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SOCIÉTÉ - seules quatre familles ont conservé le secret de la tradition Au bout de l’Indonésie, les marcheurs sur pierres brûlantes

Les Arwam n’ont pas froid aux yeux. Et encore moins aux pieds. Voilà bientôt 30 ans que cette famille de Biak, petite île indonésienne au nord de la Nouvelle-Guinée, perpétue l’antique tradition de la marche pieds nus sur des pierres brûlantes. «C’est une question de foi », explique Konstantinus Arwam, organisateur de séances d’« I bran no for » (littéralement : « Il marche sur le feu » en langue biak). « Si vous avez trompé votre épouse ou eu des relations sexuelles avec une jeune femme non mariée, vos pieds seront brûlés; si vous n’avez pas peur, rien n’arrivera! » Et ce trentenaire calme, ceint d’un pagne traditionnel en écorce de palmier nipa, d’inviter son beau-frère Frans Yakob Rumbrapuk à faire la démonstration de sa vertu. Coiffé d’un couvre-chef garni de plumes d’oiseau de paradis, casoar, cacatoès, pigeon goura et poulet, ce dernier commence par s’oindre méthodiquement pieds et mollets d’un mélange secret d’eau et de feuilles recueillies la veille par Konstantinus dans la forêt pluviale couvrant le centre de l’île. Devant lui, de grosses pierres blanches chauffées durant plus d’une heure sur un bûcher aspergé de pétrole lampant, puis étalées sur le sol à l’aide de longs bâtons de bois, fument encore. Sourire aux lèvres et sans apparemment éprouver la moindre douleur, Frans s’engage tranquillement sur la pierraille ardente, marche deux mètres, prend la pause quelques secondes puis revient à son point de départ. En son domicile de Swapodibo, petit village posé sur une longue plage du sud-est de l’île, l’anthropologue Micha Ronsumbre indique que les pierres brûlantes sont traditionnellement utilisées pour la cuisson du porc, du poisson et des tubercules de taro ou de patate douce. « À l’occasion de certaines fêtes, cérémonies de passage notamment, on les utilisait également pour l’“i bran no for”. Mais seules quatre familles ont conservé le secret jusqu’à nos jours. Le colonisateur hollandais interdisait ces pratiques. » Originaires d’Adoki, localité côtière située à quelques kilomètres du principal centre urbain de Biak, les Yapen ont renoué avec la tradition au début des années 1990, après une interruption de 60 ans. À la différence des Arwam, ils s’enduisent les pieds de salive rougie par la chique de bétel – mélange très populaire en Asie du Sud-Est, Inde et Polynésie, de chatons (ou plus souvent de feuilles), de poivrier bétel, de noix d’arec (tirées du palmier aréquier) et de chaux. Si quelque 90 % des 220 millions d’Indonésiens sont musulmans, le pays compte également d’importantes communautés chrétiennes à Sumatra, Sulawesi et dans l’est de l’archipel. Le christianisme est en particulier largement majoritaire dans la province de Papouasie, qui comprend Biak et la partie occidentale de l’île de Nouvelle-Guinée. S’il s’accommode aujourd’hui de certaines traditions héritées des anciennes religions animistes, il en a détruit d’autres à l’époque hollandaise. Mais l’« i bran no for » ne devrait pas connaître ce sort funeste : le moment venu, Frederik Yapen se promet de transmettre le secret, que lui-même tient de son père, à son fils Wenand Sole, aujourd’hui âgé de 16 ans. À son tour, celui-ci « pourra alors faire marcher les personnes de son choix sur des pierres brûlantes » – pour autant qu’elles soient vertueuses !
Les Arwam n’ont pas froid aux yeux. Et encore moins aux pieds. Voilà bientôt 30 ans que cette famille de Biak, petite île indonésienne au nord de la Nouvelle-Guinée, perpétue l’antique tradition de la marche pieds nus sur des pierres brûlantes.
«C’est une question de foi », explique Konstantinus Arwam, organisateur de séances d’« I bran no for » (littéralement :...