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Actualités - OPINION

éclairage - Quelques-uns des membres du rassemblement devraient prendre le relais Kornet Chehwane est mort, vive Kornet Chehwane ?

À la veille de son départ pour le Vatican vendredi dernier, le père spirituel et tutélaire de Kornet Chehwane (KC), le patriarche Sfeir, a lâché nettement que « l’opposition n’a pas perdu les élections » municipales, que « seuls des individus ont été défaits » puisque cette opposition ne s’est pas présentée et n’a pas livré bataille en bloc. Casuistique juste ce qu’il faut, cette dialectique patriarcale rédemptrice d’une opposition que les municipales 2004 ont une nouvelle fois montrée poissonnière et hystérique a été doublement nécessaire : pour rassurer un tant soit peu une rue désemparée et de plus en plus sceptique et pour empêcher le pouvoir et ses lieutenants d’user et d’abuser d’interprétations hâtives, de conclusions erronées comme autant de vœux pieux. Et pourtant, même émanant du seul « leader fort », de la seule référence incontournable dont la communauté chrétienne opposante peut aujourd’hui se prévaloir dans son ensemble, cette réthorique qui se veut constat n’a pas réussi à cacher la très mathématique évidence. En perdant les municipales, l’opposition a laissé éclater au grand jour les clivages de plus en plus béants, parfois même souhaités par certains des intéressés, entre le patriarche et Michel Aoun, entre Michel Aoun et KC, entre KC et les gens, entre KC et KC. Et parce que l’harmonie, la cohésion et l’unicité des vues manquent cruellement et ostensiblement, l’opposition a perdu les municipales. Un récent sondage gardé secret parle de 63 % de Libanais, interrogés dans toutes les régions du Liban et au sein des différentes communautés, qui souhaiteraient le départ de la troïka actuelle (Lahoud-Berry-Hariri), accompagné d’un changement radical au sommet de l’État. Quels que soient la véracité et le bien-fondé de ce sondage, un changement radical, solaire, tonique, dynamique et porteur d’espoirs et d’espérances ne pourrait venir, à l’heure actuelle, que du seul Rassemblement de KC. Qui, dans sa feuille de route bkerkéenne par essence, privilégie « autant » les principes de souveraineté, d’indépendance, de libre décision, de lutte contre la tutelle syrienne et de réformes économiques et politiques « que » la convivialité intercommunautaire, l’accord avec l’islam libanais primant sur les facteurs et autres forces extérieures, l’autocritique, l’État de droit, la démocratie, les libertés et la résistance à Israël. Sauf que KC, à l’heure actuelle, trois ans après sa création, est moribond. C’est bien malheureux, mais c’est ainsi. Miné par les combats claniques et l’autisme des uns et des autres au sein même du groupe, sans compter l’incapacité de ses membres à s’entendre entre eux ; par les ambitions, les calculs (notamment municipaux), les mesquineries ou l’égotisme de quelques-uns de ses piliers ; par le piège sournois dans lequel sont englués ses membres, conscients que leur départ du groupe leur ôterait toute valeur ; miné aussi par les menaces de démissions et par son échec impressionnant dès qu’il s’agit de mobiliser les foules et les militants, KC se retrouve aujourd’hui à la veille d’une échéance capable de le mener tout droit à une assourdissante implosion : l’élection présidentielle. Même si les chances de voir l’un des présidentiables membre de KC succéder à Émile Lahoud à Baabda sont quasiment nulles, il est indispensable, pour la survie politique et existentielle même du principal pôle de l’opposition, que KC présente un(e) candidat(e) unique. Que le groupe réussisse au moins cette étape, surtout que les législatives – seules à même de lui garantir une marge de manœuvre réelle et efficace au cas où une loi électorale saine et digne de ce nom verrait, par miracle, le jour – auront lieu quelque six mois après la présidentielle. Y aura-t-il des primaires dans les semaines à venir, sur le modèle américain, et desquelles découlerait le nom de celui ou de celle qui « aurait les plus grandes chances » ? Comment réagiraient les candidats éconduits ? À quel point seraient-ils capables de se transformer, par dépit, en défenseurs acharnés de la reconduction ? Et de quel poids pèsera Bkerké dans cette échéance ? KC est moribond donc, mais tout à fait capable, en rebondissant sur les germes mêmes de son agonie, en les contournant de ressusciter. Et si l’on part du principe que ces germes-là sont « le groupe » en tant que tel, le médicament, l’antibiotique ne peut plus être que l’« individu ». Ou quelques individus qui forment ce groupe. Il est temps que ces personnes, parce qu’elles sont les seules à jouir d’une liberté certaine, prennent l’initiative. Une initiative politique à l’image de celle de Taëf, et à laquelle viendraient se greffer un credo, un leitmotiv, une nécessaire antienne, multipliée à l’infini : que la guerre est finie ; qu’il faut désormais s’atteler à bâtir quelque chose en commun ; qu’aucune des trois revendications libanaises fondamentales – souveraineté (la clé de toutes les solutions, selon certains ténors de KC), réformes politiques et économiques, et résistance – n’est l’exclusivité d’une quelconque communauté ou d’un quelconque pôle ; que cette troïka de revendications doit être prise désormais comme un tout indivisible ; qu’une politique de limitation des pertes, à l’heure où la Syrie se débat dans une sorte d’impasse, est aujourd’hui indispensable, et que l’islam libanais est en pleine évolution. Cette initiative protéiforme mais d’une cohérence absolue doit être lancée par ces quelques membres de KC à l’adresse de tous leurs interlocuteurs libanais, dont KC lui-même, en commençant par les pôles musulmans. Cela ne devrait pas poser de problèmes, ni avec Rafic Hariri (outre son incessant je-t-aime-moi-non-plus avec les politiques chrétiens, le Premier ministre a fait, depuis sa fameuse déclaration de Ryad, une étonnante et très appréciée tentative de repositionnement souverainiste), ni avec Nabih Berry (dont la bienvenue initiative vieille de trois ans sur le perron de Bkerké, avortée par Damas, n’a pas été oubliée par KC), ni avec le Hezbollah (qui fait depuis des mois des clins d’œil charmeurs à l’adresse de Bkerké, et qui ne dirait pas non, après ses victoires municipales, à une sorte d’adoubement politique de la part de KC, et qui pousserait l’Occident à le considérer d’un autre œil) ni, enfin, avec le seigneur de Moukhtara, qui, pendant près de deux ans, a été sinon le moteur, du moins l’accélérateur de KC. C’est comme cela, et seulement comme cela, grâce à l’action de quelques-uns de ses membres, que le Rassemblement de Kornet Chehwane, agonisant, pourra vivre et se mouvoir de nouveau sur l’échiquier politique libanais. Ziyad MAKHOUL
À la veille de son départ pour le Vatican vendredi dernier, le père spirituel et tutélaire de Kornet Chehwane (KC), le patriarche Sfeir, a lâché nettement que « l’opposition n’a pas perdu les élections » municipales, que « seuls des individus ont été défaits » puisque cette opposition ne s’est pas présentée et n’a pas livré bataille en bloc.
Casuistique juste...