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Réhabilitation… à défaut d’une vraie déstalinisation

Réhabilités…On a de la peine à le croire. Pour nous, militants ou observateurs, patriotes enflammés ou citoyens simplement lucides, ce jour de réhabilitation était un jour de joie. Sans limites. Malgré la tristesse – la détresse – des familles. Le 13 octobre 1990, des héros sont tombés, pour que vive le Liban. Face à la Syrie. Et à ses alliés, les collaborateurs, ceux engagés comme ceux objectifs. Des années durant, la mémoire de ces soldats libanais a été piétinée, insultée par les Syriens et leurs acolytes, leurs sbires, leurs fantoches libanais. Des années durant, nous étions rares à les pleurer. Des années durant, nous avons commémoré, perpétué leur souvenir. Des années durant, nous nous sommes imprégnés de leur sens de l’honneur, nous nous sommes pétris de leur sacrifice. En secret, en cachette, la peur au ventre. Des années durant, opposants au système, abstentionnistes, intellectuels, étudiants, exclus, nouveaux pauvres, victimes du « ihbat », nous avons tenu tête. Exilés, morts ou en prison, nos leaders s’étaient tous unis, du moins dans nos esprits. En silence ou à coup de klaxons, nous avons cru à notre cause. Des années durant, nous avons résisté. Par la simple force de notre réprobation, de notre refus. Du fait accompli. De la « justice » des vainqueurs. De leur version de l’histoire. Des années durant, nos mains ont inlassablement réécrit sur les murs les slogans que des barbares tentaient de maquiller, d’effacer, d’annihiler. Des années durant, nous avons rêvé de ce grand jour. Celui de la réhabilitation, celui du sacre en plein soleil des héros morts pour la patrie. Au ministère de la Défense même. Là où toute trace du passage, de l’existence même du général Aoun avait disparu. Là où les faussaires de l’histoire ont voulu occulter qu’il ait même jamais été commandant en chef de l’armée, retirant ses portraits, arrachant des plaques commémoratives, déchirant des pages du livre de l’histoire. Au ministère de la Défense. Là où Samir Geagea avait été emprisonné aussi. Et tous les chrétiens libanais avec lui. Lieu hautement symbolique, en effet. Ce temple de l’endoctrinement, où l’on enseignait que la Syrie et le Liban avaient une histoire commune, des destinées communes et des sorts interdépendants. Un seul peuple dans deux États. L’état-major de l’armée a fini par enfin célébrer les martyrs du 13 octobre avec tous les honneurs dus à leur rang. À une époque où on pointe du doigt chaque jour et sans jamais faiblir la seule et unique « tête du système sécuritaire » libano-syrien, on est porté à s’interroger sur les limites d’une telle qualification. Les choses ne sont pas aussi simplistes qu’on voudrait bien nous le faire croire, et un système sécuritaire, comme la collaboration, ça ne peut pas se limiter à une seule personne. Or la déstalinisation, comme la réhabilitation, ne peut être partielle. Elle doit être totale, globale, systématique. C’est un bon début que de déboulonner les statues (équestres ou autres), de démanteler les barrages et d’arracher les photos. Il faut cependant aussi débaptiser les avenues, comme par exemple celle qui mène à l’aéroport. Reprendre les clefs de Beyrouth. Arrêter de faire l’éloge post mortem de Ghazi Kanaan. Redonner à la cité sportive son nom d’origine. Juger les collaborateurs aussi, tous les collaborateurs. À moins de choisir, à moins d’avoir déjà choisi, de tout pardonner, de tout oublier. De tourner la page, comme si de rien n’était. Nous n’y sommes pas opposés. À ceux qui optent pour la paix civile, le dialogue entre adultes, le repentir, la rédemption, nous répondons par l’affirmative. C’est vrai qu’il ne resterait pas grand monde, si on voulait vraiment demander des comptes et être rigoureux dans le jugement. Mais un peu de décence, tout de même, c’est tout ce que nous demandons. Profil bas. Et qu’on se dise une chose, évidente, qui n’est susceptible d’aucune contestation : les héros, les résistants, les purs et durs n’ont de leçons à recevoir de personne. Leurs décorations, ils les ont méritées. À la dure. À la sueur. Au sang. Leur blason n’a jamais terni. Leur tête ne s’est jamais baissée. Les martyrs du 13 octobre 1990 peuvent dormir tranquille. Ils ont été réhabilités, en pleine lumière, officiellement, tambours et trompettes, fleurs et couronnes, à l’endroit même où l’occupation a fait subir à la patrie les pires des humiliations. Des années durant. Seuls auront été présents leurs frères d’armes, leurs compagnons d’infortune, ceux qui n’ont pas oublié et ceux qui, en attendant ce grand jour, auront constamment prié pour eux. Sans varier, sans vaciller, sans défaillir. Des années durant. Élias R. CHEDID New York
Réhabilités…On a de la peine à le croire. Pour nous, militants ou observateurs, patriotes enflammés ou citoyens simplement lucides, ce jour de réhabilitation était un jour de joie. Sans limites. Malgré la tristesse – la détresse – des familles. Le 13 octobre 1990, des héros sont tombés, pour que vive le Liban. Face à la Syrie. Et à ses alliés, les collaborateurs,...