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À celle qui est restée en nos cœurs

Le 6 janvier dernier s’éteignait Yolande Aoun, enseignante à l’École officielle des jeunes filles de Furn el-Chebbak. La Journée du professeur, célébrée le 9 mars de chaque année, ses camarades du Centre de documentation et d’orientation pédagogique ont voulu la marquer de la lettre qui suit, écrite en leurs noms à tous par l’un des leurs, ce groupe d’Achrafieh, de Baakline, de Saïda et de Zahlé qui constitue aussi « les amis du jeudi ». Je m’en veux Yolande ! Oui, je m’en veux. Lorsque Amale m’a annoncé ton départ, avec son tact et sa discrétion habituels, je n’ai pas sur-le-champ reconstitué ton image, je n’ai pas sur-le-champ revu ton visage, ni réentendu mentalement ta voix, ni revu ce beau grain de beauté et ce sourire permanent. Oui, je m’en veux jusqu’au point de vouloir te reprocher ta modestie : ainsi tu voulais te retirer et partir dans ce voyage qui mène de l’ombre à la lumière et de la lumière à l’ombre, non seulement sans au revoir ni adieux, sur la pointe des souvenirs, mais en nous retirant aussi, pour ne pas nous causer du chagrin, et ton image et ton visage. Yolande, tu étais, toi professeur de lettres, très consciente de la dialectique des absences et des présences. Serait-ce ainsi que tu aurais préparé ton voyage ? Nous dire par cet effacement volontaire et programmé combien tu resteras parmi nous, inconscients que nous sommes de ces menues vies dans la vie et qui pourtant tissent son unique lumière ? Que ta souffrance nous pèse au moment où nous découvrons que tu ne partageais avec nous que ton sourire et ton amour paisible de la vie, en gardant dans un profond silence, au sein de ta délicatesse extrême, la douleur de savoir l’imminence du départ et presque le moment de l’irréversible destin. Yolande la jolie ! Yolande la douce ! Yolande la pure ! Yolande à la voix si paisible qu’elle pouvait dompter des fauves et donner des désirs aux saisons. Ton départ nous secoue dans nos léthargies : nos amitiés, notre esprit d’équipe, nos sacrifices, nos enthousiasmes, nos rêves communs. Que de choses fécondes et pures au sein de cette unité de français et de cette grande famille de l’« Orientation ». Yolande ! Nos amitiés, certaines, se sont aigries ; notre esprit d’équipe n’est plus un exemple à suivre ; nos sacrifices nous donnent des doutes sur leur efficience ; nos enthousiasmes ne sont plus effervescents ; nos rêves sont parfois ceux des princes et princesses déchu(e)s ; les choses fécondes et pures ont cédé devant le quotidien morne et terne, aux murs lézardés et aux digues fissurées… Reviens Yolande, en colombe ! Reviens en panache d’écume de l’aube dans la nuit studieuse. Reviens en éclair, dans les consciences claires et moins claires. Reviens en mémoire heureuse et saine et précieuse. Reviens à contre-nuit dans ce pays à demi-jour. Reviens avec la pleine lune de nos étés qui songent. Reviens Yolande ! Ma voix est sur le point de toucher ton absence et de palper les accents de ton silence. Demi-sourire de la bonne fortune et du hasard et clin d’œil des grandes réminiscences. Nous te dédions des mots qui ne démissionnent ni devant l’adversité ni devant l’adversaire ; le nôtre Yolande est l’ignorance. Nous te dédions le plaisir de reprendre la lutte et l’enthousiasme de nos matinées de travail ; nous te dédions nos différends car tu sais, mieux que quiconque, combien ils nous réunissaient. Imparfait toujours présent et comble des désirs jamais comblés, tes élèves, tes collègues, tes amis et tous ceux qui t’ont aimée vont continuer à prêter l’oreille là où tu as toujours prêté le cœur. Yolande, au-delà du mur des mots, au-delà des terres de lumière où l’arc-en-ciel a acclamé ton passage, grave dans nos mémoires futiles ta grave présence, bouquet de silence et de parfum de blé qui fait renaître les champs et qui fait onduler la moisson. Sois en paix, paisible collègue. Laisse-nous le fardeau, et il sera léger, de continuer avec toi absente présente, mais aussi pour toi, ce très long et très court chemin. Ramzi ABOU CHAKRA
Le 6 janvier dernier s’éteignait Yolande Aoun, enseignante à l’École officielle des jeunes filles de Furn el-Chebbak. La Journée du professeur, célébrée le 9 mars de chaque année, ses camarades du Centre de documentation et d’orientation pédagogique ont voulu la marquer de la lettre qui suit, écrite en leurs noms à tous par l’un des leurs, ce groupe d’Achrafieh, de...