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Actualités - OPINION

Saveurs d’Orient

De fiel et de miel : c’est en ces termes que Walid Joumblatt évaluait, hier, les initiatives passablement contradictoires lancées ces derniers jours par la Syrie. Le chef du PSP était encore trop bon. Car si le fiel est de la plus belle facture, reste tout de même à s’assurer que le miel, lui, n’est pas frelaté. Le fiel, c’est cette campagne effrénée visant à discréditer l’enquête internationale sur l’assassinat de Rafic Hariri : campagne qui, paradoxalement, connaît son paroxysme au moment précis où la Syrie, contrainte mais apparemment pas résignée, entreprend enfin de se prêter à cette même enquête. Tel un lapin sorti du haut-de-forme d’un prestidigitateur, Houssam Taher Houssam a fait surface, dimanche à Damas, pour se poser en victime ; en patriote ; en honnête homme capable, malgré son passé de trafiquant et d’escroc, de cracher sur plus d’un million de dollars, mais qui a bien été obligé, sous la torture, d’accabler les chefs sécuritaires syriens. Au bout du compte, l’admirable Houssam aurait réussi à fausser compagnie à ses tortionnaires comme à ses corrupteurs, et à regagner sain et sauf son pays pour y raconter devant les caméras de télévision ses mirobolants exploits : une odyssée qui, à en croire les autorités politiques et judiciaires syriennes, flanque par terre le machiavélique montage échafaudé par Detlev Mehlis. Où est donc passé le pragmatisme de légende qui fit les beaux jours de la Syrie ? Et croit-on sérieusement là-bas, tout à côté, que l’on peut altérer l’écriture d’une histoire en marche à l’aide d’aussi puérils coups de théâtre ? Dans la meilleure des hypothèses en effet, l’épisode Houssam ne prouve qu’une seule chose : qui a menti mentira, que ce soit à Monteverde ou à Damas ; dès lors, tout ce que pourra jamais invalider un témoignage aussi suspect que celui de dimanche, c’est un faux témoignage antérieurement livré par le même et invariable faux témoin. Tant qu’à parler de machiavélisme, il ne serait pas étonnant d’ailleurs que le miraculé Houssam de même que son alter ego Siddik (qui, de témoin, est devenu suspect) aient été délibérément infiltrés dans l’enquête puis exfiltrés, dans le seul but de déconsidérer et ridiculiser celle-ci. Reste à rappeler que ce n’est certes pas sur les seules dépositions de personnages de cet acabit que reposent les solides soupçons du juge allemand, clairement consignés dans ses rapports au Conseil de sécurité de l’ONU. Les longues années de violence tutélaire constituent le plus éloquent des réquisitoires, sans qu’il soit besoin de l’appât de l’argent pour faire se délier les langues. Prétendre le contraire, comme s’y emploient en ce moment les autorités politiques et judiciaires syriennes, ce n’est pas seulement s’en prendre à l’intégrité de Mehlis : c’est faire insulte à son intelligence. Pour ce qui est du miel, les propos tenus lundi, en marge du sommet euro-méditerranéen de Barcelone, par Farouk el-Chareh sont évidemment fort bienvenus. Bien que premier architecte de la diplomatie syrienne, l’homme ne s’est jamais trop embarrassé en effet de nuances diplomatiques à propos du Liban, laissant la corvée de guimauve et sirop à son adjoint Mouallem. Voilà pourquoi on ne peut que se réjouir de la volonté proclamée d’ouvrir une page nouvelle dans l’histoire des relations syro-libanaises, lesquelles devront se placer – heureuse précision – sous le signe de l’indépendance et de la non-ingérence. Encore plus agréable à l’oreille aurait été quelque mention de la nécessité de relations diplomatiques et d’un tracé précis des frontières : lesquels restent les deux moyens les plus simples, et finalement les meilleurs, que l’humanité ait inventés pour faire régner l’entente entre pays voisins. Quant à la libanité des hameaux de Chebaa, ce n’est pas la première fois qu’elle est verbalement certifiée, le seul élément nouveau étant l’intention annoncée par le ministre syrien des AE d’en fournir la preuve cartographique à l’ONU. Mais pourquoi des cartes pour le seul secteur de Chebaa, à l’exclusion de tout le reste ? Et ce certificat syrien peut-il suffire à enclencher un processus international visant à pacifier entièrement le Liban-Sud aussi longtemps que la Syrie s’obstine à résister, non point sur son Golan occupé, mais chez nous, par Hezbollah interposé ? Un peu de miel dans la rage froide ? Mieux vaut, jusqu’à nouvel ordre, consommer avec modération. Issa GORAIEB
De fiel et de miel : c’est en ces termes que Walid Joumblatt évaluait, hier, les initiatives passablement contradictoires lancées ces derniers jours par la Syrie. Le chef du PSP était encore trop bon. Car si le fiel est de la plus belle facture, reste tout de même à s’assurer que le miel, lui, n’est pas frelaté.
Le fiel, c’est cette campagne effrénée visant à discréditer...