RENCONTRE Avec Diesel, Renzo Rosso invente la haute couture « casual »

Avec cinq mille points de vente dans 80 pays, 280 franchises dont celle de Beyrouth, le patron de Diesel n’a pas du lion que l’allure. Malgré la tranquillité de son regard bleu et ses boucles blondes en broussaille que la cinquantaine agrémente de rares fils d’argent, Renzo Rosso règne en maître sur la jungle du jeans. Invité par Tony Salamé à visiter Beyrouth, dans la foulée de l’inauguration de son enseigne au centre-ville, Rosso ne cache pas son admiration. Le chemin parcouru depuis sa dernière visite en 1985 le laisse béat. Devant la maquette de Solidere et les explications de Nabil Rached sur le bouclier antiraz de marée qui ceinture la ville, Rosso affiche un sourire enthousiaste. Pour l’interview, il s’installera en tailleur sur le comptoir en bois vieilli de la boutique Diesel. Juste devant le panneau en macadam où ses jeans semblent s’être « fait » les genoux. L’attitude donne le ton. Rosso veut promouvoir « la culture jeune ». C’est la philosophie de Diesel depuis sa création. Voilà une conférence de presse pas comme les autres où un copain vous raconte les secrets de sa réussite et parle de pantalons comme d’autres de littérature. Rosso par Rosso Rosso parle de ses origines vénitiennes, de la ferme où il a grandi. Il raconte comment, à quinze ans, il exploitait l’usure de ses jeans pour mieux les personnaliser. Pour un peu, il vous dirait qu’il est l’inventeur du vintage et de la « customisation », et ce ne serait pas vantardises. En 1978, Rosso a déjà fait de son passe-temps une grande entreprise qui ne cesse de s’accroître. Diesel était né avec un nom qui sent le cambouis mais qu’on prononce dans toutes les langues. Un Diesel pour s’exprimer Lui a-t-il suffi de s’engouffrer dans une niche ? Ce serait mal connaître ce natif de la Vierge. Que vous demandiez quelle est sa campagne la plus spectaculaire à cet homme qui mise gros sur la publicité et les médias, il vous répondra : la prochaine ! Entouré de créatifs de tout poil, affichant une confiance illimitée dans la capacité des jeunes à innover, Rosso a d’emblée engagé Diesel dans le contre-courant. Tournant le dos aux suiveurs de l’industrie de la mode, il s’adresse d’emblée à une clientèle qui cherche d’abord à exprimer son individualité. Avec 40 modèles de jeans produits chaque année et traités en 50 techniques de lavage différentes, il y a en effet de quoi choisir. Qui a mis à la mode les « shades », ces lunettes qui ne sont plus de soleil mais qui s’affichent la nuit ? Rosso. Qui a introduit le folklore de l’Europe de l’Est dans les détails couture ? Rosso. Qui vient de créer avec Fossil une ligne de bijoux des plus singulières ? Qui engage désormais Diesel dans tous les secteurs du design, de la parfumerie, de l’hôtellerie, de la restauration et même des jeux électroniques ? Encore Rosso. De la firme à la ferme Le secret de son équilibre, ce grand travailleur le puise dans la ferme familiale qu’il a aménagée dans son Italie natale. Il y reçoit ses amis, ses collaborateurs, il y a installé son laboratoire d’idées et, surtout, il y produit un vin qui fait sa fierté. Son rosso di Rosso comme son bianco di Rosso trônent aux tables les plus éclectiques. Il vous explique abondamment qu’il ne garde de ses grappes que deux grains sur dix pour augmenter la concentration du nectar. Au cours du déjeuner concocté par Nicolas Rousseau, le nouveau chef du People, on a discuté des vertus respectives de la taille haute et de la taille basse, de la coupe droite et des pattes d’eph, du cinq-poches, du sans poches et de la fatuité des broderies, on a mangé les meilleures frites au monde pour accompagner un délicieux filet, et personne n’a boudé son plaisir quand Rousso a déclaré que le jeans n’aime pas les maigres, vu qu’il a besoin d’être rempli !