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Ritta Baddoura, ou l’engagement d’un auteur

Le hasard l’a conduite à la victoire. Poussée par le désir de découvrir l’Afrique, Ritta Baddoura, 23 ans, a décidé de tenter sa chance aux cinquièmes Jeux de la francophonie parce qu’ils se déroulaient au Niger. Poète, elle s’est portée candidate à la section littérature. «J’ai présenté une nouvelle en relation avec les thèmes que je traite d’habitude et qui portent sur le corps, les souvenirs, les relations humaines, la mort, etc., souligne Ritta Baddoura. J’ai présenté ma nouvelle le dernier jour du délai fixé, une demi-heure avant la fermeture des bureaux. Trois mois plus tard, on m’a annoncé que j’ai été sélectionnée pour aller au Niger. J’étais très fière.» La nouvelle que Ritta Baddoura a toutefois présentée aux Jeux de la francophonie est différente de celle qui a permis sa sélection au Liban. «Le jury avait trouvé que ma nouvelle était trop poétique, et mes amis m’ont dit qu’il s’agissait plus d’un conte, explique Ritta. Les conditions du concours nous autorisant à retravailler la nouvelle ou d’en présenter une autre, j’ai fini par participer avec Quinze.» Lien entre la vie et la mort Quinze se déroule dans un immeuble durant la guerre du Liban. Les gens y vivent en huis clos. Ils sont en proie aux paroles et aux corps des uns et des autres, et ne peuvent pas y échapper. Selwa habite l’immeuble. Elle est amoureuse d’un jeune homme qui vit dans l’immeuble d’à côté. Ne pouvant pas le joindre, elle arrive à sublimer au-delà des murs de sa prison le sens de l’amour, de la vie… Alors qu’elle est chez son amoureux, Selwa fait un songe dans lequel elle est transportée à travers son corps, son souffle et ses sens vers un autre monde, où plus rien n’existe mis à part des ossements d’hommes. «Il s’agit en fait d’un clin d’œil au Rwanda», indique Ritta Baddoura, qui poursuit: «Selwa est choquée. Elle va alors prendre les os qui deviendront un prolongement de son corps, et avec ses cheveux, elle va pouvoir faire de la musique dessus.» De retour à la réalité, Selwa portera ce lieu en elle, «comme s’il était un écho de la mort que tous les gens avec qui elle vit côtoient, souligne Ritta Baddoura. Sans qu’elle ne soit en eux, la mort est près d’eux. Plus tard, ce songe va la sauver à supporter la mort des personnes avec qui elle vit. Elle va trouver la musique qu’elle avait créée et qui trouvera son écho dans le violoncelle. C’est une façon d’insister sur la nécessité de faire un lien, une articulation entre la vie et la mort». Pourquoi Quinze? «Dans la première nouvelle, j’ai cherché à savoir le nombre de jours qui séparent un grain de pot d’un grain de terre, répond-elle. En revoyant mes notes sur l’ouvrage Hiroshima mon amour, j’ai constaté que quinze jours après l’attaque à la bombe nucléaire, des fleurs ont poussé sur cette terre brûlée. Un journaliste anglais en a également témoigné. Cela m’a beaucoup affectée. Et j’ai pensé à tous ceux qui ont péri et aux fleurs qui ont poussé. Et j’ai pensé aussi aux êtres humains qui meurent et qu’on enterre. Donc, il y a quinze jours d’un grain de pot à un grain de terre.» «J’ai eu de la chance…» Au Niger, Ritta Baddoura demeurait sceptique. «Je ne savais pas à quel point les jeux allaient être sérieux ni le rôle que joueraient les considérations politiques dans le choix des gagnants, confie-t-elle. Mais l’expérience était unique et je suis heureuse de l’avoir vécue. Au fait, tous les candidats à la discipline de littérature avaient quelque chose d’important à raconter. Je sentais que chacun d’entre eux a vécu des périodes difficiles et qu’ils avaient besoin de ce contact humain pour en parler.» Les dix-huit candidats ont participé à six ateliers de travail, dirigés par un écrivain nigérien. Ils ont de même donné une lecture publique à leur nouvelle avant de répondre aux questions du jury et du public. «J’ai eu de la chance, note Ritta Baddoura. Le jury m’a posé des questions intéressantes que je pouvais élaborer. Il a voulu savoir les causes pour lesquelles j’écris en français, si j’étais arabophone, si je lisais la littérature arabe, quelle est mon identité, ce que je pense de la francophonie…» «Lorsque j’ai gagné le premier prix, j’étais tellement excitée que je me suis mise à crier, se rappelle-t-elle. J’étais heureuse parce que en me sélectionnant, le jury a insisté aussi bien sur l’engagement de l’auteur que sur la beauté du style.»
Le hasard l’a conduite à la victoire. Poussée par le désir de découvrir l’Afrique, Ritta Baddoura, 23 ans, a décidé de tenter sa chance aux cinquièmes Jeux de la francophonie parce qu’ils se déroulaient au Niger.
Poète, elle s’est portée candidate à la section littérature. «J’ai présenté une nouvelle en relation avec les thèmes que je traite d’habitude et...