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Actualités - CHRONOLOGIE

HOMMAGE - Centenaire de l’écrivain humaniste à l’AUB Khalil Takieddine, le romancier romantique

«Il faut traiter les livres comme on traite le pain, avec respect», disait Khalil Takieddine à sa fille Mona lorsque celle-ci encornait les pages d’un roman. Homme de lettres et diplomate, Khalil Takieddine (1906-1987) fait partie de ces écrivains libanais qui ont participé à la « nahda » de la littérature arabe de la première moitié du XXe siècle. Du village verdoyant de Baakline, où il est né, jusqu’au Kremlin, où il a serré la main du tsar de Russie, l’écrivain qui venait du Chouf a sillonné le monde. Les multiples facettes de l’homme, du père, de l’ami, du beau-père, de l’ambassadeur et, bien entendu, de l’écrivain ont été abordées lors d’un hommage organisé par l’Université américaine de Beyrouth (AUB) à l’initiative du programme Anis Makdessi de littérature, sous le patronage du ministre de la Culture, Tarek Mitri. Avec Mona Takieddine Amyouni, Souleiman Takieddine, Nazek Saba Yared, Bassem Jisr, Ali Hamadé et Touma Arida. Diplomate au regard affûté, écrivain humaniste, il a traduit ses impressions et ses émotions noir sur blanc, dans ses romans passionnants, notamment dans Tamara et Karen Wa Hassan. «Mes personnages sont de chair et de sang. Mes livres sont le reflet de la vie. La vie telle que je la vois de mes propres yeux», affirmait-il. Soleiman Takieddine, neveu du romancier, a entamé la série des témoignages en indiquant que son oncle, natif de Baakline, a connu, jeune, l’exil de son père et ses oncles, les affres de la Première Guerre mondiale et le blocus du Mont-Liban imposé par Jamal Pacha. «Tout au long de sa double carrière, de son engagement d’écrivain et de sa mission de diplomate, il est resté proche du peuple et de la terre», indique le neveu avocat. «J’aurai raté ma vocation d’écrivain le jour où l’enfant de 12 ans n’aura pas compris mes romans», a dit un jour Khalil Takieddine à son gendre, Touma Arida. À travers ses écrits, les élèves apprennent les moindres détails de la vie du village. «Les histoires de cheikh Khalil ont le goût des rochers, de la terre, de la vigne et de l’olive», souligne Arida. L’avocat se souvient du jour où il a sollicité la main de Leila Takieddine. «Est-ce que vous préférez un mariage civil à l’étranger?» avait demandé Touma Arida. Et Takieddine, le druze, de rétorquer: «Qu’est-ce que vous avez contre l’église?» La relation entre le gendre et le beau-père s’est affirmée au fil des ans. «Nous avons trinqué l’arak maintes fois autour d’un mezzé et d’un jeu de poker. Nous avons passé des soirées à parler de littérature, de poésie et de politique», se souvient Touma Arida. L’avocat se souvient lorsque la famille avait loué une maison à Aytat pour échapper aux combats qui faisaient rage à Beyrouth. «Un soir d’insomnie, alors que les bombardements s’intensifiaient, je l’ai entendu m’appeler. Je me suis rendu dans sa chambre et il m’a demandé si je connaissais le féminin d’un mot arabe. N’étant pas sûr de ma réponse, il m’a souligné que deux personnes sauraient la réponse: cheikh abdallah Alayli et le président Sélim Hoss. Et il a impatiemment attendu les premières lueurs de l’aube pour les appeler.» À la «ligne des dix», ils étaient quatre: le poète Élias Abou Chabké, Fouad Hobeiche, Michel Abou Chahla et Khalil Takieddine. Se sont joints à eux les amis intimes de ce dernier, Mohammad Ali Hamadé et Takieddine el-Solh. «Les intellectuels se souviennent sans doute des batailles que la ligue des dix a livrées contre les détracteurs de Gibran Khalil Gibran.» Dans son témoignage, Bassem Jisr a déclaré: «Je l’ai connu avant de le rencontrer, par les histoires de famille. Mon père avait nommé le jeune Takieddine comme assistant au Parlement, car il était le seul à pouvoir déchiffrer son écriture.» «Il est issu d’une famille d’intellectuels qui comptait Amine, Ahmad, puis Khalil, Saïd, Wassim et Khalil. Sans oublier Soleiman et Mona, ici présents, ajoute Bassem Jisr. Contrairement à d’autres écrivains qui ont vécu en marge de la société, Khalil Takieddine a vécu pleinement et avec beaucoup d’engagements envers ses prochains. Entre le Parlement, le clan des dix, Bchamoun en 1943, l’ambassade de Moscou en période stalinienne, Le Caire de Abdel Nasser, ses missions en Suède et au Mexique, il a été témoin de nombreux événements et il a même participé à quelques-uns.» Selon Bassem Jisr, l’on peut distinguer trois dimensions majeures dans l’œuvre de l’écrivain baakliniote. D’abord la dimension libanaise, que l’on remarque dans les œuvres Majmouat el-Kosas (Collection de nouvelles), al-Iidam (La condamnation), Khawater Sasaj (Pensées candides). Puis la période inspirée de sa mission à Moscou et dont le fruit est le roman Tamara. Et, enfin, la dimension historique qui a fortement empreint le roman Karen wa Hassan. «Le premier roman fleuve dans la littérature arabe, comme l’a si bien souligné le critique Georges Masroua». Le journaliste Ali Hamadé, en donnant lecture du mot de Marwan Hamadé, a surtout évoqué la grande amitié qui liait l’écrivain du Chouf à Mohammad Ali Hamadé (père de Marwan) et Takieddine el-Solh. «Ces trois-là, inséparables, étaient unis par un cordon ombilical invisible.» Dans son témoignage, Marwan Hamadé a cité le dernier article de Takieddine, un hommage posthume à Mohammad Ali Hamadé publié par le Nahar. Nazek Saba Yared a évoqué, quant à elle, l’aspect littéraire et critique de l’œuvre de l’écrivain. «Son grand attachement à la terre et au village a fait de lui un romantique incurable qui a fini par détester les villes, où il ne voyait que du bruit, de l’hypocrisie et de la corruption», a-t-elle souligné Il convient de noter que l’œuvre complète de Khalil Takieddine va bientôt paraître aux éditions Nawfal. M.G.H.
«Il faut traiter les livres comme on traite le pain, avec respect», disait Khalil Takieddine à sa fille Mona lorsque celle-ci encornait les pages d’un roman. Homme de lettres et diplomate, Khalil Takieddine (1906-1987) fait partie de ces écrivains libanais qui ont participé à la « nahda » de la littérature arabe de la première moitié du XXe siècle. Du village verdoyant de...