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Actualités - REPORTAGE

Le rempart principal dans la lutte contre le fléau est une société civile bien informée Éradiquer la torture en mettant fin au règne de l’impunité

La torture reste la violation des droits de l’homme la plus répandue dans le monde. D’après des statistiques d’Amnesty International, des personnes auraient été torturées dans 132 pays sur les 191 membres de l’ONU. Or, la torture est complètement interdite par la législation internationale. La Déclaration universelle des droits de l’homme dispose que «nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants». D’autres textes internationaux tels que les Conventions de Genève contiennent des énoncés similaires. La torture se pratique massivement dans des situations de conflit armé. Elle existe plus généralement dans les pays soumis à la dictature où les sévices physiques ou moraux sont réalisés par des représentants de la force publique. Mais des États démocratiques qu’on pourrait croire irréprochables sont aussi concernés. En effet, l’opinion publique mondiale s’est profondément indignée de la découverte de cas de torture sur des prisonniers irakiens par des soldats américains et britanniques. Le scandale de la prison d’Abou Ghraib a secoué jusqu’aux fondements de l’Administration Bush et du gouvernement Blair, suite aux pressions et aux condamnations officielles de plusieurs organisations et États. Si des pays démocratiques comme les États-Unis et la Grande-Bretagne portent une lourde responsabilité dans ce scandale, leurs systèmes libéraux ont eu au moins le mérite d’avoir permis la révélation de l’affaire au grand jour. Les médias libres et indépendants jouent un rôle primordial dans de telles situations. Les promesses de punir les responsables ne peuvent être également que saluées. En revanche, les pays arabes ont été honteusement silencieux. Il serait en effet surprenant de voir certains régimes, pratiquant la torture depuis des décennies, dénoncer ces agissements. Ne se condamneraient-ils pas eux-mêmes s’ils le faisaient? Dans les pays arabes, tout est passé sous silence. En fait, tout se passe comme si de rien n’était. Pire. Non contents de pratiquer la torture sur leurs citoyens, certains pays du monde arabe sont même devenus des «sous-traitants», accueillant des «terroristes présumés» en vue d’interrogatoires musclés dans leurs prisons, où les sévices sont une pratique généralisée. La torture trouve, en effet, un terrain fertile dans la culture dominante des sociétés arabes, qui est en contradiction avec les valeurs de citoyenneté et le respect de la personne humaine et de l’intégrité physique. Dans de nombreux pays arabes, l’impunité des tortionnaires est aussi un fait de société. En effet, l’impunité dont jouissent les commanditaires et les exécuteurs de la torture constitue l’une des causes essentielles de la «banalisation» de cette pratique. Surtout que celle-ci est accomplie sous la protection des plus hautes autorités politiques dans ces pays. Dans les rares cas où une enquête est ouverte, elle s’enlise souvent du fait de la passivité, de l’inefficacité ou de la complicité des services chargés de la mener. Les bourreaux sont donc rarement amenés à rendre des comptes. Cette situation ne peut qu’inciter les tortionnaires à recourir toujours plus à ces actes répréhensibles. En outre, l’impunité qui règne dans un pays va affaiblir l’État de droit et créer un climat de méfiance et d’insécurité affectant toute la société. Il faut donc impérativement mettre fin à l’impunité des tortionnaires en les dénonçant et en exigeant leur comparution devant la justice pour être jugés et condamnés. Ainsi, on fait savoir à ceux qui seraient tentés de devenir des tortionnaires que la torture ne sera plus tolérée, et on les dissuade de recourir à ces pratiques violentes et dégradantes. Deux exemples méritent d’être cités: d’abord la mise en accusation du général Augusto Pinochet sur sa responsabilité dans les ordres donnés pour arrêter, détenir et exécuter ses opposants pendant la dictature. En 2004, le gouvernement chilien a publié un document révélant quelque 35000 cas de tortures. Ensuite, l’exorcisation des «années de plomb» au Maroc sous le règne du roi Hassan II, avec la publication du rapport de l’Instance équité et réconciliation créée par Mohammed VI. Bien que l’instance ne cite pas expressément de noms, elle préconise toutefois la mise en place de mécanismes législatifs et juridiques supposés mettre fin au règne de l’impunité dans le royaume. Cependant, la pratique a montré que les lois internationales ou nationales, la démocratie, la civilisation ou l’État de droit ne suffisent pas, en eux-mêmes, à donner des garanties suffisantes contre la pratique de la torture. Un second facteur est nécessaire pour endiguer le phénomène de la torture. Il s’agit de l’information. En effet, le rempart principal dans la lutte continue contre ce fléau est une société civile bien informée. Sur ce terrain, le chemin reste long et difficile. Bien que les renseignements circulent mieux grâce aux médias et aux ONG, et surtout à l’Internet, il reste beaucoup à faire. Il s’agit notamment de briser la loi du silence, rompre le mur de la peur, surtout dans les pays où sévissent les régimes autoritaires et dictatoriaux, pour mobiliser l’opinion publique et faire pression sur l’État afin d’initier une enquête indépendante pouvant aboutir à des résultats concrets. Il faut, en outre, diffuser les principes de citoyenneté, de respect de l’être humain et de l’intégrité physique et des droits humains de façon générale, pour être conscient de la nécessité de lutter contre le fléau de la torture et de l’éradiquer définitivement. Antoine AJOURY
La torture reste la violation des droits de l’homme la plus répandue dans le monde. D’après des statistiques d’Amnesty International, des personnes auraient été torturées dans 132 pays sur les 191 membres de l’ONU.
Or, la torture est complètement interdite par la législation internationale. La Déclaration universelle des droits de l’homme dispose que «nul ne sera...