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Se battre pour Chebaa

Qui, à part deux pour cent des Libanais, soupçonnait jusqu’en mai 2000 l’existence de quelques fermes appelées Chebaa ? Et dire que ces fermes tiennent en suspens tout un pays anxieux de retrouver l’entente, condition de la récupération de la paix et de la normalité. Ces fermes, dont la dimension politique est devenue une excroissance délétère dominant le débat national, à tel point que nous avons sur les lèvres cette exclamation de Hamlet : « To be or not to be, that is the question. » Un petit rappel historique est ici nécessaire. À son arrivée au pouvoir au printemps 1999, Yehud Barak a déclaré : « Nous nous retirerons du Liban en juillet 2000. » Mais cela ne faisait pas l’affaire de nos tuteurs, pour qui le maintien du Liban-Sud en état d’ébullition était un commode abcès de fixation à garder en fonctionnement jusqu’à la récupération du Golan. Ils se sont dépêchés de rassurer : « Cela n’arrivera pas, l’ennemi s’est trop bien accommodé de sa conquête pour s’en aller gratuitement. » Emboîtant docilement le pas à ses tuteurs, notre gouvernement a répété la leçon apprise. Or en novembre 1999, le ministre français Hubert Védrine, au cours d’un périple en Orient, a fait à Beyrouth, dans un geste d’amitié, un crochet de quelques heures pour tenir une conférence de presse où il a recommandé aux Libanais de se préparer à un retrait prochain des Israéliens, en insistant : « Ce qu’ils ont annoncé n’est pas un bluff, ils ont tout intérêt à mettre fin à ces escarmouches continuelles. » Effectivement, dans la nuit du 23 au 24 mai 2000, les Israéliens, qui avaient laissé le moins de soldats possible, juste de quoi simuler une présence, se sont brusquement retirés du territoire libanais, de sorte qu’au petit matin, tant les autorités libanaises que le Hezbollah en sont restés cois. Mais nos tuteurs n’ont pas considéré la partie comme perdue. Après quelques jours, ils ont dit : « Attention, il reste le hameau de Chebaa encore occupé. Il faut le libérer. » Et le Hezb, saisissant la planche tendue, a repris ses harcèlements. C’est ainsi qu’il fut écrit que le Liban ne connaîtrait pas le repos. Et cela dure depuis bientôt six ans. Quel est aujourd’hui le Libanais, sachant de tout temps Chebaa administrée par les Syriens, qui ne dirait pas : « De grâce, restons-en donc à la situation qui a toujours prévalu et tournons la page pour reconstruire notre pauvre pays ; écoutons les cris d’alarme répétés avec insistance par les plus hautes autorités économiques et tant pis pour Chebaa ! Le collapsus nous guette et nous continuerions à ergoter ? Trêve d’infantilisme. » Ces quelques fermes, encore inconnues il y a six ans, dont le statut stable remonte aux années 30, ont pris démesurément une dimension existentielle : être (laisser Chebaa), ou ne pas être (continuer à se battre pour Chebaa). On finit par s’écrier : être ! Nous voulons retrouver la paix comme tant d’autres pays de la région qui, sans complexe, ont renoncé à la guerre. Albert SARA

Qui, à part deux pour cent des Libanais, soupçonnait jusqu’en mai 2000 l’existence de quelques fermes appelées Chebaa ? Et dire que ces fermes tiennent en suspens tout un pays anxieux de retrouver l’entente, condition de la récupération de la paix et de la normalité. Ces fermes, dont la dimension politique est devenue une excroissance délétère dominant le débat...