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Actualités - REPORTAGE

Correspondance Les écrivains russes, invités d’honneur cette année Un Salon du livre où l’on cause

Paris, de Mirèse AKAR Touchons du bois, métaphoriquement ce bois de bouleau dont est fait le papier qui a servi à éditer les écrivains russes, invités d’honneur du Salon du livre qui vient de se tenir à Paris. Longtemps sous le boisseau, leur littérature se porte bien, la littérature française affichant, quant à elle, une santé carrément insolente. Le SNE (Syndicat national des éditeurs) a quelque raison de pavoiser : 450 millions de livres ont été vendus en France en 2004 pour 50 000 titres publiés. D’un montant de 2,5 milliards d’euros, le chiffre d’affaires est en hausse de 4 % par rapport à celui de 2003. On jouerait les trouble-fête en précisant qu’en regard, 60 000 titres paraissent en Espage, 70 000 en Italie et 80 000 en Grande-Bretagne. Mais nul n’aurait évidemment songé à le faire le soir de l’inauguration, toujours aussi mondaine et survoltée. Encore plus fréquentée que d’habitude alors qu’à l’heure du bilan, on annonçait 20 000 visiteurs de moins qu’en 2004. Mais on n’a pas manqué de mettre cela sur le compte de la gêne occasionnée, porte de Versailles, par le chantier du futur tramway parisien. Ambitions et stratégies La foule est toujours si dense pour l’ouverture – traditionnellement le jeudi – qu’il faut piétiner longtemps devant l’entrée et, même si l’on n’est pas du genre à écouter aux portes, on surprend alors toute sorte d’étonnantes conversations où les uns et les autres ne font pas mystère de leurs ambitions, voire de leurs stratégies. Après la sacro-sainte journée professionnelle du lundi, la nocturne du mardi est une nouvelle occasion de rencontrer du beau linge. On s’est alors déjà familiarisé avec le dédale des allées, et l’on repère de loin les stands des gros éditeurs qui occupent des positions stratégiques, certains entourés de leurs maisons satellites. C’est la soirée la plus recherchée pour les séances de signatures, même si celles-ci ont également lieu tout au long du Salon. Ah, les séances de signatures ! En compulsant le programme, on peut s’amuser à pointer de nombreux cas d’homonymie : 3 Borel, 3 Brami, 5 Cohen, 4 Fleury, 3 Garcia, 4 Lemoine, 5 Lévy : autant d’illustres inconnus ! Il faut vraiment être une vedette, ou avoir déjà eu beaucoup de presse, pour attirer le chaland. Certains, et c’est pitié de les observer, se tournent les pouces deux heures durant derrière une pile de livres dont la hauteur ne varie pas tandis que, pour parvenir jusqu’à d’autres, c’est deux heures durant que les amateurs d’autographes se voient forcés de faire la queue. Ayant aperçu une bonne centaine de personnes assises par terre dans le pré carré d’Albin Michel, j’avais d’abord cru à un sit-in. Mais l’un de ces faux manifestants m’a détrompée : ils attendaient tous une dédicace d’Amélie Nothomb. Depuis combien de temps ? lui ai-je demandé. « Depuis trente-six pages », a-t-il répondu en montrant le livre qu’il était en train de lire pour mieux patienter. Le Salon du livre est une occasion de se mettre en quête d’éditeurs marginaux publiant des livres de qualité mais qui n’ont pas pignon sur rue à Paris. Comme Zoé, la merveilleuse maison suisse qui compte à son catalogue Robert Walser et Nicolas Bouvier ou la montpelliéraine Fata Morgana qui doit sa grande réputation à des textes d’exception et publie deux Libanais : Laurice Schéhadé (la sœur de Georges) et Salah Stétié. Mais il est bien d’autres petites structures aux noms parfois canularesques – Coq-à-l’âne, Ivoire clair, Quiquandquoi, Requins marteaux/Ferraille, qu’on n’aurait sans doute jamais l’occasion de découvrir autrement. Une nébuleuse d’événements Dans un brouhaha permanent et une bousculade de tous les instants, le Salon est une nébuleuse d’événements, d’émissions de radio en direct, de débats dont certains sur des thèmes rebattus – « Où va la littérature française ? » – alors que d’autres recherchent davantage l’originalité : « Y a-t-il encore une presse pamphlétaire ? », « Prolos de tous les pays, écrivez-vous ? » La manifestation est mise à profit pour servir les intérêts les plus disparates, et son aspect anecdotique n’est pas le moins instructif ni, quelquefois, le moins drôle. Cette année, les tracts fourgués aux visiteurs à l’entrée avaient été habilement déguisés en marque-pages. Nullement déguisée, quant à elle, la grogne des salariés de Virgin a pris des allures de happening. Des opticiens, qui avaient opportunément loué un espace, offraient un test de vue gratuit. Enfin, dans un genre différent, le stand du Journal officiel proposait, sans grand succès, le texte volumineux de la Constitution européenne sur lequel les Français seront appelés à se prononcer par référendum. Dans le métro, sur le chemin du retour, un vieux monsieur se vantait de se l’être fait offrir relié plein... vinyle ! On le voit : avant, pendant et après, le Salon du livre est un salon où l’on cause.

Paris, de Mirèse AKAR
Touchons du bois, métaphoriquement ce bois de bouleau dont est fait le papier qui a servi à éditer les écrivains russes, invités d’honneur du Salon du livre qui vient de se tenir à Paris. Longtemps sous le boisseau, leur littérature se porte bien, la littérature française affichant, quant à elle, une santé carrément insolente.
Le SNE (Syndicat national des...