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Actualités - OPINION

La rectification des textes, une revendication jamais aboutie

Répondant à ses détracteurs, le chef de l’État, le président Émile Lahoud, a souligné, lors du dernier Conseil des ministres, qu’en assistant à toutes les séances et en supervisant l’ordre du jour, il applique la Constitution. Le président Rafic Hariri et le ministre Négib Mikati ont aussitôt exprimé des réserves sur ce double point. En fait, le débat des prérogatives remonte à l’époque qui a immédiatement suivi les accords de Taëf. Dont les textes constitutionnels sont visiblement équivoques. Et donnent lieu à des interprétations contradictoires, sources de conflits. Dans ce contexte, nombre de ministres et de députés jugent que les débordements continuels établissent des usages, une praxis, qui dans leur finalité affaiblissent la présidence du Conseil. La Syrie, on le sait, intervient en conciliateur, ou en arbitre, pour arranger les choses quand les dirigeants libanais se disputent. Mais elle n’est pas habilitée à régler le fond du problème en modifiant, en éclaircissant les textes constitutionnels. Et le pays risque à tout moment une crise de pouvoir, par le fait des divergences sémantiques. On glose ainsi beaucoup sur la notion de responsabilité du chef de l’État. Certains soutiennent qu’elle existe bel et bien, du moment qu’il dirige les réunions de l’Exécutif et qu’il a, en outre, le pouvoir de renvoyer tout projet qu’il n’approuverait pas. D’autres affirment qu’il n’a aucune responsabilité, que tout retombe sur les épaules du président du Conseil et du gouvernement, comptables des actes de l’Exécutif devant le Parlement. La polémique perdure depuis des années. Il convient cependant de noter un renversement de tendance certain. En effet, du temps du président Élias Hraoui, c’était le régime qui se plaignait des failles constitutionnelles et de prérogatives érodées. Alors qu’aujourd’hui, c’est surtout le Sérail qui proteste contre la réduction présumée de ses pouvoirs constitutionnels. Dans tous les cas, il faudrait remanier la Constitution. Mais cela paraît difficile dans les délicates circonstances présentes. On se trouverait en effet devant un risque contraire : soit on accuserait les chrétiens de vouloir récupérer des pouvoirs anciens dont Taëf est venu les priver, soit on reprocherait aux musulmans de tenter d’obtenir encore plus d’avantages politiques. Les professionnels relèvent que le conflit entre les dirigeants est double. D’abord, ils s’accusent réciproquement de ne pas appliquer, ou alors bien mal, les textes constitutionnels. Et, d’autre part, ils font dire à ces mêmes textes des choses opposées. Comment s’en sortir pour préserver la stabilité des mécanismes du pouvoir ? Les propositions ne manquent pas. Pour le moment, c’est l’alternative suivante qui semble avoir le vent en poupe : ou bien un système présidentiel à l’américaine ; ou alors un système semi-présidentiel, comme en France. Afin que l’État n’ait plus qu’une seule tête, comme le réclamait déjà le président Hraoui. Cependant, certains continuent à penser que Taëf a du bon. Et qu’il suffirait de trancher les litiges d’interprétation pour que l’application ne provoque plus de différends entre le président de la République et le président du Conseil. Mais le problème, c’est justement de savoir dans quel sens on pourrait trancher... Quoi qu’il en soit, en pratique, les articles qui ont prêté à litige s’énumèrent comme suit : – Les consultations parlementaires pour la désignation d’un nouveau Premier ministre. Au début du présent mandat présidentiel, il y a eu, comme on sait, une tentative de soutenir que ces consultations ne sont impératives que par rapport à leur tenue et non par rapport à leurs résultats. Par la suite, et comme les juristes ont unanimement condamné cette étrange interprétation, l’on a reconnu l’erreur. Ce qui signifie, du même coup, que les députés n’ont pas le droit de transmettre au chef de l’État, pour choisir à leur place, le mandat de représentation populaire qui leur est dévolu en propre. – L’alinéa 11 de l’article 53 de la Constitution accorde au chef de l’État le droit de soumettre au Conseil des ministres tout « sujet impromptu », expression vague qu’il s’agit de définir. Dans un sens logiquement rigoureux, car au nom de cette disposition la plupart du temps les affaires évoquées hors cadre sont des plus ordinaires. En d’autres termes, le président parvient, grâce à cet alinéa 11, à modifier l’ordre du jour, dont l’élaboration ne lui appartient pas. – Dans le même esprit de clarification, il faut mieux savoir à quel propos au juste le président peut « exceptionnellement, à chaque fois qu’il le juge nécessaire, convoquer le Conseil des ministres en accord avec le président du Conseil », comme le stipule l’alinéa 12 du même article 53. – Il est illogique, et malsain, qu’aucun délai ne soit imparti à un président du Conseil désigné pour former son gouvernement. Car il peut maintenir le pays en état de flottement, sans pouvoir exécutif, indéfiniment. – Retour à l’ordre du jour du Conseil des ministres. Le texte actuel est ambigu. Il indique, en effet, que c’est le président du Conseil qui élabore ce programme. Mais ajoute ensuite, sans autre précision, qu’il doit en informer le président de la République avant la séance. Pourquoi faire, si le chef de l’État n’est pas autorisé à remanier la copie, ou au moins à en retirer des passages ? Il est donc nécessaire de préciser ce point, dans un sens ou dans l’autre. – La Constitution octroie au président du Conseil le pouvoir de convoquer le Conseil des ministres, mais ne dit pas comment faire travailler l’Exécutif si le chef du gouvernement est absent ou empêché. – L’un des éléments les plus graves, car il traduit un manque manifeste de confiance de la part du chef de l’État à l’encontre du Premier ministre, est que le président de la République préside les séances quand il le souhaite. Pour les puristes, l’esprit des lois voudrait que la présence du chef de l’État ne se justifie que pour des sujets, ou des circonstances, d’exception. Or le président Lahoud affirme que s’il n’avait pas été toujours présent, la dette publique aurait été de 50 milliards de dollars. Comme le souligne un ministre, quand la confiance fait défaut, la paralysie est au bout. Émile KHOURY
Répondant à ses détracteurs, le chef de l’État, le président Émile Lahoud, a souligné, lors du dernier Conseil des ministres, qu’en assistant à toutes les séances et en supervisant l’ordre du jour, il applique la Constitution. Le président Rafic Hariri et le ministre Négib Mikati ont aussitôt exprimé des réserves sur ce double point. En fait, le débat des...