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Actualités - CHRONOLOGIE

PHOTO Au hangar Umam D&R (Haret Hreik), jusqu’au 9 avril «Opération 9», ou le musée de la mémoire, de Noël Nasr

Résultat d’une expérience liée à la guerre, le projet photographique de Noël Nasr se traduit par un langage esthétique très contrasté. Une démarche artistique intime mise en scène sous forme d’installation et qui se déroule jusqu’au 9 avril au hangar Umam D&R ( Haret Hreik). «Comment peut-on encore recourir aux armes après avoir absorbé (jusqu’à l’indigestion) toutes sortes d’images de guerre?» À partir de cette réflexion, Noël Nasr va élaborer un travail artistique qui mutera en cours de route. Parti d’une expérience personnelle, il se retrouvera à faire le procès des démolisseurs de mémoire: «Nous pensons que la guerre prend fin lorsque l’artillerie s’est retirée et que les combats ont cessé, souligne-t-il. Mais une autre sorte de guerre, dure et impitoyable, continue de couver lorsque la vraie guerre s’est achevée. Elle naît discrètement loin du spectacle médiatique de tous les jours, dans les journaux ou à la télévision, et se déroule au plus profond de nous-mêmes. Elle devient si complexe que même les médias ne peuvent en saisir toute l’acuité.» Plus près du réel Le travail de Noël Nasr (qui a nécessité deux ans) fait la lumière sur la saturation de l’esprit par l’image et dénonce l’aliénation de la mémoire, ainsi que la capacité de l’homme à oublier et à marginaliser la douleur. Enfant de la guerre, le jeune Nasr a toujours été passionné par la photographie. Bien après ses études à l’USEK, il s’associe d’abord avec un ami et crée sa propre boîte avant de s’inscrire quelques années plus tard à la University College for the Creative Arts à Kent (Angleterre). Son centre d’intérêt sera toujours la guerre: «Pas en tant que guerre seulement, mais également des conséquences néfastes qu’elle engendre à long terme», affirme-t-il. «Opération 9» en est la preuve. Construite en deux parties, l’installation assure une visite guidée dans les méandres de la mémoire. Elle captive d’abord par ses neuf photos surdimensionnées montées sur des boîtes à lumière. Sollicité, le regard les ingurgite, les consomme machinalement, sans réfléchir. Probablement sans rien y comprendre non plus. «On a la vie en rose, le rose qu’on nous propose», disait le chanteur. En effet, les couleurs sont fluorescentes, gaies. Elles évoquent les grands panneaux publicitaires qui agressent au quotidien. Un travail à deux volets Plus loin, en suivant l’allée, comme dans le parcours d’un musée, une vidéo est installée dans une petite chambrette, derrière un rideau noir. Une série de photos y sont projetées. En quarante-neuf clichés sur six minutes qui semblent s’éterniser, c’est le quotidien douloureux d’une victime de guerre qui défile. Sans paroles ni musique, elles apparaissent et disparaissent en fondu (comme pour marquer leur fugacité). Par moments, certaines d’entre elles se rejoignent et se recoupent. Toujours dans ce lourd silence où on croirait entendre les bruits de bottes, elles vont former un kaléidoscope de vie. Loin du virtuel offert par les médias, (et représenté par les photos antérieures), c’est la vie bien réelle qui s’affiche et s’impose au regard. Quel lien existe-il entre les mégaphotos warholiennes phosphorescentes et celles-ci, plus ternes et atones? Un fil d’Ariane indicible et sournois qui mène vers des cubes transparents où sont exposés des objets anodins. Tout en pudeur, ils résument cette tranche douloureuse de vie et donnent une réponse globale à «Opération 9» (la neuvième opération subie par la victime en question) En travaillant sur les associations d’idées, les similitudes, les agrandissements ainsi que sur d’autres techniques, le photographe est parvenu à mettre en éveil la mémoire, à la fixer après l’avoir formatée. Loin de toute sensiblerie, de tout voyeurisme, l’installation photographique de Noël Nasr n’est pas sans rappeler que l’oubli est aussi fatal que la guerre. Colette KHALAF

Résultat d’une expérience liée à la guerre, le projet photographique de Noël Nasr se traduit par un langage esthétique très contrasté. Une démarche artistique intime mise en scène sous forme d’installation et qui se déroule jusqu’au 9 avril au hangar Umam D&R ( Haret Hreik).

«Comment peut-on encore recourir aux armes après avoir absorbé (jusqu’à...