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Actualités - REPORTAGE

CORRESPONDANCE Au Festival Off d’Avignon, « Le soir de la générale », mise en scène par Nabil el-Azan Un récit intimiste, un voyage entre fantasme et solitude (photos)

AVIGNON, d’Aline Gemayel Les festivals de théâtre (le In et le Off réunis) qui animent Avignon pendant le mois de juillet battent cette année encore tous les records avec plus de 800 spectacles programmés par jour ! Nabil el-Azan signe pour le Festival Off la mise en scène de «Le soir de la générale» de Claire Béchet à La Manufacture. Après «L’émigré de Brisbane» de Georges Schéhadé, importante production que le metteur en scène libanais avait montée pour le Festival de Baalbeck 2004, Nabil el-Azan revient à un théâtre plus intimiste. La scène est vide, tendue de noir. Au centre de cet espace dépouillé se tient une femme, la cinquantaine bon chic bon genre, imperméable beige, escarpins à talon. Immobile, elle raconte ce qui lui est arrivé un soir, au sortir de la générale. Comédienne, elle rentre chez elle après la performance. Alors qu’elle parcourt les rues, elle se persuade qu’elle est suivie. Des pas d’homme résonnent à l’unisson des siens. « Il » la suit jusque chez elle, dans son sixième étage sans ascenseur, s’y enferme avec elle, l’assujettit à son désir. Alors qu’elle déroule son récit, une musique égrène ses notes aiguës, une vidéo en noir et blanc défile en toile de fond. Les images projetées sont au ralenti, accentuant l’effet d’angoisse. La caméra qui a capté ces images suit la silhouette de la comédienne, faisant corps avec elle. À aucun moment le spectateur ne voit celui qui poursuit cette femme. La peur qui envahit le personnage s’insinue en chacun, au fil des mots et des images. Mais plus que de la peur physique, cette femme souffre de solitude. Une solitude dont elle échappe par le fantasme. Il n’y a, à l’évidence, personne qui la harcèle. La poursuite, la séquestration, la soumission ne sont que l’expression du besoin douloureux qu’elle a d’être regardée, désirée, aimée. Le récit sobre, presque linéaire, très justement servi par Anny Romand, déroule une écriture travaillée comme une partition de musique. La caméra intimiste de Karim Boutros Ghali, avec ses images en noir et blanc, offre une autre dimension au récit, réussissant à plonger le spectateur dans l’imaginaire du personnage, au plus profond de son inconscient. À travers ce récit, c’est une vie qui se dévoile avec ses frustrations, ses barrières et ses rêves les plus intimes. C’est également le cheminement vers une libération : exprimé, le fantasme perd de sa substance. Le personnage ainsi délesté peut larguer les amarres. À chacun d’imaginer le monde vers lequel il se laisse glisser... Un coup de cœur Metteur en scène libanais vivant à Paris, Nabil el-Azan choisit les textes sur lesquels il travaille en fonction de ses coups de cœur. « Quand Claire Béchet m’a envoyé ce texte, il m’a tout de suite plu , raconte-t-il. Il y a la qualité d’écriture. Ces phrases courtes comme le souffle, répétitives comme l’obsession, précises et tranchantes comme le désir ». Mais le texte charrie également « tout un univers d’errance, d’apesanteur, de flottement, d’incertitude où tout est possible ». Et puis il y a la nuit, « avec ses vagues à l’âme, ses mystères, ses fantasmes », détaille-t-il. D’ailleurs, pour être au plus près de l’effet recherché, la pièce est programmée à minuit et quart. Ce sont tous ces ressentis que Nabil el-Azan creuse sur scène. Son but, amener le spectateur dans un univers dominé par les sens, « où il s’agit de vivre l’expérience du personnage ». La vidéo est pour Nabil el-Azan un nouveau support qui apporte quelque chose, qui permet d’étayer une idée, de renforcer une mise en scène, « alors pourquoi s’en priver ? » interroge-t-il. Le film qui accompagne Le soir de la générale « n’est pas esthétique. Son image sensitive, intimiste participe de la fabrication du lieu du mensonge qu’est le théâtre », explique le metteur en scène. « Anny Romand est le guide de ce voyage, souligne encore Nabil el-Azan, elle se livre corps et âme, figure démultipliée à l’infini du désarroi d’être de ce monde ». « Avec cette pièce, j’ai voulu partager un moment d’intimité, un moment de l’être contemporain, insiste le metteur en scène. C’est un retour vers l’intime hors le spectaculaire ».

AVIGNON, d’Aline Gemayel

Les festivals de théâtre (le In et le Off réunis) qui animent Avignon pendant le mois de juillet battent cette année encore tous les records avec plus de 800 spectacles programmés par jour ! Nabil el-Azan signe pour le Festival Off la mise en scène de «Le soir de la générale» de Claire Béchet à La Manufacture. Après «L’émigré de...