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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - Le nouveau président de la municipalité de la ville favorable aux petites circonscriptions électorales Abdel Rahmane Bizri : Saïda a prouvé qu’on peut obtenir un changement démocratiquement (Photo)

Pour la première fois dans l’histoire moderne du Liban, Saïda n’est pas au cœur des turbulences qui secouent le pays. Ayant lancé le mouvement, en provoquant un véritable séisme électoral, avec la victoire presque totale aux municipales de la liste présidée par le Dr Abdel Rahmane Bizri et parrainée par le Dr Oussama Saad, la ville n’a pas le cœur à la grève. Au contraire, même si le meeting de la victoire qui devait avoir lieu hier soir a été reporté, les habitants sont fiers d’avoir fait leur choix et, dans les rues, les personnes interrogées lancent dans un sourire : « Nous avons rendu leur dignité aux Libanais. » Le Dr Abdel Rahmane Bizri, qui a repris le flambeau de son père, a des mots plus pesés. D’ailleurs, même au plus fort de la bataille, il ne s’est jamais départi de son calme et de sa parfaite urbanité. Il reconnaît simplement que ce qu’il croyait être une échéance locale, a pris une dimension nationale. « Ce qui s’est passé à Saïda montre aux Libanais qu’ils peuvent changer démocratiquement quand ils le décident. » Il n’est nul besoin de demander son chemin pour se rendre chez les Bizri. Il n’y a qu’à suivre le flot des visiteurs. Depuis dimanche soir, la vieille demeure familiale ne désemplit pas. L’air un peu las, le Dr Abdel Rahmane, surnommé le médecin des pauvres, car dans sa clinique à Saïda il soigne les patients gratuitement, a un mot pour chacun et reçoit avec beaucoup de chaleur l’épouse de feu Moustafa Saad, Najla, qui semble être une habituée de la maison. Une maison où le luxe n’est pas écrasant, mais où chaque objet raconte une histoire : des portraits de famille aux vieux miroirs de bronze, en passant par les chandeliers. Le Dr Bizri s’accorde une petite pause dans un des salons adjacents, se passe la main sur la figure, mais répond avec précision à toutes les questions. Président de l’association contre le sida et responsable du département du contrôle des infections à l’AUH, l’homme a le triomphe modeste et le verbe clair. Selon lui, la victoire de sa liste n’a pas été une surprise. « Je sentais l’état d’esprit des gens», dit-il. Comment a-t-il fait pour garder son calme et sa courtoisie pendant la campagne, qui était très violente ? « Apparaître en public est une responsabilité, surtout lorsqu’on représente une partie importante de la population. C’est d’elle qu’il faut tenir compte, et mettre de côté ses propres sentiments. » « Les gens ne sont pas des sujets mais des citoyens » Tout au long de la campagne, les milieux proches du président du Conseil ont insisté sur le fait que le Dr Bizri était dans ce camp au cours des précédentes échéances. Que s’est-il donc passé pour qu’il change d’alliance ? « Il n’y a rien de personnel, mais je n’étais pas d’accord avec la façon de traiter le développement de la ville. L’autre camp considère qu’il a tous les droits et ne respecte pas les désirs des gens. Il refuse toute concertation et ne tient pas compte de la sensibilité de la ville. Ce qui a d’ailleurs donné lieu à un net recul de la situation générale. » Pourtant, le visiteur est impressionné par les larges avenues, la corniche du bord de mer... « Vous savez, les routes ce n’est pas tout. L’État ne s’est pas occupé de Saïda autant qu’il le devait. Le nouveau Palais de justice n’a été construit qu’à la suite de l’assassinat des quatre juges. Mais Saïda n’a toujours pas d’hôpital gouvernemental, le problème des ordures attend une solution, on ignore encore à qui appartient le terrain sur lequel est construit le stade municipal, il n’y a pas d’investissements dans la ville et le niveau de vie des habitants a nettement baissé, alors qu’ils ne peuvent faire aucune réclamation, car ils sont aussitôt accusés d’être contre le président du Conseil. Celui-ci a empêché toute distinction entre sa personne et l’État. Je crois que c’est cela qui a le plus dérangé les habitants, l’inexistence de toute possibilité de réclamation. Je crois aussi que les gens n’avaient plus confiance dans le conseil municipal, car il était trop dépendant. De plus, l’autre camp se comportait avec les Sidoniens comme s’ils étaient des sujets, non des citoyens. Je pense que Saïda veut assumer son développement. » L’action du nouveau conseil ne risque-t-elle pas d’être entravée par le gouvernement ? « Nous espérons que le président du Conseil n’en fera rien car il s’agit du développement de sa propre ville. De toute façon, entre Saïda et Zahrani, nous représentons un nombre important de citoyens. Je ne pense pas qu’on puisse ne pas tenir compte de nos revendications. Notre force, ce sont les gens. » « Hariri a personnalisé la bataille » On dit que le président du Conseil veut désormais changer son équipe à Saïda. Il aurait même demandé à son fils de s’y installer en permanence... « Nous avons essayé de distinguer entre M. Hariri et son courant. Mais c’est lui qui a voulu s’impliquer personnellement dans la bataille. Le fait qu’il veuille changer son équipe est le signe qu’il reconnaît son échec. À mon avis, c’est un pas positif. Cela signifie que nous avons réussi à le pousser à modifier son attitude envers les gens. » Qu’est-ce qui a pousé les habitants de Saïda à voter contre la liste Hariri ? Y a-t-il eu un mot d’ordre ? « Il n’y a eu ni mot d’ordre ni conseils extérieurs. Pourquoi les gens se sont-ils décidés à voter contre la liste parrainée par Hariri ? Tout simplement parce qu’ils ont vu des candidats prêts à assumer leurs responsabilités. Notre alliance avec le courant des Saad a prouvé sa solidité. Notre projet n’était pas de frapper Hariri, mais de développer Saïda. C’est lui qui a personnalisé la bataille. Aujourd’hui, on peut dire que notre ville a adressé un message aux Libanais. D’abord, elle leur a montré que le peuple peut obtenir des changements démocratiques. Cela donne de l’espoir à tous les Libanais. Ensuite, elle a montré que les gens refusent d’être pris en charge et de voir leur volonté ignorée. Je suis sûr que les autres régions du Liban suivront cet exemple, si elles en ont l’occasion. Enfin le vote de Saïda a montré que la loi électorale doit être changée et que les petites circonscriptions ne mettent pas en danger l’équilibre politique et ne provoquent pas une guerre civile. Au contraire, elles donnent aux pôles politiques leur véritable dimension. On a toujours dit que les Syriens veulent de grandes circonscriptions ; on découvre aujourd’hui que ce sont les pôles politiques qui le veulent pour garder les régions sous leur emprise. Le citoyen a montré qu’il était mûr et qu’il voulait le changement, mais toujours sous le même plafond politique. Finalement, les pôles existent à cause de nous. » Pourtant, toutes les analyses évoquent une volonté syrienne de réduire l’importance du président du Conseil ? « Donnez-moi une possibilité concrète, un mécanisme précis qui permettraient aux Syriens de peser sur le vote de 15 000 personnes. Pourquoi le tandem Bizri-Saad ne pourrait-il pas gagner ? L’idée du complot syrien sert à justifier l’échec de Hariri pendant 12 ans. » Justement qu’est-ce qui unit Abdel Rahmane Bizri, qui représente un leadership politique, à Oussama Saad, qui représente un passé militant, pour ne pas dire milicien ? « Nous voulons tous les deux le meilleur pour Saïda. C’est vrai que nos méthodes sont différentes. Mais nous avons le même objectif. D’ailleurs, les deux courants se sont déjà alliés pour obtenir la libération de Saïda de l’occupation israélienne, Nazih Bizri a apporté la couverture politique et Moustapha Saad le côté militant, en plus bien entendu de l’action de la résistance. » Se voit-il Premier ministre ? « Laissez-moi faire mon travail de président du conseil municipal. » Scarlett HADDAD
Pour la première fois dans l’histoire moderne du Liban, Saïda n’est pas au cœur des turbulences qui secouent le pays. Ayant lancé le mouvement, en provoquant un véritable séisme électoral, avec la victoire presque totale aux municipales de la liste présidée par le Dr Abdel Rahmane Bizri et parrainée par le Dr Oussama Saad, la ville n’a pas le cœur à la grève. Au...