CIMAISES PARISIENNES - À la galerie Abcd, jusqu’au 24 avril 2006 Domsic et Kosek, créateurs du ciel et de la terre

Tous deux originaires d’Europe centrale, Janko Domsic et Zdenek Kosek offrent des images que tout semble opposer. Au travail méticuleux des carnets de Kosek, aux représentations flamboyantes de Domsic, s’attache pourtant une perspective commune de toute- puissance dans leur conviction d’être les grands ordonnateurs de l’humanité, de la terre et du ciel. Des œuvres troublantes. Des styles répétitifs (art brut oblige) qui peuvent mettre mal à l’aise si l’on imagine les mouvements, la détresse et la folie qui les ont engendrés. Cette exposition s’inscrit dans la perspective du travail de prospection et de réflexion entrepris par la galerie parisienne abcd (art brut connaissance & diffusion) depuis sa création en 2000. Janko Domsic (1915-1983) est croate. On ne sait rien ou presque de sa vie. Il aurait immigré en France dans les années 1930, aurait habité et travaillé à Toul dans les chemins de fer. Plus tard, il vit à Paris dans un réduit au dernier étage d’un petit immeuble proche de la place de Clichy. Avare de paroles, il passe ses journées au café à dessiner. Jusqu’à aujourd’hui, on ne connaissait de ses œuvres que des formats relativement petits. Une étude récente, menée par abcd, a mis en lumière un ensemble de dessins aux thèmes et formats particulièrement spectaculaires. Domsic met en scène des êtres hybrides inscrits dans une sorte de cosmogonie. Cet ensemble témoigne d’une œuvre exceptionnelle qui représente désormais Janko Domsic comme une des figures les plus importantes de l’art brut. Zdenec Kosek (1949) est tchèque. Il vit dans une petite ville à 150 kilomètres de Prague. Kosek est un peintre autodidacte qui produit d’abord une œuvre de facture plutôt classique. À partir de 1985, une profonde fracture psychique le conduit à percevoir le monde de façon totalement différente. Sous forme de dessins diagrammes, il transcrit alors tout un système dans lequel il se met en scène comme grand prêtre invisible, officiant aux destinées du monde. Dans le film qui lui est consacré, il raconte : « … J’étais dans la galaxie et je commandais l’univers. J’avais l’impression d’avoir la tête en bas et les jambes en l’air. D’être à l’envers. Je me sentais tourner, comme sur un manège. Je volais comme les oiseaux. Je notais tout ce qui se passait en dessous de moi. Je n’étais pas seulement maître du temps, mais aussi de la politique, j’ai nommé Vaclav Havel président de la République. Je me croyais immortel. Ma tête était comme un tourbillon, un éventail quand je faisais tous ces dessins. J’étais le maître du monde, et j’avais l’énorme responsabilité de résoudre tous les problèmes de l’humanité. Si je ne les résolvais pas, qui d’autre le ferait ? » À méditer. M.G.H.