêts à nous venger. » La famille de Wasfi Chahwane a, elle, installé dans le centre de Khan Younès la tente des condoléances. À côté d’un immense portrait du jeune homme, frappé en grosses lettres du mot « martyr », on sert une tasse de café et des dattes à chaque visiteur. Le père de Wasfi, Chakir, un avocat âgé de 52 ans, a combattu dans les rangs du Fateh dans sa jeunesse et dit toujours être un « fils » de ce parti. « Mais aujourd’hui, je n’en suis pas fier », affirme-t-il. Il est en revanche rempli d’honneur après la mort de son fils « en martyr et combattant ». « Quatre membres du Fateh l’attendaient à Khan Younès et l’ont tué de 4 balles dans le dos. Il n’avait l’intention d’attaquer personne », assure-t-il. « Nous sommes en colère contre les corrompus du Fateh car ce sont eux qui sont derrière la mort de nos enfants », clame l’homme. Il sait que les familles des 2 autres activistes tués entendent se venger. « Nous n’avons peur de personne sauf de Dieu. S’il y a une vengeance, nous sommes prêts. Nous sommes prêts à combattre les corrompus. » Mehdi LEBOUACHERA (AFP)

Entouré de tous les hommes de la famille, Ahmad al-Jourouf parle d’une voix calme. Mais ses yeux bleus sont remplis de colère. « Nous nous vengerons. Chacune de leurs mères ressentira ce que nous vivons aujourd’hui », lâche-t-il en détachant chaque mot. Son fils, Mohammad, un activiste des Brigades des martyrs d’al-Aqsa, liées au Fateh, est mort lundi. Il n’a pas...