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Actualités - CHRONOLOGIE

EXPOSITION - De Mona Hatoum à Sophie Calle, en passant par William Kentridge, Moataz Nasereldin ou Philip-Lorca Di Corcia… Le « Hadith » des artistes internationaux à la galerie Sfeir-Semler

Pour sa troisième exposition – depuis son inauguration au printemps dernier –, la galerie Sfeir-Semler (spécialisée dans l’art contemporain, avec une prédilection pour les œuvres politiques, conceptuelles et minimalistes) a choisi de traiter du concept du « Hadith ». Outre son sens étymologique de parole du prophète Mohammed, le mot Hadith signifie également récent, conversation, paroles, histoire, nouvelle ou encore rumeur. Une pluralité de significations qui s’accordent avec la tradition culturelle du monde arabe, nettement plus centrée sur le mot, le verbe, l’oralité que sur les images. Un constat dont on retrouve aujourd’hui l’impact dans les travaux des plasticiens proche-orientaux. D’où l’idée de la galeriste Andrée Sfeir-Semler d’organiser une exposition qui ferait se confronter, sur ce thème du Hadith, des œuvres d’artistes occidentaux et orientaux de renommée internationale. Elle présente ainsi un panel d’artistes, aux styles et aux médiums variés, mais qui tous utilisent les mots ou la narration d’histoires comme axe de leur travail. De Robert Barry à Moataz Nasereldin, en passant par Daniele Buetti, Sophie Calle, Bert De Beul, Philip-Lorca Di Corcia, Mona Hatoum, William Kentridge ou Rabih Mroué, des « installationnistes », vidéastes, peintres, photographes et sculpteurs qui témoignent que l’art est fils de la parole. L’exposition s’ouvre sur des mots disparates – comme « Independant », « Complete », ou « Different » – collés sur un pan de mur, ou posés sur le sol (assemblage de lettres en aluminium). Des mots par lesquels Robert Barry, artiste américain, aujourd’hui âgé de soixante-dix ans, élabore une œuvre minimaliste censée refléter sa constante recherche de la signification du monde, et évoquer à chacun des spectateurs une idée, un souvenir ou une situation particulière… Elle se clôture par des slogans sur fonds d’images lumineuses de Daniele Buetti. Des pièces tridimensionnelles par lesquelles l’artiste suisse représente, au moyen de photos de mannequins, de collages et de lumière, l’esprit adolescent fasciné par le star-system et victime du consumérisme et des médias. Entre les deux, une succession d’œuvres de portée plus narrative, et qui déploient, de salle en salle, différents univers d’artistes. À commencer par celui de l’illustrateur William Kentridge. Cet artiste « blanc » d’Afrique du Sud dénonce, de manière indirecte, l’apartheid par des dessins au fusain, montés en film d’animation. Les images géantes qui défilent sur un pan de mur ne reflètent pas une image fidèle ou même pittoresque de la ségrégation, mais distillent, avec une grande subtilité, l’ambiance, toute en ombres, de Johannesburg, « cette ville provinciale et plutôt désespérante » (dixit l’artiste lui-même). Une liberté victime des frontières Même flou, mêmes représentations sombres d’images fugitives, de scènes insaisissables, dans les toiles de Bert de Beul, peintre belge qui raconte, par le pinceau, en peignant son environnement le plus proche, la banalité des moments qui forment le quotidien. Des images du quotidien, des images qui évoquent même une certaine intimité, qui reviennent également dans la vidéo et les installations de Mona Hatoum. Cette artiste d’origine palestinienne, née au Liban et qui vit à Londres depuis les années soixante-dix, n’est plus à présenter. Dans la plupart de ses travaux, elle aborde les problématiques de l’individu, victime des frontières et des structures politiques. Dans une vidéo intitulée Lettres à ma mère (une de ses premières œuvres qu’elle montre pour la première fois au Liban), elle traite des notions toutes relatives de liberté et d’emprisonnement (liberté du corps nu, mais emprisonnement culturel…). Et, dans une installation, composée, notamment, de tapis égyptiens sur lesquels sont tissés des motifs de squelettes et d’un rideau sur lequel est scanné un article du New York Times sur le passage clandestin des frontières mexico-américaines, elle évoque également la fuite vers la liberté, parfois passage vers la mort. « Une femme disparaît » Jeux de frontières entre la réalité et sa mise en scène, l’art et l’intimité, l’œuvre de Sophie Calle, qui allie texte et photographies, raconte également des histoires de clandestinité. Son travail est tissé de filature. Tantôt c’est elle qui suit des gens dans la rue pour les photographier, tantôt elle joue à disparaître et à se faire épier. Plutôt que de subir les jeux du hasard (dés dans des écrins de verre) et le passage du temps qui détruit tout (des photos de lieux dévastés, des images brûlées, qui évoquent la fragilité des choses), l’artiste préfère recomposer sa vie en œuvre d’art. Presque en roman. D’où le thème « Une femme disparaît », une pièce qui avait été présentée à Beaubourg en 2003. Photographe new-yorkais, Philip-Lorca Di Corcia préfère, lui aussi, recomposer la réalité. Dans ses scènes de rue prises à New York, Barcelone ou La Havane, ou encore ses portraits de gigolos, il crée l’illusion de l’instantané, tout en se servant des techniques et des éclairages de cinéma. Un montage de fiction qui donne ainsi une réalité plus précise, plus expressive. Plus vraie peut-être. Art politique La démarche de Rabih Mroué, acteur, vidéaste et « installationniste » libanais, consiste à traiter – de manière crue, virulente et choquante – à partir de son identité personnelle, de la situation politique et sociale du pays, en détournant des créations d’autres artistes. Il s’est, par exemple, inspiré d’une photographie de Bruce Nauman crachant de l’eau, dont il a repris la composition, en substituant son autoportrait à la place de celui du fameux artiste américain des années soixante, et l’urine à la place de l’eau, et en le plaçant au-dessus d’une image des manifestations du 14 mars. Une façon de dire sa déception ? Reprenant aussi à son compte la phrase de Walid Raad, artiste conceptuel libanais, « I feel a great desire to meet the mass once again », Rabih Mroué a également placé devant une photo de lui, nu, grandeur nature, un escabeau, sur lequel le visiteur de l’exposition est invité à se hisser pour le regarder dans le fond des yeux. Un désir manifeste de rapprochement, d’interaction avec le public. Enfin, l’artiste égyptien Moataz Nasereldin (dont les œuvres ont été présentées aux deux avant-dernières biennales de Venise) fait également référence dans ses vidéos, installations et photos à la situation politique de son pays. Dans la présente exposition, il donne à voir une impressionnante série de portraits d’hommes à l’individualité abstraite. Des faciès distordus réalisés à partir d’une caméra ancienne mais qui donnent l’illusion de peintures. Mais aussi des projections de scènes tirées de deux films égyptiens, l’une de al-Ard du cinéaste Youssef Chahine, réalisé en 1968, et l’autre d’un de ses propres films. Des scènes quasi identiques, montrées en parallèle, et qui témoignent de l’immobilisme politique-social égyptien. Des œuvres d’une grande force d’évocation. Une exposition qui prouve, s’il en faut, que l’œuvre d’un artiste n’est pas seulement formelle, qu’elle est surtout faite d’intentions et de réflexion. À voir. Jusqu’au 22 avril. La Quarantaine, immeuble Tannous, 4e étage. Horaire d’ouverture : de 11h à 19h. Zéna ZALZAL

Pour sa troisième exposition – depuis son inauguration au printemps dernier –, la galerie Sfeir-Semler (spécialisée dans l’art contemporain, avec une prédilection pour les œuvres politiques, conceptuelles et minimalistes) a choisi de traiter du concept du « Hadith ».

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