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Des noms évocateurs comme « Criminelle », « Païenne », « L’Eau bénite » ou « La fin du monde » Les bières artisanales, nouveau péché mignon des Québécois

« Criminelle », « Fumisterie », « Païenne », impossible d’échapper au nouveau péché mignon des Québécois : les bières artisanales. Au chanvre, à la framboise, au piment ou à l’érable, les bières québécoises s’imposent sur les « zinc » à mesure que les bistrots-brasseries se multiplient. Décor des années quarante, gros ventilateurs au plafond et cuves apparentes, c’est ici, dans la désormais célèbre taverne du Cheval Blanc à Montréal qu’est née la première bière artisanale du Québec, en 1987. « Nous voulions proposer un autre goût, une alternative aux bières de supermarché, raconte François Martel, un des trois copropriétaires du Cheval Blanc. Alors nous sommes les précurseurs de quelque chose, c’est sûr. » Phénomène essentiellement urbain, les bistrots-brasseries sont désormais une trentaine au Québec et certains, comme le Cheval Blanc, disposent en plus d’usines de brassage et d’embouteillage séparées. Une dizaine de ces microbrasseries peuvent écouler leur production dans les « dépanneurs » (sorte de supérettes) et autres supermarchés de la province. Au Québec, comme ailleurs au Canada, la bière a toujours été la boisson alcoolisée la plus consommée. En 2004, la consommation par habitant y atteignait 94 litres, soit l’équivalent de celle de la Belgique et trois fois plus qu’en France. Jusqu’au milieu des années 1980, le marché québécois était dominé par deux grands joueurs industriels, Molson et Labatt. L’émergence des microbrasseries, favorisée par des changements de goûts et d’habitudes, a depuis changé quelque peu la donne. Depuis qu’il a ouvert en 1998 la brasserie Dieu du Ciel à Montréal, Stéphane Ostiguy estime à une cinquantaine le nombre de bières différentes, blanches, blondes, brunes, rousses ou noires, qu’il y a brassées, à raison de 800 hectolitres par an. « On pourrait brasser le double sans problème », dit M. Ostiguy, qui préside aussi l’Association des brasseries artisanales du Québec, ajoutant : « La demande est bien là. » Mais il y a un hic : il ne possède pas de cuves de brassage séparées de son commerce. « J’ai pu exporter ma bière aux États-Unis par exemple, mais je n’ai pas le droit de la vendre au Québec, excepté dans mon pub », déplore M. Ostiguy qui, comme plusieurs autres, se bat depuis plusieurs années pour faire changer la loi québécoise. Les microbrasseries n’ont pas non plus la vie facile face à Molson et Labatt qui, après avoir assisté à la légère érosion de leur part de marché dans les années 1990, ont lancé une contre-offensive majeure. D’abord en négociant des politiques d’exclusivité avec les propriétaires de bars et d’épiceries pour assurer la plus grande place possible à leurs produits, une pratique déloyale et anticoncurrentielle critiquée en 2003 par le Bureau canadien de la concurrence, mais sans plus. Molson s’est ensuite allié avec l’Américain Coors, tandis que Labatt tombait dans l’escarcelle du belge ImBev, premier groupe brassicole mondial en volume. Depuis, Molson et Labatt, qui détiennent à eux deux près de 90 % du marché, se sont efforcés de réduire encore davantage la part infime laissée aux microbrasseries, important ou brassant sous licence au Canada des marques qui font concurrence à celles des microbrasseries, comme Heineken, Leffe ou Beck’s. Face à ces rouleaux compresseurs, des microbrasseries ont cependant commencé à se regrouper. Ainsi, « Unibroue », qui avait été fondée notamment par le chanteur Robert Charlebois, a accepté en 2004 d’être rachetée par Sleeman, la plus grande des microbrasseries canadiennes. Sleeman détient aujourd’hui environ 5 % du marché québécois, grâce notamment à « L’Eau Bénite », « La Maudite » ou « La Fin du Monde ».

« Criminelle », « Fumisterie », « Païenne », impossible d’échapper au nouveau péché mignon des Québécois : les bières artisanales. Au chanvre, à la framboise, au piment ou à l’érable, les bières québécoises s’imposent sur les « zinc » à mesure que les bistrots-brasseries se multiplient.

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