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Actualités - OPINION

Une bavure qui traduit un climat politique doublement malsain

Un incident isolé ? Certes, mais les douceurs épicées offertes à Abbas Hachem comme à ses frères reflètent un arrière-plan, une mentalité de pouvoir, qui inquiète fortement l’opposition. Les officiels eux-mêmes éprouvent des appréhensions. Au point que le chef de l’État, garant d’une autorité qui se veut civile, a enjoint des mesures disciplinaires, pour que l’on sache enfin jusqu’où on peut aller trop loin. Tandis que le président de la Chambre, Nabih Berry, éprouvait le besoin de souligner qu’on ne doit pas considérer l’affaire comme découlant d’un conflit entre les deux institutions, le Parlement et l’armée. Un soupçon qui n’aurait effleuré, après un clash qui peut se produire partout, l’esprit de personne s’il n’y avait de sourdes tensions. D’autant que dans un réflexe d’autodéfense compréhensible, mais qui constitue une circonstance aggravante, les premiers rapports remis aux autorités étaient complètement tronqués. C’est ce qu’affirme le député molesté, diffamé selon ses dires, dans ces versions initiales présentées par ses protagonistes en uniforme. Le commandement ne s’en est d’ailleurs pas laissé conter, et l’officier responsable a été mis aux arrêts de rigueur, en attendant les conclusions de l’enquête. Du côté de l’opposition, c’est le tollé. Bien que Hachem soit un indépendant, allié de Boueiz, il est loin d’appartenir au camp dit des loyalistes. On veut donc, à l’Est dont il est l’un des plus précieux représentants (en sa qualité de mahométan) au Parlement, presser le citron contestataire autant que faire se peut. On n’hésite donc pas à aller très loin. Ainsi, l’un des piliers de l’opposition soutient en substance que l’affaire est d’une gravité certaine et ne saurait être considérée comme un simple accident de parcours, aussitôt oublié. Pour cette personnalité, qui s’exprime en réalité au nom d’un groupe compact de pôles, il est évident que les tensions que subit l’élastique local en arrivent presque au point de rupture. Il ajoute que les signaux émis à travers l’incartade du personnel en uniforme sont redoutables. Car ils indiquent, à son sens, que les serviteurs de la loi ne sont plus disposés à s’y soumettre. Surtout pas par animosité politique, les fonctionnaires devant s’en défendre absolument dans l’exercice de leurs tâches. Pour ce politicien, l’on a voulu encore une fois frapper les libertés. Et, surtout, que l’on s’efforce de militariser le système. Cette assertion de l’opposant en question constitue un procès d’intention, une accusation d’autant plus grave qu’elle s’inscrit dans un cadre préélectoral précis, au niveau de la présidentielle. L’intéressé et son groupe ne s’en cachent d’ailleurs pas : à leur avis, le camp des reconductionnistes prépare sa bataille sur tous les fronts, en usant de l’intimidation physique autant que des approches diplomatiques. Pour que les députés sachent bien ce qu’ils ont à faire, le jour (éventuellement) venu. Et pour que d’avance, l’on puisse convaincre les décideurs, dont tout dépend, que l’on contrôle bien la scène. Ces imputations avancées ne sont pas partagées, il faut le relever, par tous les opposants. Dont bon nombre estiment que l’incident Hachem est grave par lui-même, certes, mais ne comporte pas de message politique en relation avec la nature civile ou militaire, du système. Et encore moins en rapport avec la présidentielle. Les officiels, de leur côté, minimisent au maximum (en spécialistes des contradictions) la portée de l’incident que, pour un peu, ils qualifieraient d’ailleurs d’accident. Ils protestent, avec une admirable humilité, contre tout soupçon de plan machiavélique pour mettre au pas la caste politique, les frondeurs en tête. Retour à Berry. Conscient de ses responsabilités corporatistes, il s’est rendu auprès de Hachem, à l’hôpital. Pour réaffirmer que l’on ne saurait tolérer qu’un représentant de la nation, protégé par l’immunité concédée par la Constitution, soit frappé. Le président de la Chambre a cependant répété que l’armée, en tant qu’institution, n’est pas en cause et ne peut être tenue pour responsable de dérapages individuels. Berry a promis de suivre de près les investigations. Et il a prié l’un des membres du bureau de la Chambre, Farid el-Khazen, de veiller à ce que l’enquête du parquet militaire se déroule dans la plus parfaite transparence. Cependant, nombre de députés, se rappelant certain mois d’août houleux qui avait poussé Hariri lui-même à protester avec éclat contre les débordements des services, estiment qu’il est temps d’établir de nouvelles lois sévères, en matière de contrôle républicain de ces organismes armés. Des parlementaires souhaitent également interpeller le gouvernement sur l’épisode Hachem. Philippe ABI-AKL

Un incident isolé ? Certes, mais les douceurs épicées offertes à Abbas Hachem comme à ses frères reflètent un arrière-plan, une mentalité de pouvoir, qui inquiète fortement l’opposition. Les officiels eux-mêmes éprouvent des appréhensions. Au point que le chef de l’État, garant d’une autorité qui se veut civile, a enjoint des mesures disciplinaires, pour que...