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Actualités - OPINION

LE POINT Atomes (peu) crochus

Et si, cette fois, c’était bien le loup ?… À l’heure où la Maison-Blanche et Condoleezza Rice semblent avoir choisi de passer à la vitesse supérieure, la question représente la patate chaude dans des chancelleries peu enclines à ajouter foi aux fables, trois ans après celle des armes irakiennes de destruction massive. Même le fidèle Tony Blair, qui ne demandait pourtant qu’à y croire, ne peut s’empêcher d’esquisser une moue dubitative quand on lui parle de rempiler, cette fois contre la République islamique. Surtout que les mollahs ne manquent pas une occasion de rappeler au Grand Satan et à ses damnés alliés que l’Iran n’est pas l’Irak et qu’il poursuivra son programme nucléaire « avec patience », une qualité dont, semble-t-il, tout le monde a plus que jamais besoin en ces heures où le volcan moyen-oriental est susceptible d’entrer à n’importe quel moment en éruption. Les arguments sur lesquels s’appuient – sans cependant aller jusqu’à en faire publiquement état – les maîtres de Téhéran sont nombreux. Un nouveau bourbier, après celui de l’antique Mésopotamie, voilà la dernière chose dont l’Administration Bush a besoin à la veille des « mid-term elections » de novembre prochain qui s’annoncent, prévoit-on, catastrophiques pour les républicains, leur cote de confiance ayant atteint un niveau anormalement bas. La semaine dernière, six généraux réclamaient ouvertement la démission de Donald Rumsfeld et rien n’indique que l’opinion publique soit disposée à accepter une nouvelle aventure militaire. Quant à une frappe « chirurgicale » des sites repérés, elle pourrait être l’œuvre d’Israël, où les stratèges auraient déjà entrepris d’en dresser les plans quitte, par l’effet d’un phénomène de dominos, à provoquer un embrasement qui n’épargnerait aucun État de la région. Fort heureusement,on n’en est pas là. Pas encore. Au fait, où en est-on ? Annoncée par le New York Times, la nouvelle a affolé les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique : grâce aux plans aimablement communiqués par le Pakistanais Abdul Qadeer Khan, les savants iraniens seraient sur le point de passer à l’utilisation de centrifugeuses P2, quatre fois plus puissantes que leurs antiques aînées (les P1), ce qui aura pour effet de hâter l’achèvement des travaux en cours. Et encore, on n’en sera pas pour autant à la phase de la fabrication de l’arme suprême. Les estimations, pour atteindre ce stade, sont d’une imprécision bien peu mathématique ; elles varient entre trois à cinq ans et quinze ans. Pour avoir une approximation moins vague, il conviendrait, nous dit-on, de disposer d’informations sur la capacité des chercheurs qui s’activent sur le site de Natanz ainsi que sur les intentions secrètes de Ali Khamenei et de Mahmoud Ahmadinejad. En attendant ces hypothétiques précisions, il est permis de s’interroger sur la réputation (fort surfaite) d’habileté de la communauté internationale dans le traitement de la crise. Car enfin, les racines de toute l’affaire remontent aux années cinquante, quand le chah s’était laissé convaincre par ses conseillers de se jeter à l’eau (lourde). En 1957, était conclu avec les États-Unis un accord qui débouchait, deux ans plus tard, sur la création à Téhéran d’un centre de recherche placé sous l’autorité de l’Agence internationale. Déclaration de Mohammad Reza Pahlevi, en août 1974 : « Le pétrole est un produit bien trop noble, bien trop précieux pour être brûlé. Bientôt, nous serons en mesure de produire 23 000 mégawatts d’électricité grâce au nucléaire. » Nul à l’époque n’avait trouvé à y redire. Il est vrai que cinq ans plus tard, un certain exilé nommé Ruhollah Khomeiny allait balayer les maigres acquis enregistrés après le coup de force déclenché (avec l’aide de la Central Intelligence Agency) contre le brave Dr Mossadegh. Aujourd’hui, l’Occident peut soutenir que l’ancienne Perse, quatrième producteur mondial de pétrole, n’a pas besoin d’une source alternative d’énergie. À quoi on pourra rétorquer que la Grande-Bretagne et la Russie non plus, où une partie appréciable de l’énergie est assurée par l’atome. Présentement, 1 118 réacteurs sont en service dans le monde, dont 280 sont consacrés à la recherche, 400 à la propulsion de navires et de sous-marins et 438 à la production de courant (104 aux USA, 59 en France, 53 au Japon, 29 en Russie et 19 en Allemagne). Avec ses 164 centrifugeuses actuellement en exercice, Téhéran peut, au mieux, espérer produire suffisamment d’uranium enrichi pour avoir sa bombe dans un délai de 13 ans. Bien sûr, on aura raison d’arguer que mieux vaut prévenir que guérir, mais alors pourquoi l’État hébreu et pourquoi, pas plus tard qu’il y a deux semaines, l’Inde ? Les réponses à ces questions viendront peut-être. En attendant, hier lundi, l’or s’est traité à 605,70 dollars l’once et le pétrole a dépassé la barre historique des 70 dollars le baril. Cherchez à qui cela profite… Christian MERVILLE

Et si, cette fois, c’était bien le loup ?… À l’heure où la Maison-Blanche et Condoleezza Rice semblent avoir choisi de passer à la vitesse supérieure, la question représente la patate chaude dans des chancelleries peu enclines à ajouter foi aux fables, trois ans après celle des armes irakiennes de destruction massive. Même le fidèle Tony Blair, qui ne demandait...