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Bagdad ou Singapour ?

Nous serions donc encore victimes de la tourmente du Moyen-Orient, comme nous aurions été victimes de nos guerres civiles. À croire que notre peuple n’a pas son problème d’identité, qu’il a été en permanence ouvert au dialogue, qu’il est pacifique par essence et que toute violence qui lui arrive est injuste, injustifiée et injustifiable. Guerre entre communautés, coup d’État manqué et répression, guerre civile, éliminations politiques par des milices très locales, règlement de comptes terrible au sein de mêmes communautés, notre histoire a été marquée de drames et de violence. La faute n’était pas toujours aux Italiens. Nous seuls Libanais avons été les artisans de nos massacres internes. Le renier et imputer chaque fois aux autres la responsabilité de ce qui nous arrive ne rend pas service à notre mémoire collective et insulte la mémoire de ceux qui sont morts, quels que soient leurs idéaux. Nous devions admettre notre responsabilité dans notre destin, qui fut sanglant, tragique et peu glorieux par moments, afin d’exorciser les démons du passé, au-delà des embrassades politiciennes opportunistes. Nous devions relire notre histoire, faire notre examen de conscience pour nous comprendre et nous réconcilier en tant que peuple. Le 14 mars, de par sa symbolique, aurait pu être ce grand rendez-vous avec notre histoire. Mais, immédiatement récupéré par les politiques, il fut vidé de son contenu, donnant à une frange de la population l’amère impression d’une journée de dupes. Pire encore, ce 14 mars fut utilisé à des fins électorales pour pactiser avec ceux qu’on accuse aujourd’hui d’« allégeance à la Syrie et à l’Iran ». Tel était, sans doute, le prix à payer pour un nouveau Liban : une stratégie inspirée de Kafka et d’Ubu mais à forte prédominance kafkaïenne, compte tenu de la suite des événements. Depuis, les idées pour ce Liban nouveau ne manquent plus ; démission du président de la République, commission d’enquête internationale sur tous les crimes commis, tribunal international, tracé des frontières avec la Syrie, on aura tout entendu mais rien vu. Dès lors ne reste plus que «la solution finale » : il faut détruire le régime syrien. Une phrase inspirée du célèbre sénateur Caton lorsqu’il parlait de Carthage ; sauf que nous n’avons rien de l’Empire romain et que les capacités de nuisance des régimes dictatoriaux sont proportionnelles à la paranoïa que nos propos entretiennent. Comble de ce discours, tout cela pourrait s’opérer, sans remous, en dissociant le régime de son peuple et la Syrie de son environnement. Ici, nul besoin d’être politologue pour deviner que la déstabilisation syrienne entraînera fatalement chaos pour sa population et la région qui l’entoure. Comme si l’expérience irakienne n’avait pas eu lieu ! Les discours de bord de gouffre ont l’avantage de faire rêver certains, l’inconvénient de crisper les autres, mais surtout de laisser perplexe au vu de l’absence de solutions proposées, au vu de la sympathie dont jouissent la Syrie et l’Iran (peuple et/ou régime) au sein de tranches très libanaises de la population, enfin et surtout au vu de l’agenda non déclaré des puissants de ce monde. Bagdad ou Singapour? Qu’on nous donne une direction… Comme au temps de la guerre contre l’ennemi israélien. Pierre COPTI
Nous serions donc encore victimes de la tourmente du Moyen-Orient, comme nous aurions été victimes de nos guerres civiles. À croire que notre peuple n’a pas son problème d’identité, qu’il a été en permanence ouvert au dialogue, qu’il est pacifique par essence et que toute violence qui lui arrive est injuste, injustifiée et injustifiable.
Guerre entre communautés, coup...