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Actualités - OPINION

PERSPECTIVES - Rapports avec les puissances régionales, gestion du pluralisme libanais, sauvegarde des spécificités locales… Crever tous les abcès internes, clarifier tous les non-dits

À quelque chose malheur est bon … La longue bouderie des cinq ministres chiites a certes plongé le pays dans une sérieuse crise de pouvoir. Mais dans le même temps, elle a permis de briser tous les tabous, de poser les problèmes en suspens sans détour ni complaisance, de crever tous les abcès internes. Avec la fin de l’occupation syrienne, et maintenant que les Libanais sont, enfin, seuls entre eux – du moins théoriquement –, il est vital d’engager, aujourd’hui avant demain, un véritable dialogue national cartes sur table, et il est surtout impératif de clarifier tous les non-dits qui ont longtemps sous-tendu (et tendu) les rapports entre les diverses composantes communautaires du pays. L’attitude du tandem Amal-Hezbollah ces derniers mois a ainsi permis de mettre sur le tapis deux dossiers fondamentaux: la nature des relations entretenues par certaines fractions locales avec les puissances régionales ; et le mécanisme de fonctionnement du système politique, sous l’angle du nécessaire respect du pluralisme qui caractérise la société libanaise. Les récentes prises de position du chef du PSP, Walid Joumblatt, ont été particulièrement explicites sur ce plan. En clair – et on ne le répètera jamais suffisamment –, le Hezbollah est appelé à faire un choix stratégique (si tant est qu’il ne l’a pas déjà fait) : désire-t-il être uniquement une tête de pont au service de la seule raison d’État iranienne ou syro-iranienne ? Sa ligne de conduite devrait-elle être basée exclusivement sur des considérations d’ordre régionalo-communautaire, commençant à Téhéran et débouchant au Liban-Sud, en passant par Bagdad et Damas ? Ou devrait-il, au contraire, se comporter en parti essentiellement libanais et s’abstenir, par conséquent, de faire prévaloir les intérêts du régime syrien au détriment des impératifs de l’unité nationale, comme l’a suggéré récemment le ministre Ahmed Fatfat ? Un tel débat revêt dans la conjoncture présente une portée dont l’importance devrait être perçue dans une perspective historique. Depuis la première indépendance, de 1943, la question de la double allégeance (ou plutôt de la primauté de l’allégeance régionale) s’est posée, successivement, dans les rapports avec l’Égypte de Nasser, les Palestiniens, la Syrie d’Assad et, enfin, la République islamique iranienne. La position fondamentalement souverainiste adoptée par le Premier ministre, Fouad Siniora, et le courant haririen en général vis-à-vis du régime syrien constitue à cet égard un précédent, un acquis, qui doit être considéré désormais comme une constante nationale afin d’éviter, à l’avenir, que les comportements actuels du Hezbollah et du Courant du futur, à titre d’exemple, à l’égard de Damas ne soient éventuellement intervertis au cas où la coloration confessionnelle du pouvoir en place sur les bords du Barada venait un jour à être modifiée. C’est cette attitude de principe concernant les rapports avec la Syrie qui devrait aujourd’hui être étendue par le Hezbollah à la République islamique iranienne. Parallèlement à ce paramètre régional, la bouderie des cinq ministres chiites a posé aussi ouvertement le problème de la nature du système politique en vigueur dans le pays. En refusant la règle de la majorité et de la minorité, et en insistant pour que les grandes décisions nationales soient prises dans un esprit consensuel, le tandem Amal-Hezbollah, appuyé en cela par le Conseil supérieur chiite, a mis le doigt sur la plaie, et relancé le débat de fond sur la gestion du pluralisme et sur le moyen de préserver les spécificités libanaises en tenant compte des sensibilités des différentes composantes communautaires locales. L’une des causes de l’instabilité politique chronique qui a marqué l’histoire contemporaine du Liban réside précisément dans le refus d’une certaine classe politique de reconnaître et d’institutionnaliser, au niveau de la Constitution, la réalité pluraliste du tissu social du pays du Cèdre. Dans la pratique, cette réalité était concrètement prise en considération sans pour autant que cela se traduise constitutionnellement dans la nature même du système politique en place. En reprenant ces dernières semaines l’argumentation qui était jusque-là l’apanage du camp chrétien, les pôles chiites ont sans doute contribué à briser plus d’un tabou sur ce plan. Et la crise ministérielle dans laquelle s’est débattu le cabinet Siniora aura au moins servi à clarifier certains non-dits dans les rapports intercommunautaires. C’est en définitive à cette seule condition qu’un dialogue national – un vrai – sera envisageable afin de permettre aux composantes sociales libanaises d’atteindre, enfin, un équilibre politique durable. Michel TOUMA
À quelque chose malheur est bon … La longue bouderie des cinq ministres chiites a certes plongé le pays dans une sérieuse crise de pouvoir. Mais dans le même temps, elle a permis de briser tous les tabous, de poser les problèmes en suspens sans détour ni complaisance, de crever tous les abcès internes. Avec la fin de l’occupation syrienne, et maintenant que les Libanais...