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LIVRES DE JEUNESSE - Comment initier les enfants à lire dès leur plus jeune âge La lecture, un goût, une passion et un amour

« Il faut lire » : voilà le leitmotiv de nombre de parents. En effet, le monde des adultes exige que celui des enfants lise ; même quand ils ne bouquinent pas eux-mêmes, les grands croient en la valeur pédagogique de la lecture, « bonne pour la culture générale, pour la grammaire, pour la syntaxe, pour l’acquisition du langage ». Les instituteurs essaient de véhiculer ce message. Face à l’insistance des uns et des autres, conquis par la télévision, les ordinateurs ou les jeux électroniques, l’enfant ne lit pas. Ou peu. Ou beaucoup. Cela dépend. Et même lorsqu’il se plaît à tenir un ouvrage entre ses mains, ce n’est sûrement pas un livre en arabe. C’est là où le bât blesse. Cette langue, considérée comme rigide, ennuyeuse, rébarbative et soporifique, paraît moribonde chez nos petits. Mais la cause n’est pas perdue. De nombreux auteurs, éditeurs, illustrateurs, bibliothécaires ou libraires s’acharnent à sortir le livre de jeunesse, et plus spécialement celui en langue arabe, de son état comateux. Mais au fait, comment vient le goût de la lecture? Pourquoi celui-ci ou celle-là, et pas ceux-ci et celles-là? Le mystère reste complet malgré toutes les hautes sphères intellectuelles qui se sont penchées sur la question… Elles s’y sont d’ailleurs tellement penchées qu’elles ne se sont pas encore relevées! Certains grands spécialistes, car le monde moderne n’existe que par les spécialistes autorisés (dixit Coluche), disent que ce goût vient du milieu intellectuel où mûrit l’enfant, d’autres disent que le déclic vient d’un professeur clairvoyant, d’autres parlent de concepts d’éducation, d’autres encore disent qu’il faut obliger les enfants à lire… Et comme toujours, dans le monde moderne, plus les spécialistes s’occupent d’un problème, plus les choses vont mal. Trêve de plaisanteries. Quel est le terreau qui fera des enfants des lecteurs insatiables, curieux de tout, des fouineurs de bouquinistes, des dévoreurs de romans, d’ouvrages philosophiques et religieux, de récits d’aventure ou de voyages, bref des rats de bibliothèque et de librairie? En général, le goût de la lecture s’éveille plus ou moins spontanément entre sept et neuf ans, selon le développement de l’enfant et selon le milieu qui l’entoure. Les observations et les enquêtes effectuées dans de nombreuses écoles attestent qu’une grande majorité d’enfants est attirée par les livres. La question fondamentale à se poser à ce niveau est de savoir comment donner au livre un attrait suffisant pour que l’enfant s’y attache. Il n’est peut-être pas exagéré de dire que c’est le problème majeur qu’ont à résoudre les éducateurs, les documentalistes et bibliothécaires. En effet, il aurait été vain de fonder des foyers de culture ou d’ouvrir des bibliothèques si la jeunesse n’avait contracté en famille, à l’école, un goût de lire. Ainsi, faut-il gagner la confiance des enfants et savoir saisir l’instant où le livre apportera à chacun les satisfactions qu’il souhaite inconsciemment, peut-être. Aussi le premier livre doit être une source de joie pour l’enfant. «Les agréments extérieurs tels qu’une illustration sobre et artistique, une impression nette, une mise en page élégante, devraient s’ajouter au charme d’un texte, indique Hala Bizri, bibliothécaire et responsable de la revue Hamzet Wasl. Des pages d’une langue simple seront choisies, au style et au contenu adaptés à l’âge des enfants. » Il conviendra donc de favoriser des textes se rapportant à leur vie, à leurs expériences quotidiennes, à leurs émotions. «Ainsi, le livre ne leur paraît plus artificiel ou ennuyeux», note Bizri en rappelant qu’il est un moyen d’éveiller le goût de la lecture auquel l’apathie des petits ne résiste pas: c’est de raconter d’abord les histoires que l’on veut faire lire et relire. «Les livres de jeunesse sont la parfaite symbiose entre artistes, illustrateurs, auteure ou musiciens qui les créent», estime Nadine Touma, auteure et responsable de Dar Omboz, une maison d’édition de jeunesse qui vient de voir le jour. Touma propose aux enfants des livres privilégiant une grande qualité de papier, les illustrations sont réalisées par des artistes peintres reconnus, les ouvrages sont parfois accompagnés de CD musicaux, de marionnettes ou de mobiles décoratifs. Résultat: ses prix sont nettement supérieurs aux autres productions locales. «Il est aberrant de dire que le marché local n’absorbe que les produits dits commerciaux.» Proposer des livres d’enfants bien fignolés et en arabe,voilà la nouveauté de Dar Omboz. «Nous faisons notre devoir. Il reste au lecteur de nous rejoindre à mi-chemin.» Côté forme, Yasmine Taan, illustratrice et designer, indique que «les illustrations deviennent de plus en plus abstraites et complexes. Il ne faut pas sous-estimer la capacité de l’enfant à comprendre le texte et à apprécier les illustrations d’un livre. Avec des concurrents comme le Gameboy et la Playstation, le livre ne survivra qu’avec des illustrations novatrices et attirantes». Shirine Kreydieh, éditrice, confie être «frappée par l’importance du rôle de la lecture dans la construction de soi, ou dans sa reconstruction», particulièrement dans les situations de chagrin, d’exil, de recherche identitaire. Pour elle, le livre nous aide à élaborer une identité plurielle, à pacifier des cultures différentes qui se battent en nous. Mais comment vient-on au livre? «Le goût de la lecture, c’est quelque chose qui se transmet plus que quelque chose qui s’apprend, s’accordent à dire les spécialistes. Il y a une inégalité selon le cadre familial, selon si on a vu ou pas ses parents lire... Pour rendre la lecture désirable, il faut rencontrer quelqu’un qui ait le goût de lire, qui soit fort de sa propre expérience.» Près de 40% des livres présents sur le marché sont traduits. « Il s’agit d’une richesse, bien sûr, souligne Shirine Kreydieh. De nombreux livres du patrimoine mondial méritent d’être connus par les arabophones. Mais, parfois, avant de choisir un livre à traduire, il convient de s’interroger sur sa valeur pédagogique ou ludique.» La critique s’en mêle «Une esthétique déroutante», «des personnages effrayants», «nous oscillons entre lieux communs et trames inconsistantes». Mais aussi «des histoires drôles, loufoques qui frôlent parfois l’absurde», «un beau livre aux illustrations modernes, vivantes et aux couleurs lumineuses», «une morale claire sans être rébarbative et un vocabulaire accessible aux enfants». C’est en ces termes que la revue Hamzet Wasl, publication trimestrielle, critique les nouveautés dans le domaine de la littérature de jeunesse. Fondée par un groupe de professionnels, de libraires, de bibliothécaires, d’éditeurs et d’universitaires, elle se veut «un espace de découverte et de rencontre» autour de la littérature de jeunesse publiée au Liban. «L’édition de jeunesse au Liban se modernise, tant au niveau de la fabrication du livre qu’à celui de son contenu. Cependant, confinée dans les circuits habituels de diffusion, cette édition reste méconnue du grand public.» Comme son nom le suggère, cette revue se propose de faire le lien entre toutes les personnes, professionnelles ou non, concernées par le domaine du livre de jeunesse. «On s’adresse aux éditeurs pour les soutenir dans leur démarche créatrice, leur proposer de nouvelles pistes et cerner la réception de leurs livres auprès des lecteurs. On s’adresse également aux médiateurs, libraires, bibliothécaires, enseignants, afin de les informer et de les aider à faire un choix. Les parents aussi sont nos interlocuteurs puisqu’ils sont les acteurs principaux du développement de la lecture chez leurs enfants.» «Notre démarche est constructive. Nous ne sommes pas des spécialistes autoproclamés venant distribuer de bons ou de mauvais points.» Ils n’ont nullement l’intention de décider de ce qu’il faut lire ou de ce qu’il faut rejeter. «Il s’agit plutôt de porter un regard attentif et honnête sur ce qui est proposé aux enfants et aux jeunes. Sans partir de préjugés, nous essayons de faire une lecture en même temps qu’une critique positive, en signalant les œuvres les plus créatives, en relevant les erreurs ou des aberrations, en suggérant des solutions ou des orientations.» Hala Bizri précise que les articles sont écrits à plusieurs mains et discutés en groupe. «Si cela nous permet de pondérer certains propos, nous ne remettons pas en cause notre ligne éditoriale, fondée sur notre sensibilité de lecteurs.» La revue s’engage doucement mais sûrement dans tous les aspects du livre jeunesse. En s’impliquant également dans sa diffusion. L’équipe de Hamzet Wasl a participé à la campagne Alef Bé Bébéyé, lancée en 2005 par le ministère de la Culture. Elle a participé également au Salon du livre de Paris et, tout récemment, à la Foire du livre de jeunesse de Bologne en Italie. «Le stand libanais a remporté un grand succès. Il a été visité par près de 400 personnes par jour. Des éditeurs, des auteurs, des illustrateurs, des distributeurs, curieux d’en savoir plus sur la production libanaise dans ce domaine.» Maya GHANDOUR HERT
« Il faut lire » : voilà le leitmotiv de nombre de parents. En effet, le monde des adultes exige que celui des enfants lise ; même quand ils ne bouquinent pas eux-mêmes, les grands croient en la valeur pédagogique de la lecture, « bonne pour la culture générale, pour la grammaire, pour la syntaxe, pour l’acquisition du langage ». Les instituteurs essaient de véhiculer ce...