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Actualités - interview

ÉCHÉANCE PRÉSIDENTIELLE - Le député de la Békaa-Ouest est né dans la coexistence et a grandi dans le respect des valeurs Robert Ghanem : Remplacer la culture de l’abandon par celle de la responsabilité, tout en renforçant le dialogue

Homme discret, par nature et aussi à cause sans doute de l’éducation militaire qu’il a reçue, Robert Ghanem n’en est pas moins un homme de convictions et de principes. S’il ne s’adresse pas beaucoup à la presse, il s’exprime toujours avec la même cohérence, et son passé est à son image, égal à lui-même, fidèle à ses idées, sans coups d’éclat, mais sans compromission non plus. Un homme de confiance, en somme. Les électeurs ne s’y sont pas trompés, puisqu’ils l’élisent régulièrement au siège maronite de la Békaa-Ouest depuis 1992. Chrétien des régions mixtes du Liban, Robert Ghanem est le pur produit d’une coexistence qui se veut harmonieuse, et il ne peut concevoir le Liban sans toutes ses composantes. Mais il est aussi conscient des failles dont souffre aujourd’hui l’entente libanaise. Pour lui, l’éducation reste le meilleur moyen de construire un avenir meilleur pour le Liban et les Libanais. Aussi loin qu’il se souvienne, l’armée a toujours occupé une place importante dans la vie de la famille de Robert Ghanem. Son père, Iskandar, devenu plus tard commandant en chef de l’armée, a été longtemps un des rares officiers chrétiens originaires de la Békaa-Ouest. Et grâce à lui, de nombreux jeunes de la région ont été attirés par la carrière militaire. Pourtant Robert a laissé à son frère le choix de s’enrôler dans l’armée. Lui a préféré le droit, qui l’a naturellement entraîné vers la politique. D’autant qu’il a occupé très jeune la fonction de secrétaire au Parlement, pour arrondir ses fins de mois d’universitaire. Il a été ainsi très vite en contact avec les députés et les rouages de la politique, alors que son père lui avait déjà appris, outre l’amour de la patrie, le sens du devoir et le respect des autres, que rendre service quand on le peut est une obligation, non une récompense. En 1968, il participe activement à la campagne électorale de Joseph Iskaff. La famille était avec ce dernier, parce que, explique aujourd’hui Robert Ghanem, il incarnait une certaine image de l’unité nationale, dans le climat trouble de l’époque. Le jeune Robert a d’ailleurs été arrêté pendant 24 heures dans le cadre de cette campagne. Le Liban mérite quelques sacrifices Pendant les années de guerre, Robert Ghanem s’est consacré à son cabinet, devenant notamment l’avocat des quotidiens an-Nahar et L’Orient-Le Jour. Ses clients arabes l’ont toutefois poussé à ouvrir une étude à paris pour mieux s’occuper de leurs affaires. Ce qui lui a permis d’acquérir une expérience internationale importante. Robert Ghanem rentre au pays en 1992, alors que le nouveau découpage électoral a créé un siège maronite pour la Békaa-Ouest. Son entourage lui conseille de se présenter, convaincu que ce siège doit revenir à sa famille. Il hésitait un peu à cause de ses enfants, mais finalement, il s’est dit que le Liban mérite qu’on lui sacrifie quelques efforts, pour arriver à construire un pays où l’on peut vivre décemment. Douze années plus tard, il ne regrette pas ce choix, même s’il a parfois la nostalgie de la vie facile à l’étranger, avec les amis qu’on se choisit et le fait d’être maître de son temps. Le député fait un éphémère passage au gouvernement, au portefeuille de l’Éducation, de mai 1995 à novembre 1996, juste le temps de régler quelques grèves et d’absorber le choc du massacre de Cana (avril 1996). Le ministre Ghanem avait alors ordonné la fermeture des écoles aux élèves pour les ouvrir aux déplacés du Sud. Il avait aussi élaboré un livre d’éducation civique qu’il avait même réussi à faire adopter en Conseil des ministres. Il avait aussi préparé les nouveaux programmes scolaires, qui ont été par la suite adoptés sous le mandat Hraoui. Robert Ghanem n’a jamais adhéré à un parti ou à une quelconque formation, préférant les réunions de coordination informelles entre députés de la région, pour des projets de développement. Et s’il a été membre de la Rencontre consultative, il ne s’est jamais fait beaucoup d’illusions sur son avenir. Mais il était convaincu à un moment donné qu’il fallait un contrepoids politique et parlementaire. Si cet homme discret accepte de s’exprimer aujourd’hui, c’est parce qu’il estime que les Libanais ont le droit de connaître ses idées et sa conception du pouvoir. Si le chef de l’État ne peut constitutionnellement imposer ses idées, il peut orienter les débats au sein du Conseil des ministres. Et c’est dans cette optique que Robert Ghanem expose sa vision de l’avenir. Son projet repose sur quatre axes : une loi électorale « sans favoritisme ajouté », une opération « mains blanches » au sein de la magistrature, une action rapide en économie et une place primordiale à l’éducation et à la formation de la jeunesse. Une loi électorale équilibrée signifie pour Robert Ghanem le droit de vote à 18 ans pour encourager les jeunes à participer à la vie politique, mais aussi l’adoption des petites circonscriptions pour répondre aux exigences de la Constitution qui prévoit l’efficacité de la représentativité. De la sorte, l’électeur pourra suivre celui qu’il a élu et lui demander des comptes sur son action. Enfin, concernant le droit de vote à 18 ans, Il ne craint pas l’opinion des jeunes. « Il faut dialoguer avec eux pour les dégager des slogans dont ils sont prisonniers. Il faut leur parler de l’avenir », précise l’actuel député. « L’opération mains blanches », Robert Ghanem la conçoit comme un renforcement du rôle des magistrats honnêtes et compétents, qui seront placés aux meilleurs postes et qui auront la mission d’insuffler la dynamique du changement au sein du corps judiciaire. Relancer la croissance à tout prix Sur le plan économique, le député estime que la priorité est à la relance de la croissance, en cherchant d’abord à profiter de l’argent placé chez nous, qui dort dans les banques avant de ressortir par le biais de la consommation, sans créer d’emplois ni être investi dans des projets productifs. Tout cela suppose un changement des mentalités aussi bien dans le secteur public que privé. De même, il faut réglementer la main-d’œuvre étrangère qui encaisse au Liban, mais envoie son argent à l’étranger. Il pense évidemment aux Syriens et aux autres travailleurs étrangers. Selon lui, le Liban devrait mettre un quota. Robert Ghanem prévoit aussi la réduction des dépenses et de la consommation ainsi qu’un programme pour recapitaliser les sociétés privées afin de les rendre compétitives, tout en leur permettant de réduire les coûts de production. Il pense aussi à arrêter l’émigration des jeunes, en leur créant des emplois et à revoir la législation sur les impôts, de manière à les réduire sur la production, mais à les augmenter sur les bénéfices. Il faut aussi, selon lui, créer des zones franches et des zones industrielles. Ce ne sont peut-être pas des solutions miracle, mais elles ont le mérite de faire partie d’un plan global. Augmenter les rentrées du budget par rapport aux dépenses, rééchelonner la dette publique et, bien sûr, restructurer l’économie font aussi partie de son projet. Mais la clé de son programme économique repose sur la confiance qu’il est urgent de rétablir entre les Libanais et les pouvoirs publics. Selon lui, les personnes appelées à gérer les dossiers délicats, comme les privatisations, doivent être des hommes jouissant de la confiance du peuple et des instances économiques. Enfin, Robert Ghanem accorde une grande importance à l’éducation et à la jeunesse. Pour lui, il faut absolument moderniser les programmes éducatifs, impliquer les jeunes dans la société civile et renforcer l’éducation civique. Pour lui, beaucoup de jeunes considèrent aujourd’hui le Liban comme un hôtel, « s’il y a une chambre vide, on reste, sinon on s’en va. Il faut remplacer la culture de l’abandon par celle de la responsabilité et renforcer le dialogue ». « Se regarder les uns les autres au lieu de ne voir que son miroir » Au sujet de la relation entre les différentes communautés, Robert Ghanem estime qu’il faut cesser de se mentir. « Nous avons camouflé de nombreuses réalités pendant des années, de part et d’autre, pour ne pas mettre en danger le compromis fondateur. Mais ce n’est pas là le véritable message du Liban. Il doit montrer la coexistence et la tolérance entre les religions, contrairement à ce que prônent les islamistes et certains sionistes. Je souhaite un véritable dialogue où chacun regarderait vers les autres au lieu de se regarder dans son propre miroir. » Il faut donc cesser de vivre côte à côte sans se connaître. Et c’est dans cet esprit que Robert Ghanem avait présenté un projet de loi sur l’éducation religieuse, projet qui dort dans les tiroirs de la Chambre. Avec la Syrie, il prône un partenariat complémentaire qui servirait les intérêts des deux pays. Selon lui, si le Liban est faible, la Syrie l’est aussi et vice versa. Partant de là, il faut chercher à mettre les bases d’une confiance réciproque, en commençant par nous respecter pour que les autres puissent le faire envers nous. Selon lui, une grande partie de la population hostile à la Syrie l’est surtout à l’égard du pouvoir, et par ricochet à la Syrie. C’est par là qu’il faut commencer. Quant à l’autre partie, qui est de toute façon hostile à la Syrie, il faut lui demander si elle peut vivre seulement entre Jounieh et Beyrouth, alors que tous les pays arabes sont à notre portée, à travers le couloir syrien… Reste à établir un dialogue constructif avec les Syriens. Mais il faut aussi modifier le regard que nous leur portons. La Syrie est ainsi un État charnière dans le monde arabe, modéré, qui respecte les religions et qui est actuellement en train de s’ouvrir sur le monde. Il y a sûrement moyen de trouver une entente utile pour les deux pays, dans un climat de respect réciproque. Robert Ghanem rend, au passage, hommage aux positions du patriarcat maronite, qui, selon lui, a toujours fait prévaloir l’intérêt national sur les petites considérations internes. Reste à savoir ce qui le distingue des autres candidats potentiels à la présidence de la République. « Ma crédibilité, répond-il simplement. Mon passé aussi, et mon attachement aux valeurs de la République, à la démocratie et aux droits de l’homme. Ma conviction que le dialogue sincère peut aboutir à un consensus et le fait que je n’ai jamais tenu un discours double. » Scarlett HADDAD
Homme discret, par nature et aussi à cause sans doute de l’éducation militaire qu’il a reçue, Robert Ghanem n’en est pas moins un homme de convictions et de principes. S’il ne s’adresse pas beaucoup à la presse, il s’exprime toujours avec la même cohérence, et son passé est à son image, égal à lui-même, fidèle à ses idées, sans coups d’éclat, mais sans...