Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

ONCOLOGIE - Mammographie annuelle et vigilance permanente concernant le corps Le cancer du sein, une maladie guérissable à condition…

NICE, de notre envoyée spéciale Nada MERHI C’est un appel à «connaître leur corps et à le respecter» qu’ont lancé les spécialistes à toutes les femmes au cours d’une journée consacrée aux médias sur le thème « Dialogues sur le cancer du sein : ce que les experts veulent que les femmes sachent ». Organisée par les laboratoires Roche, cette journée a réuni plus de soixante journalistes de tous les pays en marge des travaux de la cinquième conférence européenne sur le cancer du sein (EBCC - European Breast Cancer Conference), qui s’est tenue récemment à Nice en présence de plus de 3 000 spécialistes du domaine. Une journée qui visait, rappelons-le, à insister sur le rôle des médias dans «la communication de l’information», mais aussi à « démystifier la science » et à mettre l’accent sur les chances qu’a « une femme bien informée de l’emporter sur la maladie ». C’est le cas notamment d’Ilaria Hamilton, actrice et scénariste, diagnostiquée avec une tumeur au sein à l’âge de 33 ans et qui doit la vie à l’attention qu’elle portait en permanence à son corps (voir «L’Orient-Le Jour» du 18 avril 2006). Sur le plan scientifique, les spécialistes veulent que les femmes ne négligent pas leur rendez-vous annuel avec la mammographie, qu’elles réalisent que «tous les cancers du sein ne sont pas mortels et que la majorité d’entre eux sont guérissables s’ils sont découverts au premier stade de la maladie, lorsque la tumeur est encore localisée dans le sein». Les messages lancés par les spécialistes ne s’adressaient pas uniquement aux patientes, mais à leurs confrères aux quatre coins de la planète, les appelant à savoir «écouter» leurs patients et à « rester informés sur les avancées dans le domaine », insistant par la même occasion sur le rôle des infirmières spécialisées et des ONG dans la prise en charge de la maladie. En ce qui concerne l’avenir des traitements, les médecins restent optimistes, assurant que dans un avenir proche certaines tumeurs pourront être régulées comme n’importe quelle autre maladie chronique. De l’importance de l’autodépistage « Apprenez à connaître votre corps et respectez-le. » Chef du département du cancer du sein à la British Columbia Cancer Agency, au Canada, le Dr Karen Gelmon insiste sur le rôle de la femme dans la détection du cancer du sein, rappelant que dans 75 % des cas, c’est la patiente elle-même qui découvre la tumeur. « Même dans les pays où la mammographie est effectuée de façon systématique, la moitié des tumeurs est découverte au cours d’une autopalpation, explique-t-elle. Il est important donc que les femmes aient recours à cette pratique et qu’elles informent leurs médecins de famille ou leurs gynécologues du moindre changement. Il faudrait que les femmes comprennent que tous les cancers du sein ne sont pas mortels. Au contraire, une majorité d’entre eux sont guérissables, notamment s’ils sont découverts à un stade précoce, c’est-à-dire au premier stade de la maladie, lorsque la tumeur est encore localisée dans le sein. » Tumeur la plus fréquente chez la femme avec plus d’un million de cas par an, dont 400 000 décès, le cancer du sein est dû dans 90 % des cas à des causes environnementales. « Le facteur génétique joue un rôle dans moins de 10 % des cas, remarque le Dr Gelmon. Les femmes qui portent les mutations génétiques BRCA1 et BRCA2 sont toutefois plus à risque. Cela ne signifie pas pour autant qu’elles développeront une tumeur au sein à une étape donnée de leur vie. Les femmes qui n’ont pas d’antécédents familiaux ne doivent donc pas croire qu’elles sont à l’abri de la maladie. Nous sommes toutes à risque. Et bien que certaines femmes portent les gènes de mutation, le cancer du sein est développé dans 90 % pour d’autres raisons. » En effet, les facteurs de risque les plus fréquents demeurent principalement l’âge – le cancer du sein étant le plus diagnostiqué chez des femmes de plus de 60 ans, mais peut apparaître également chez des femmes jeunes de moins de 40 ans –, une première grossesse tardive, un régime alimentaire riche en matières grasses, une consommation excessive d’alcool, l’obésité abdominale, un traitement hormonal prolongé à base d’œstrogène ou d’une combinaison d’œstrogènes et de progestérones, ainsi que le manque d’exercices physiques et certains agents infectieux. « Certaines femmes développeront toutefois une tumeur au sein pour des raisons qui demeurent, jusqu’à présent, indécelables », remarque le Dr Gelmon, qui précise que le cancer du sein est plus fréquent dans les pays développés que dans les pays en voie de développement, « principalement à cause de la sédentarité, de l’obésité et du mode alimentaire malsain ». Comprendre la nature de la tumeur Tous les cancers du sein ne se ressemblent pas. Le Dr Gelmon précise qu’il existe en fait plus de dix types de tumeurs mammaires. « Une compréhension de la nature de la tumeur est ainsi indispensable pour un meilleur traitement, insiste-t-elle. Les cancers ont des signes pronostiques qui nous permettent de former une idée sur la façon dont ils évolueront. Ils ont aussi des signes prédictifs qui nous donnent une idée sur la manière dont ils réagiront aux traitements. En comprenant ces signes, qui ne sont autres que les facteurs génétiques de la tumeur, nous pourrons traiter plus efficacement les cancers du sein à un stade précoce et guérir plus de femmes. » Le cancer n’est pas synonyme uniquement d’une masse qui grandit. « Il a en fait la capacité de se répliquer d’une façon illimitée et de s’étendre à d’autres tissus se déplaçant dans les systèmes sanguin ou lymphatique, note-t-elle. Et la tumeur qu’on avait au sein peut apparaître des années plus tard dans une autre partie de l’organisme. La métastase est malheureusement observée dans 40 % des cancers du sein, parfois même des années après la période de rémission. » Et le Dr Gelmon de poursuivre : « Dans 65 à 75 % des cas, les cancers du sein ont des récepteurs hormonaux, c’est-à-dire de sortes de portes sur les cellules qui répondent à l’action de l’œstrogène et agissent comme un moteur permettant à la tumeur d’évoluer et de proliférer, note le Dr Gelmon. Dans près de 15 à 20 % des cas, la tumeur au sein est due à une amplification de la protéine HER2. Nous possédons tous cette protéine dans nos cellules, mais dans les cellules cancéreuses du sein, cette protéine existe en plusieurs copies dupliquées. Ce n’est pas une hérédité, mais une mutation acquise due à des facteurs que nous ignorons jusqu’à présent. Enfin, dans 15 % des cas, la tumeur n’est pas due à des récepteurs hormonaux ni à la protéine HER2. On parle alors du “ triple negative” (triplet négatif) ou de “basaloid”. » La compréhension des différents types du cancer du sein a permis une nouvelle approche dans le traitement de la maladie. Jusqu’à une époque récente, toutes les patientes souffrant d’une tumeur au sein ont été traitées de la même manière. Actuellement, les spécialistes disposent d’une panoplie de médicaments qui permettent d’individualiser les thérapies. « Dans le cadre du traitement adjuvant du cancer du sein, nous avons actuellement le choix entre la chimiothérapie, l’hormonothérapie pour les tumeurs aux récepteurs hormonaux et le Trastuzumab, le premier médicament anti-HER2 à être approuvé. Quatre études ont été menées sur cette molécule dont trois publiées dans le New England Journal of Medecine. Elles ont toutes montré que le Trastuzumab réduit de 50 % le risque de récurrence et de 25 à 30 % le taux de mortalité. » Les défis à relever dans l’avenir dans le traitement du cancer du sein consisteront donc, selon le Dr Gelmon, à déterminer la spécificité biologique de chaque type du cancer du sein pour privilégier les traitements individualisés. « Les recherches visent actuellement à identifier les empreintes de ces tumeurs, ce qui permettra des traitements individualisés. Nous espérons pouvoir, dans un avenir proche, dépister le cancer du sein à un stade encore plus précoce grâce à des examens sanguins. Et je suis confiante que dans quelques années, nous réussirons à réguler certaines formes de cancer, comme on régule n’importe quelle maladie chronique, le diabète ou l’hypertension à titre d’exemple », conclut le Dr Gelmon. « Bacup », une ONG qui aide à prendre les bonnes décisions Derryn Borley dirige Bacup, une ONG de soutien aux personnes atteintes d’un cancer. Cette association a été fondée par Vicky Clement Jones, un médecin qui a été atteint d’un cancer et qui, à l’instar de millions de patients, ne trouvait pas des réponses satisfaisantes à ses nombreuses questions. « Notre mission consiste à donner aux patients et à leurs familles des informations concernant la maladie, des conseils pratiques et le soutien dont elles auraient besoin pour vaincre la peur et l’anxiété », souligne Mme Borley, précisant que le site Web de l’association (www.cancerbacup.org.uk), visité par plus de 2,5 millions de personnes jusqu’à présent, contient quelque 4 500 pages d’informations sur les différentes formes de cancer. Quelles sont les informations que recherche une femme atteinte d’un cancer du sein ? « Principalement le taux de survie, les différents traitements disponibles, ainsi que des questions qui concernent sa famille, répond Mme Borley. Elle veut savoir si elle doit en parler à ses enfants, si son mari continuera à l’aimer, comment annoncer sa maladie aux membres de sa famille, etc. Les femmes qui ont achevé leur traitement cherchent plutôt à savoir si elles développeront un deuxième cancer, si elles réussiront à poursuivre leur vie, à oublier leur maladie… » Pour aider les femmes à prendre les bonnes décisions, Bacup a élaboré une série de questions-clés : Le traitement est-il efficace ? Quels sont les choix disponibles ? Quels sont les effets secondaires ? Les nouveautés médicales ? Comment maintenir soin style de vie ? Est-il possible de changer le traitement ? Quelle sera la durée du traitement ? Quel est le traitement qui a été l’objet de plus d’études ? « Toutes les femmes ne se poseront toutefois pas ces questions ou ne sont pas prêtes à recevoir les réponses », note Mme Borley. Elle insiste, par ailleurs, sur les avantages des groupes de soutien, déplorant la discrimination dont sont sujettes certaines patientes, comme « cette femme noire dont le sein reconstruit était de couleur blanche ou encore la femme asiatique qui a eu droit à une perruque rousse ». Et d’insister enfin sur les divisions familiales dues à la maladie et les séparations qui s’ensuivent. L’appui précieux des infirmières spécialisées Une femme – ou un homme – souffrant d’une tumeur au sein a besoin du soutien d’une infirmière spécialisée pour pouvoir lutter contre sa maladie et aller jusqu’au bout de son traitement le plus paisiblement possible. Tel est le constat de Naomi Fitzgibbon, infirmière spécialisée dans le cancer du sein au département d’oncologie à la clinique Blackrock, en Irlande, qui souligne que les recherches ont montré que « les femmes ayant accès à un choix thérapeutique et qui sont prises en charge par des infirmières spécialisées ont un meilleur résultat psychologique ». Quel est le rôle de l’infirmière spécialisée ? Naomi Fitzgibbon répond en citant une de ses collègues : « Je suis la personne qui aide un groupe de marcheurs à escalader une montagne. Les chirurgiens et les oncologues mènent la marche et l’infirmière spécialisée soutient les marcheurs et les aide à atteindre le sommet. » « Lorsqu’elle est diagnostiquée avec une tumeur au sein, la femme est bombardée par un grand nombre d’informations auxquelles elle ne comprend rien, poursuit Mme Fitzgibbon. La majorité des patientes ne sont pas familières avec la médecine et n’ont jamais été malades auparavant. Et tout d’un coup, on leur demande de comprendre et d’évaluer un tas d’informations les concernant directement. Notre rôle consiste donc à aider la patiente à assimiler ces informations, sachant qu’en quittant la clinique du médecin, la femme diagnostiquée avec une tumeur au sein ne se rappellera pas même 10 % de la conversation qu’elle a eue avec les spécialistes. » L’infirmière sera donc la personne qui soutiendra la malade tout au long de son séjour à l’hôpital et sera « son porte-parole aux réunions médicales multidisciplinaires, lorsque les décisions concernant le traitement à suivre seront prises ». Perte de la libido Et sa tâche n’est pas des moins faciles. En fait, les effets émotionnels du diagnostic sont divers. « Selon la théorie de Kübler-Ross, la patiente passe par des phases de déni et d’isolation, de rage, de marchandage, de dépression et parfois d’acceptation, remarque Mme Fitzgibbon. Toutes les femmes ne passent pas par toutes ces étapes. Certaines se renferment dans leur colère et sollicitent une aide et un soutien pour pouvoir s’en sortir. Nous serons présentes pour elles. » L’infirmière a la tâche « de déceler les problèmes chez la patiente » et de l’aider, par la suite, « à surmonter la maladie, sachant que la femme a des difficultés à accepter les changements physiques qui suivent une mastectomie et la femme jeune est plus susceptible aux problèmes d’ordre psychologique ». « Je me rappelle de la réaction des femmes après un épisode de Sex and the City, lorsque l’un des personnages, Samantha, atteinte d’un cancer du sein, enlève sa perruque et la jette dans l’air, se plaignant de la perte de sa libido et de sa vie sexuelle, raconte Mme Fitzgibbon. Après cet épisode, les patientes ont été encouragées à soulever la question de leur sexualité. Les femmes atteintes d’un cancer du sein pensent en effet qu’elles n’ont plus le droit de parler de leur sexualité, ni de soulever le problème de leurs relations avec leur partenaire. Elles pensent qu’elles doivent s’estimer chanceuses d’être encore en vie. Un groupe d’entre nous s’est alors réuni avec des spécialistes pour discuter des moyens de remédier à ce problème. » Mme Fitzgibbon insiste enfin à son tour sur l’importance d’un dépistage précoce d’une tumeur au sein. « La clé de la survie demeure le dépistage précoce, répète-t-elle. Il est important que les femmes soient conscientes de leurs corps et qu’elles apprennent à chercher le moindre changement dans leurs seins.
NICE, de notre envoyée spéciale Nada MERHI

C’est un appel à «connaître leur corps et à le respecter» qu’ont lancé les spécialistes à toutes les femmes au cours d’une journée consacrée aux médias sur le thème « Dialogues sur le cancer du sein : ce que les experts veulent que les femmes sachent ». Organisée par les laboratoires Roche, cette journée a réuni...