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Actualités - REPORTAGE

REPORTAGE - Enlèvements, détentions illégales, exécutions sommaires... Encadrée par Moscou, la milice de Kadyrov fait régner la terreur en Tchétchénie

Salman Khamyskhanov, enseignant à Grozny, n’ose plus dormir chez lui depuis qu’il y a un mois, il a été arrêté par les milices de Ramzan Kadyrov, l’homme fort de Moscou en Tchétchénie, qui font régner la terreur dans la république rebelle. Il raconte comment, le 11 janvier au petit matin, il a été pris à son domicile, avec son frère Salaoudine, par des hommes en armes, tous tchétchènes, son tee-shirt retourné sur la tête. Après une heure de route, il s’est retrouvé dans une cellule dans un lieu de détention inconnu. « Ils se sont mis à me frapper, à me demander si je connaissais des chefs rebelles et à m’accuser d’avoir appris à mon frère à poser des mines », explique l’enseignant de 28 ans, justement chargé dans son école de la prévention contre les risques d’explosion de vieilles mines antipersonnel. Il dément toute participation à la rébellion. Au deuxième jour de sa détention, il a été relâché sans explication. Depuis un mois, il est sans nouvelles de son frère de 20 ans, venu s’ajouter à la liste de disparus qui ne cesse de s’allonger en Tchétchénie depuis l’entrée des troupes russes en 1999. Il est l’un des rares à oser accuser publiquement les « Kadyrovtsy » de son enlèvement et n’a pas hésité à interpeller Ramzan Kadyrov, Premier ministre par intérim, via la télévision locale, pour demander la libération de son frère. Ces milices avaient été conçues à l’origine comme la garde personnelle du père de Ramzan Kadyrov, Akhmad, à la tête du régime prorusse de Grozny avant d’être assassiné en mai 2004. Fortes de plusieurs milliers d’hommes, essentiellement d’ex-rebelles, elles stationnent aux côtés des soldats russes aux check-points de Grozny et participent avec eux aux opérations contre la rébellion. Le président Vladimir Poutine vante leur « efficacité », tandis que la population et les ONG comme Human Rights Watch ou Memorial les accusent de faire régner la terreur et de pratiquer torture et exécutions sommaires. « Pour Moscou, il s’agit de neutraliser la population par la peur, avec ces milices locales qui connaissent bien mieux le terrain que les fédéraux », explique Chamil Tangiev, du bureau de Memorial à Grozny. L’ONG a recensé plus de 300 enlèvements en 2005. 127 victimes restent portées disparues, 23 ont été retrouvées mortes et plus de 150 ont été libérées. Memorial accuse les hommes de Kadyrov d’en être les principaux responsables. Créées en 2000, les milices sont réparties aujourd’hui dans différentes structures, implantées à travers toute la république, du Centre antiterroriste au Régiment pétrolier, officiellement en charge de la surveillance des gisements pétroliers. Leur siège à Grozny, dans un bâtiment flambant neuf aux allures de petit château, est un lieu de détention illégale, accuse Chamil Tangiev. Les milices n’hésitent pas à enlever des proches de rebelles présumés pour les forcer à se rendre. Il peut aussi suffire qu’un jeune se vante un peu trop fort de ses sentiments indépendantistes. S’y ajoutent des motivations purement économiques : le rachat de « disparus » par les familles se négocie à hauteur de milliers de dollars. Moscou le sait parfaitement, souligne Chamil Tangiev. Loin d’être des « structures incontrôlables », dit-il, ces unités placées sous le commandement de l’état-major de l’opération antiterroriste dans le Caucase du Nord sont « parfaitement contrôlées par les forces fédérales ». De nombreux témoignages recensés par Memorial font état de la présence d’enquêteurs des services secrets (FSB, ex-KGB) dans leurs centres de détention illégaux et de transferts secrets de détenus vers des structures fédérales, comme la grande base militaire de Khankala, non loin de Grozny. Delphine THOUVENOT (AFP)
Salman Khamyskhanov, enseignant à Grozny, n’ose plus dormir chez lui depuis qu’il y a un mois, il a été arrêté par les milices de Ramzan Kadyrov, l’homme fort de Moscou en Tchétchénie, qui font régner la terreur dans la république rebelle. Il raconte comment, le 11 janvier au petit matin, il a été pris à son domicile, avec son frère Salaoudine, par des hommes en...