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Actualités - REPORTAGE

1 250 nouvelles entrées et un nouveau lexique arabe dans la version refondue du «Dictionnaire juridique» d’Ibrahim Najjar Un ouvrage complètement ouvert sur la modernité

Le Liban joue un rôle éminent en tant que médiateur de culture ou encore d’interface entre le français et l’arabe, et même entre l’anglais, le français et l’arabe. Il le prouve une nouvelle fois avec la publication du «nouveau» Dictionnaire juridique français-arabe d’Ibrahim Najjar, professeur de droit à l’USJ, un ouvrage qui trônera sans doute dans tous les cabinets d’avocats, toutes les salles de rédaction, toutes les bibliothèques et tous les bureaux. Publié la première fois en 1973 et réédité 13 fois (éditions Librairie du Liban), le Dictionnaire juridique d’Ibrahim Najjar refondu sera présenté vendredi au cours d’une conférence à plusieurs voix à laquelle prendront part le premier président de la Cour de cassation, Antoine Khair, et le Pr Jean-Louis Sourioux, professeur émérite à l’Université Panthéon-Assas (Paris) (*). L’ouvrage comprend une innovation importante: les mots arabes principaux qui sont l’équivalent des entrées françaises ont été répertoriés. C’est ainsi qu’ils forment le premier véritable lexique arabe-français. Le mot arabe renvoie à un mot français et à une page du dictionnaire. On peut donc remonter de l’arabe au mot français et avoir de nouveau la totalité de la notion et du régime, en arabe. L’équivalent d’un dictionnaire juridique arabe-arabe. «Il y a, dans ce dictionnaire, toutes les disciplines», indique Me Najjar, en présentant en avant-première pour L’Orient-Le Jour le résultat de ses trente années d’effort. Dans la version refondue du dictionnaire, 1 250 nouveaux termes juridiques ont été introduits, et l’on y trouve désormais la lexicographie de toutes les formes de droit, de l’économie, de l’arbitrage, du droit canon, sans compter les locutions latines et les anglicismes qui ont envahi le droit français: tous les contrats en «ing»; factoring, leasing, franchising, etc. Et aussi tous les mots techniques des marchés financiers. «C’est un dictionnaire complètement ouvert sur la modernité», commente-t-il. Pour ceux qui veulent traduire en arabe le mot «swap» ou le sigle GDR (Global Deposit Receipt), il y a donc désormais un espoir. Un ouvrage unique en son genre «Évidemment, ce n’est pas un dictionnaire fermé, s’empresse d’ajouter Me Najjar, conscient que tous les jours, des mots nouveaux peuvent apparaître. Mais c’est en tout cas un travail unique en son genre. Certes, il existe, dans les librairies, des index, qui sont souvent des traductions de lexiques français. Pour ma part, je ne me suis pas limité à traduire les termes juridiques. Je les ai expliqués et j’ai présenté brièvement leur régime juridique. Prenez le Tribunal pénal international (TPI), il fallait non seulement en donner l’équivalent en arabe, mais définir ce tribunal et faire un résumé de son fonctionnement.» «La première version du dictionnaire avait été écrite en collaboration avec deux juristes égyptiens, spécialistes des dictionnaires juridiques, indique Najjar. Vous savez que le droit égyptien a une audience exceptionnelle dans le monde arabe. C’est grâce à lui, par exemple, que le droit français est appliqué dans certains pays arabes qui n’ont jamais connu le mandat français, comme les pays du Golfe, l’Irak ou la Libye. Cette version refondue poursuit la mission du premier ouvrage. En un sens donc, il s’agit d’un ouvrage de vulgarisation de la francophonie juridique. Mais, en même temps, c’est un effort d’harmonisation de la terminologie entre les différents pays arabes.» «Les Arabes ne connaissant pas le langage juridique français, ajoute Najjar, il a fallu mettre en arabe les notions, les catégories juridiques françaises. Mais on ne pouvait faire une traduction littérale. En Tunisie, on traduit le mot“ règle”, comme dans règle de droit par “ mastara”. C’est une traduction littérale. Le même mot, en Égypte, se dit “la’iha”. Au Liban, c’est “kanouri”. Mais dans les pays qui appliquent la charia musulmane, ce terme a une connotation religieuse, c’est un terme de droit canon. Voyez comme un même mot est investi d’une charge sémantique différente, selon les régions, les pays, les cultures.» Un thésaurus des nouveaux termes «Cerner les mots nouveaux apparus entre 1973 et 2005 n’a pas été facile, raconte Ibrahim Najjar. Il a fallu répertorier ces mots au travers des index, des différentes encyclopédies juridiques, des revues, chaque jour plus spécialisées, chercher en direction du droit de la famille, du commerce électronique, de la communication, de la consommation, de l’environnement, des marchés financiers. Tous ces concepts n’existaient pas. Il a fallu donc constituer une sorte de thésaurus des nouveaux termes juridiques. Mais il a fallu aussi actualiser les définitions des anciens mots, dont le régime a évolué. Par exemple, en 1973, il n’y avait pas le “ placement d’enfant” ou le démariage. Entre cette date et 2005, les codes français ont changé : le droit de la famille, le droit des obligations, le droit commercial, celui des sociétés, le Code pénal, le code de procédure civile, le code de l’arbitrage international, celui des marchés financiers. Tous ces codes ont été non seulement toilettés, mais carrément revus, modernisés et mis aux normes européennes.» «Par ailleurs, enchaîne le juriste, l’européanisation du droit français a fait que celui-ci s’est rapproché sur certains points du droit américain, notamment dans tout ce qui touche au droit du commerce international, au commerce électronique, aux marchés financiers et, même sous certains aspects, au droit pénal. L’enfant adultérin, aujourd’hui, en France, a le statut d’un enfant légitime. On ne peut plus parler d’enfant naturel. Un enfant est un enfant.» Le plus difficile a été de créer des néologismes, en arabe, précise Najjar. Prenez le mot accès, pour « access code ». Comment le traduire? On l’a fait de sept à huit façons différentes: «woulouge», «ittisal», «doukhoul», etc. Mais chacun de ces mots a une connotation bien définie. «Doukhoul», c’est la consommation du mariage, «woussoul», l’arrivée, «ittisal», communication, «woulouge», c’est entrer. C’est dire que finalement il a fallu faire un tri, un choix. C’est toute la difficulté et tout le bonheur aussi de contribuer à créer un langage du droit, à alphabétiser le droit. Mais quelle aventure! Fady NOUN (*) Conférence « Les mots et le droit », vendredi 17 mars à 18h, amphithéâtre A – campus des sciences sociales, rue Huvelin.

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