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Actualités - REPORTAGE

Correspondance- « My Uncle » sur les écrans français Quoi de neuf ? Tati

PARIS, de Mirèse AKAR Une petite musique drolatique et sautillante balise tous les films de Jacques Tati, suppléant en plus d’un endroit les dialogues qui y sont réduits à leur plus simple expression, c’est bien le cas de le dire. Le cinéaste était aussi peu bavard que ses personnages. Il avait fait un séjour au Liban à la fin des années 60, et je m’étais réjouie à la perspective de l’interviewer. Mais, à la différence des Resnais, Truffaut, Delvaux et autres Franju qui l’avaient précédé ou suivi à Beyrouth, il s’était révélé du genre taiseux, encore que parfaitement amical, au bar du Saint-Georges où nous avions rendez-vous. Répondant aux questions par à peine plus qu’un bougonnement ou une onomatopée, le bonhomme lunaire se levait tout d’un coup pour arpenter la pièce à grandes enjambées, fonçant à droite puis virant à gauche avant de conclure son étrange itinéraire tout en obliques par une volte et une pirouette. Je mesure aujourd’hui l’insigne privilège de l’avoir vu, de mes yeux vu, miner ainsi son semblable, son frère, Monsieur Hulot. Parmi les bribes de réponses que j’avais pu recueillir, il y avait eu, je ne sais trop pourquoi, une revendication de son vrai patronyme de Tatischeff, Tati n’ayant représenté pour lui que l’équivalent d’un nom de plume pour un écrivain, avec ses deux syllabes à connotation enfantine qui devaient résonner de façon plaisante à l’oreille des cinéphiles. Un « grain mousseux » On peut s’amuser à penser que ce fut Tatischeff qui, avec Mon oncle (1959), dauba sur l’américanisation du mode de vie dans la France de l’époque. Et cela, pour compliquer les choses, en brillant héritier des cinéastes burlesques américains ! Pour comble, après le succès international des Vacances de Monsieur Hulot, il était devenu trop préoccupé d’universalité pour ne pas envisager une version américaine du film, My Uncle, laquelle, retrouvée aux Archives du film, à Bois d’Arcy, vient de sortir en salles après une restauration qui aura permis de retrouver le « grain mousseux » de la copie originelle. L’événement est d’abord cinématographique et non pas simplement anecdotique, car les deux versions, tournées simultanément, sont loin d’être identiques : longueurs différentes, plans, scènes, angles de prise de vues également différents, dialogues impossibles à superposer et, à la fin, l’obsédante rengaine se muant en un air jazzy dans la version américaine. Mais l’argument reste évidemment le même ici et là : c’est la confrontation de l’idéal de vie bohème de Monsieur Hulot qui, toujours à vélo, se refuse à prendre le train de la modernité et vit dans une étrange bicoque des faubourgs de Saint-Maur, avec celui de M. Arpel, un riche industriel qui a épousé sa sœur et, d’un snobisme à tout crin, s’est fait construire une villa high-tech – comme on ne disait pas encore à l’époque –, avec portes à commande électronique, cuisine bourrée de gadgets et mobilier à l’esthétique minimaliste. L’enfant de la maison s’y ennuie copieusement, mais peut compter sur son oncle pour semer la pagaille dans ce bel ordonnancement. Le rocking-chair et le vase Pas rancuniers de voir leur way of life ainsi ridiculisé, les Américains octroyèrent à My Uncle l’Oscar du meilleur film étranger et offrirent à Tati d’exaucer son vœu le plus cher. Qui avait-il envie de rencontrer ? Marilyn Monroe, par exemple ? Il demanda à voir Buster Keaton, Harold Lloyd, Stan Laurel et Mack Sennett, ses devanciers et maîtres en burlesque. Un producteur lui offrit aussi de réaliser, sans limitation de budget, un Mr Hulot Goes West. À quoi il répondit sans ménagements : « No, Sir. Mr Hulot Goes East. » Près d’un demi-siècle plus tard, des répliques du canapé-haricot et du rocking-chair de M. Arpel vont être éditées en septembre par Domeau et Pérès. Et une copie conforme du petit vase blanc de Mme Arpel sortira de la manufacture de Sèvres. Quoi de neuf ? Tati.

PARIS, de Mirèse AKAR

Une petite musique drolatique et sautillante balise tous les films de Jacques Tati, suppléant en plus d’un endroit les dialogues qui y sont réduits à leur plus simple expression, c’est bien le cas de le dire. Le cinéaste était aussi peu bavard que ses personnages.
Il avait fait un séjour au Liban à la fin des années 60, et je m’étais réjouie à la...