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BIOMÉCANIQUE - Le projet du Dr Pierre Rabischong, en visite au Liban, a bénéficié déjà à deux patients Une nouvelle technique, « Stand Up and Walk », pour permettre aux paraplégiques de marcher

Vous vous rappelez sûrement de Steve Austin, l’homme dont « la réparation électronique » suite au terrible accident dont il a été victime a coûté six millions de dollars ? Austin, démembré par l’accident, a été reconstruit grâce à des prothèses électroniques qu’on lui a implantées, lui restituant ainsi les fonctions déficientes. Si, il y a trois décennies, le concept de la reconstruction électronique de certaines fonctions de l’organisme relevait de la science-fiction, la technologie est de nos jours de plus en plus orientée vers des programmes visant le traitement de certaines pathologies, considérées jusqu’à ce jour comme fatales. Le projet « Stand Up and Walk - SUAW » (lève-toi et marche) fait partie de ces techniques. Coordonné par le Dr Pierre Rabischong, professeur de médecine et doyen honoraire de la faculté de Montpellier, SUAW est destiné au traitement des personnes paraplégiques. Un projet qui a déjà bénéficié à deux patients, Marc et Ludovico, une troisième patiente, Angélique, devant être opérée dans quelques mois. Neurologue, le Dr Pierre Rabischong (qui a pris en charge notre consœur May Chidiac) s’est lancé très tôt dans la recherche, dirigeant ainsi pendant près de vingt-cinq ans l’unité 103 de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) sur la biomécanique humaine. « Dans le cadre de la biomécanique humaine, nous avons ainsi été amenés à travailler sur deux pathologies motrices importantes, la paralysie et les amputations », explique à L’Orient-Le Jour le Dr Rabischong, qui vient d’effectuer une visite au Liban à l’invitation de la faculté de médecine de l’Université Saint-Esprit Kaslik. «Nous avons longtemps travaillé sur les paralysies, poursuit-il, et nous avons ainsi réussi, dans le cadre de la recherche expérimentale chez l’animal, à stimuler les muscles grâce à des électrodes que nous posons sur les muscles ou sur les nerfs. Plus tard, nous avons réussi à obtenir un programme humain, SUAW, grâce auquel nous avons opéré deux patients, Marc en 1999 et Ludovico en 2000. » En 1996, SUAW a reçu de la Commission européenne un financement d’un million et demi d’euros dans le cadre du programme Biomed II. Ce projet a pour but principal de restaurer la locomotion chez les personnes paralysées des membres inférieurs, en leur permettant de retrouver une marche autant que possible normale à l’aide d’un « déambulateur ». À cet effet, un stimulateur (implant électronique) est placé sous la peau de l’abdomen du patient. Il est « connecté par des électrodes aux nerfs et aux muscles du patient, et contrôlé de l’extérieur via une antenne qui transmet les signaux par radiofréquence ». L’antenne est à son tour liée à « un programmateur portable qui délivre la bonne impulsion au bon moment ». Les patients communiquent avec le programmateur portable par une interface de commande et par des boutons placés sur le « déambulateur ». Le stimulateur envoie donc des impulsions électriques vers les électrodes des jambes, excitant les muscles de façon à produire la marche. « Dans la marche, la propulsion est faite par le moteur, qui est la hanche, explique le Dr Rabischong. Le contrôle de la longueur est fait par le genou et par la suite, le pied propulse. Chez une personne paralysée, nous essayons de rétablir une marche qui ressemble à la séquence de marche habituelle. » « L’homme est une machine très compliquée pilotée par un ignorant, poursuit le Dr Rabischong. En ce sens que la commande d’une façon générale est une chose simple, mais c’est l’exécution qui est très difficile. C’est la raison pour laquelle nous sommes obligés, en restaurant la fonction motrice des personnes paralysées, d’aller dans la complexité de la machine humaine. Nous avons alors mis des boutons sur le “déambulateur” sur lesquels le patient appuie pour se lever et marcher. » Et d’insister : « Je tiens beaucoup à l’élégance de la marche. Pour y aboutir, il faut que le patient plie le genou. C’est ce que nous essayons de faire avec nos patients dont la stabilité est assurée par des cannes. » Des muscles sous-lésionnels stimulables Qui peut bénéficier de la technique ? « Seuls les patients qui ont des muscles sous-lésionnels stimulables électriquement peuvent bénéficier du projet SUAW, répond le Dr Rabischong. Pour cela, il faudrait que la lésion médullaire (lésion de la moelle) soit située entre les niveaux thoraciques 6 et 11, avec un optimum en T9. En dessous de T11, la lésion détruit les neurones qui commandent les membres inférieurs, ce qui entraîne une atrophie des muscles. De même, il faut que la spasticité soit contrôlée médicalement, que le poids du patient soit compris dans la normale, comme il faut que le patient ait une bonne motivation. En ce sens qu’il ne doit pas avoir de faux espoirs et croire qu’il pourra courir, comme il doit être prêt à accorder au projet le temps nécessaire pour sa réalisation, soit près de deux mois d’hospitalisation. » « Nous avons amélioré la technique et actuellement, au lieu d’avoir un seul implant avec vingt canaux, nous avons un seul implant avec un fil et une électrode, ajoute le Dr Rabischong. Cette nouvelle technique, que nous avons baptisée Monastim (monostimulateur), est une garantie pour le futur. Premièrement, elle nous permet de mettre autant d’implants que nous avons besoin et deuxièmement, en cas d’infections, on n’aura pas à enlever tout le système. Il suffira de remplacer l’implant où l’infection s’est développée par un autre. Angélique bénéficiera de cette nouvelle technique. » Et le Dr Rabischong de préciser que le projet SUAW ne peut pas bénéficier aux personnes amputées, qui ont besoin d’une prothèse, alors que la technique agit sur les muscles. Le patient a-t-il besoin d’une éducation spéciale ? « Le patient suit un programme d’éducation spécialisée avant l’opération, note le Dr Rabischong. Après l’intervention, il apprend à se resservir de ses muscles. Par contre, il doit entretenir ses muscles en les stimulant avec des électrodes sur la peau. Nous allons, dans ce cadre, essayer de fabriquer des stimulateurs en Chine, à bas prix, qu’on distribuera aux patients. » Fonds social international Mis à part les frais de l’hospitalisation, le coût du matériel implanté s’élève à 20000 euros. «Actuellement, nous réalisons la technique avec une aide de la fondation EDF, remarque le Dr Rabischong. À l’avenir, nous envisageons la création d’un fonds social international qui sera alimenté par des sponsors et des fonds publics pour acheter de la technologie pour les patients et les hôpitaux. » Existe-t-il d’autres moyens pour rétablir la marche ? « Certains chercheurs essaient de le faire avec les cellules souches, explique-t-il. Personnellement, je crois qu’on ne réussira jamais à le faire. C’est très compliqué, d’autant que la moelle contient des centaines de milliers de conducteurs et de fibres. L’électro-stimulation demeure la seule méthode réaliste qui existe actuellement, parce qu’elle nous permet d’utiliser artificiellement les muscles restants du patient. Ce qui permet finalement, avec une commande simple, de remarcher. » « À l’avenir, nous allons essayer d’utiliser cette méthode pour développer des neuroprothèses qui seront implantées par voie endoscopique pour la vessie, le rectum, l’érection et l’appareil moteur », signale le Dr Rabischong, qui ajoute sur ce plan : « Ce n’est pas de la science-fiction. Mais je crois beaucoup au progrès de la technologie. Par contre, je crois que la complexité de la machine humaine sera toujours la même. Elle ne va pas changer avec les siècles. L’homme, c’est le facteur constant, et la technologie change. » Le Dr Rabischong note enfin qu’il espère établir une collaboration avec le Liban pour opérer des paraplégiques à Beyrouth. Pour plus d’informations, visiter le site Web, www.suaw.com ou contacter le Dr Rabischong à l’adresse suivante : rabischong@aol.com
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