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Éclairage - Municipales : le Hezbollah, Riad el-Assaad et Khalil el-Khalil remettent en question le « monopole Berry » À Tyr, le vote chrétien constitue l’enjeu principal

«Corruption, hégémonie, domination, clientélisme, menaces, chantage, terrorisme psychologique, climat milicien. » Des mots qui reviennent comme un leitmotiv chez la quasi-totalité des adversaires d’Amal. Les protagonistes se préparent ainsi au choc de titans qui se déroulera dimanche, notamment à Tyr. Des termes, tous très préjoratifs, qui visent à désigner la gestion du mouvement Amal, dont la ville est le fortin. Et qui sont, à l’évidence, réfutés par Amal. Le député « amaliste » Ali Khreiss s’élève contre les accusations des détracteurs du mouvement de M. Nabih Berry, soulignant que les habitants de Tyr savent ce que le conseil municipal sortant a accompli et « les chrétiens savent que nous les respectons ». Tyr. À peu près 26 600 électeurs. Une ville dont le nom seul évoque un passé historique qui impose nécessairement le respect, et où deux listes s’affronteront dimanche pour siéger au conseil municipal. La première de ces listes est appuyée par le Hezbollah, le Mouvement du changement démocratique de l’ingénieur Riad el-Assaad (PDG de South for Construction), l’ambassadeur Khalil Kazem el-Khalil, les différents courants de l’opposition, notamment chrétienne, et plusieurs cénacles culturels locaux. Le Courant patriotique libre (CPL-aouniste) a décidé, selon son représentant local, Maher Bassila, « d’appuyer la liste de Khalil el-Khalil, personnalité qui inspire un très grand respect et qui représente la véritable opposition ». Le parti Baas, qui ne possède « aucune base à Tyr » selon l’ensemble des acteurs de la bataille, soutiendra de son côté le Hezbollah durant la bataille, un accord entre les deux formations qui vaut pour l’ensemble du Liban-Sud. La deuxième liste est appuyée par le mouvement Amal, le Parti syrien national social (PSNS) et le Parti communiste libanais. L’axe PSNS-Amal est une réponse à l’alliance Hezbollah-Baas dans la région. Quant au PCL, il aurait passé un « accord donnant donnant avec Amal en vue des prochaines législatives de 2005, ainsi que pour faire face au Hezbollah », selon un ancien responsable de gauche. L’objectif de la bataille Mais l’objectif de la bataille dépasse le stade municipal. À Tyr, le but recherché est de nature politique : il vise, pour l’ensemble des composantes qui soutiennent la liste opposée à Amal, à « provoquer un changement et créer un nouveau contrat social au Sud », selon Riad el-Assaad. Mais aussi et surtout à remettre en question, ébranler, voire même briser le leadership de Nabih Berry et d’Amal, accusés d’avoir transformé la ville « en un véritable paradis du clientélisme, du règne milicien et de la corruption », pour reprendre les termes utilisés par les détracteurs du président de la Chambre. Aussi bien M. Assaad, qui a fait l’objet de menaces directes de la part d’Amal il y a près de trois mois, que Khalil Kazem el-Khalil ou Hajj Hassan Houballah, responsable local du Hezbollah, dénoncent « la mainmise » établie par M. Berry et par Amal sur « l’ensemble des institutions et des services de la ville : tabac, plages, syndicat de la pêche, vestiges et ruines, souks, associations et complexes sportifs ». Les détails ne manquent pas pour accabler le président de la Chambre. Selon M. Khalil « rien n’échappe à l’emprise de M. Berry » et au « vaste réseau clientéliste établi part le mouvement Amal à Tyr ». Pour illustrer ses propos, l’ancien ambassadeur exhibe une photo représentant un calicot pro-Amal à Tyr : « Gare à celui qui ne nous connaît pas. » Le ton menaçant lui déplaît particulièrement. « À Tyr, il y a ce sentiment général selon lequel la décision est spoliée », souligne Houballah. Riad el-Assaad rappelle de son côté qu’il s’est plaint, il n’y a pas longtemps, de l’intervention de M. Nassif Seklaoui, directeur de la Régie, au niveau de la campagne électorale d’Amal. « Comment un fonctionnaire peut-il faire fonctionner une machine électorale, servir d’éminence grise ? » se demande-t-il, en qualifiant M. Seklaoui de « Paul Bremer de la ville ». Des questions que se pose aussi Khalil el-Khalil, qui évoque, tout comme Assaad, le « scandale de Chabriha » : 10 000 registres d’état civil en plus. « Une localité qui n’a rien à voir géographiquement avec Tyr », et qui, « par ajout, est devenue l’un des quartiers de la ville, uniquement parce que la famille Aoun, très nombreuse dans cette localité, et qui fait partie des familles naturalisées des sept villages frontaliers, compte plusieurs cadres au sein d’Amal », précise Khalil el-Khalil. Riad el-Assaad avait été l’un des premiers à dénoncer l’adjonction de Chabriha à Tyr uniquement pour des raisons électorales et en dépit du bon sens. L’enjeu chrétien et les garanties du Hezbollah Progressivement, l’enjeu de la bataille de Tyr est devenu la participation et la mobilisation de la composante chrétienne de la ville. Et pour cause, les 6 800 chrétiens de la ville, dont la majorité sont des grecs-catholiques et des syriens-catholiques, représentent le quart de l’électorat et font la différence. Des chrétiens qui, affirment Khalil el-Khalil et Riad el-Assaad, « sont devenus des étrangers dans leur propre ville, prisonniers du chantage d’Amal, et qui n’osent même plus s’exprimer, à l’instar d’ailleurs de tous les adversaires d’Amal ». « Petit à petit, les chrétiens ont été forcés, sous le coup des pressions et de la terreur morale et psychologique, à se taire ou à s’aligner sur les positions d’Amal, dont ils dépendent pour vivre. Leur situation est terrible. Elle ressemble à celle des déplacés ou des naturalisés que l’on incite à aller voter dans un certain sens. Leur volonté ne leur appartient plus, ce qui est intolérable, parce que ce sont des individus, qu’ils devraient être des esprits libres », affirme Riad el-Assaad. « Les chrétiens ont peur. Ils sentent qu’ils sont devenus une minorité à Tyr. Leur commerce est fermé dès lors qu’ils osent ouvrir la bouche, s’opposer aux décisions d’Amal, qui contrôle le conseil municipal. Or cela est inadmissible et va à l’encontre des principes mêmes du pluralisme et de l’impartialité des services publics. Le chrétien ne doit plus s’asservir pour obtenir ses droits. Nous ne pouvons pas tous vivre dans la peur. Il faut transcender cet état de fait », affirme de son côté Khalil Kazem el-Khalil. À Tyr, les chrétiens se retrouvent tiraillés entre Amal et Hezbollah. Près de 2000 d’entre eux ont voté en l’an 2000 pour Amal. Obligés de choisir entre les deux formations. Et nombreux sont ceux qui ont peur d’aller voter pour le Hezbollah, peur pour leurs libertés privées si la liste appuyée par cette formation remporte la bataille. Hajj Hassan Houballah répond franchement à toutes les questions, et cherche même à donner des garanties pour apaiser tous les doutes : « D’abord nous appuyons la liste des “Fils de Tyr” au sein de laquelle il y a un seul candidat proche du Hezbollah, et il n’est même pas partisan. La décision revient aux habitants. Ensuite, nous croyons fermement dans la convivialité. Pour nous ce n’est pas un slogan, mais une pratique de tous les jours. Je crois que l’expérience de la bande frontalière, des rapports avec les villes chrétiennes de Marjeyoun, Aïn Ebel ou Rmeïch a été très positive. Personne n’a été inquiété. À Ghobeïri, le conseil municipal est présidé par un partisan du Hezbollah, et pourtant rien n’a changé. Certains essayent de faire peur aux chrétiens, de les terroriser. Les pratiques terroristes de Nabih Berry à l’encontre des chrétiens de Tyr sont connues. Nous sommes en faveur d’un dialogue franc et direct et je pense que les chrétiens s’opposent au clientélisme et à la logique de la terreur ». Plus précis, Houballah affirme que rien ne changera au niveau de la baignade, que l’interdiction de l’alcool ne frappe que les musulmans, et pas les chrétiens, et que, de toute façon, « le Hezbollah se soumet aux lois libanaises ». Khalil el-Khalil appelle les chrétiens « et les musulmans aussi » à « relever la tête » et à voter massivement contre Amal pour « initier un changement dans une ville dont ils sont l’un des piliers ». Riad el-Assaad, lui, adopte une logique différente, qui se caractérise par la prudence : « Les chrétiens ont un choix difficile à faire : soit voter pour Amal ou le Hezbollah et je ne sais pas quelles pourraient être les conséquences d’un vote hostile qui pourrait provoquer des susceptibilités et des sentiments négatifs ; soit voter uniquement pour les candidats chrétiens ; soit rester à la maison. Ils doivent penser à la manière à travers laquelle ils pourront vivre de nouveau dignement dans la ville. À mon avis, ils ne doivent pas voter contre quelqu’un. » Le député d’Amal Ali Khreiss, qui s’occupe de la bataille de Tyr, estime pour sa part que l’échéance « aurait dû porter uniquement sur le développement, mais qu’elle a été transformée en bataille politique ». « La plupart des habitants de Tyr savent ce que le conseil municipal sortant a accompli. Quant aux chrétiens de Tyr, ils savent que nous les respectons énormément et que la coexistence se porte à merveille. Nous sommes ensemble contre vents et marées et ils sont avec nous », dit-il, citant plusieurs noms. « Mais de toute façon notre victoire est quasiment assurée », ajoute M. Khreiss. Réponse ce dimanche. Michel HAJJI GEORGIOU
«Corruption, hégémonie, domination, clientélisme, menaces, chantage, terrorisme psychologique, climat milicien. » Des mots qui reviennent comme un leitmotiv chez la quasi-totalité des adversaires d’Amal. Les protagonistes se préparent ainsi au choc de titans qui se déroulera dimanche, notamment à Tyr. Des termes, tous très préjoratifs, qui visent à désigner la gestion du...