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CORRESPONDANCE - Exposition au musée Corocoran, à Washington La revanche du banjo: un instrument d’esclaves devenu un classique américain

WASHINGTON- Irène MOSALLI Cet instrument à cordes en forme de gourde, que les esclaves noirs, vendus aux Amériques, avaient ramené avec eux, était une partie de leur Afrique natale. Ils en tiraient des rythmes évocateurs et nostalgiques auxquels n’ont pas été indifférents les Blancs du Nouveau Monde qui se sont mis à jouer de cet instrument à leur manière. Et c’est ainsi que, baptisé banjo, cet instrument est devenu une icône américaine, au même titre que l’« apple pie » et le jazz. Jules Dassin le disait bien dans l’une de ses chansons : « Côté banjo there’s always St. Francisco. » Actuellement, il fait l’objet d’une célébration picturale organisée par le musée Corcoran, à Washington, qui a organisé une exposition intitulée « Le banjo en images ». On y découvre en peintures, dessins, gravures et sculptures son histoire (du XVIIIe siècle à aujourd’hui) musicale, culturelle et sociologique, indissociable d’une certaine connotation raciale. Les « Ladies banjo » Ces œuvres, au total 72, ont été regroupées sous différents thèmes. Il y a d’abord les visions de ses premières heures données par des artistes britanniques et américains au début du XVIIIe siècle. La source iconographique la plus ancienne se trouve dans un récit de voyage rédigé par sir Hans Sloane et publié à Londres en 1707. Puis, sous le titre « Performance ethnique », apparaît le banjo, lourd de symboles racistes. On y voit notamment des Noirs jouant pour une audience blanche. Dans « Performance personnelle », c’est le banjo des XIXe et XXe siècles qui s’américanise en donnant plus dans le blanc. Autre section sociologiquement significative, celle où ont été fixées sur toiles des « banjoïstes » au féminin. Le sexe dit faible avait vu dans cet instrument facile à manier une manière de s’imposer et de se libérer. Les « Ladies banjo » étaient devenues si nombreuses à cette époque, que les commerçants avaient mis en vente à leur intention des instruments décorés de rubans roses. Également vers la fin du XIXe siècle, la vogue du banjo dépasse les frontières du genre et des races. Suit une fabrication massive, car tout le monde s’y met : les cow-boys, les suffragettes et les musiciens de jazz qui lui consacrent un bon rôle dans le style dit « Dixieland » et plus tard dans le style « New Orleans ». Il trouve aussi une place dans la musique traditionnelle irlandaise. Et, dans les premières décennies du XXe siècle, il aura des cousins : le banjo guitare, le banjoli et le banjole. Quant à l’origine du mot « banjo », il reste encore une énigme, même pour les experts. Certains avancent que l’origine du mot provient du portugais ou de l’espagnol, « bandore », d’autres proposent le mot africain « bania » ou « banza », ou encore le terme « banjar ». L’exposition organisée par le musée Corcoran reste néanmoins attachée à l’esprit premier du banjo, qui est l’écho d’une musique méditative et profonde qui, par la suite, a été le parfait contrepoint du saxophone et autres sonorités jazziques.
WASHINGTON- Irène MOSALLI

Cet instrument à cordes en forme de gourde, que les esclaves noirs, vendus aux Amériques, avaient ramené avec eux, était une partie de leur Afrique natale. Ils en tiraient des rythmes évocateurs et nostalgiques auxquels n’ont pas été indifférents les Blancs du Nouveau Monde qui se sont mis à jouer de cet instrument à leur manière. Et c’est...