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SOCIÉTÉ - Des mots fâcheux comme « plantation » et « chocolat » ont récemment ravivé des blessures mal cicatrisées De l’esclavage à la déségrégation, les Noirs américains s’approprient leur histoire

Esclavage, lynchage, ségrégation : les Noirs américains partent à la découverte de leur passé, peu évoqué dans les manuels scolaires, alors que les mots « plantation » et « chocolat » prononcés par Hillary Clinton et le maire de La Nouvelle-Orléans viennent de raviver des blessures mal cicatrisées. «On ne trouve pas grand-chose dans les livres d’histoire, mais depuis peu, il y a une multiplication d’ouvrages sur les Afro-Américains, passés et présents, et l’on reconstitue aussi des sites historiques » qui racontent leurs souffrances et leurs combats, explique Virgie Washington, qui a créé une agence de tourisme spécialisée à Hampton (État de Virginie, Sud) en 1997. Les Noirs « ont grandi en croyant que nous n’avons pas d’histoire », commente Joanne Martin, directrice noire du « Musée de cire des grands Noirs américains », à Baltimore (État de Maryland, Est). Sur les lynchages, « on trouve très peu de choses » dans les manuels, ajoute-t-elle. Depuis 1976, chaque mois de février célèbre « Le mois de l’histoire noire » aux États-Unis. C’était, au départ, « La semaine de l’histoire nègre », instituée en 1926 par l’historien Carter Woodson pour attirer l’attention sur la contribution des Noirs à l’histoire des États-Unis. « Ridicule », proteste le célèbre acteur noir américain Morgan Freeman, 68 ans. « Vous allez confiner mon histoire à un mois ? a-t-il dit en décembre sur la chaîne de télévision CBS. Je ne veux pas d’un mois de l’histoire noire. L’histoire noire est l’histoire américaine. » À la mi-janvier, des mots fâcheux comme « plantation » et « chocolat » ont ravivé les blessures douloureuses de l’esclavage, au moment où était commémorée la naissance de Martin Luther King, dirigeant historique de la lutte des Noirs américains contre la discrimination raciale, assassiné en 1968. Lors d’une attaque dirigée contre le Parti républicain au pouvoir, la sénatrice démocrate Hillary Clinton, épouse de l’ancien président Bill Clinton, a estimé que la Chambre des représentants était dirigée comme une « plantation », où les points de vue divergents sont réduits au silence. Et le maire de La Nouvelle-Orléans, Ray Nagin, a estimé que sa ville, inondée et sinistrée après le passage du cyclone Katrina fin août, redeviendrait de nouveau une cité « chocolat », en souhaitant le retour des Noirs qui ont fui l’agglomération. Néanmoins, la curiosité pour l’histoire grandit. Les voyages touristiques et culturels effectués par les Noirs américains, essentiellement dans le Sud, ont augmenté de 4 % entre 2000 et 2002, soit deux fois plus que pour l’ensemble des Américains, indique Cathy Keefe, de l’Association des agences de voyages américaines (TIA). Au 1er juillet 2004, il y avait environ 39,2 millions d’Américains noirs ou métissés, soit 13,4 % de la population totale. Le circuit touristique retraçant le combat pour les droits des Noirs – qui vient de perdre deux grandes icônes, Rosa Parks et Coretta Scott King, la veuve de Martin Luther King – est très demandé, selon Mme Washington. Le circuit évoquant le réseau de solidarité, appelé « chemin de fer souterrain », a aussi beaucoup de succès. Il a permis à des dizaines de milliers d’esclaves noirs de fuir le Sud et de remonter vers « la terre promise » du Nord, aidés par quelques abolitionnistes blancs. Malgré la difficulté de trouver des fonds, des musées et fondations s’ouvrent, notamment autour de Washington, où près de 60 % de la population est noire. Le Musée national américain de l’esclavage aux États-Unis devrait être inauguré à la fin 2007 à Fredricksburg (État de Virginie), qui fut un centre important de la traite des Noirs. Et la capitale fédérale devrait accueillir en 2016 le Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaine, dont le projet est débattu depuis les années 1980. La « case de l’oncle Tom », près de Washington, rendue célèbre dans un roman sur l’esclavage, va aussi être restaurée et ouverte au public.
Esclavage, lynchage, ségrégation : les Noirs américains partent à la découverte de leur passé, peu évoqué dans les manuels scolaires, alors que les mots « plantation » et « chocolat » prononcés par Hillary Clinton et le maire de La Nouvelle-Orléans viennent de raviver des blessures mal cicatrisées.

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