Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

SPECTACLE - Avec la Compagnie de danse de Helsinki Sans strass ni tulle, un glamour décapant (Photo)

Helsinki – de Edgar Davidian Dans les froides nuits du pays des mille lacs, un spectacle de danse brûlant! Il fait courir tous les noctambules de Helsinki et les étrangers qui viennent visiter la capitale, perle de la Baltique. Du talent, de l’audace, un moment d’humour ravageur, une expression corporelle inédite. Dehors, la neige qui se tasse en amas glacé et, à l’intérieur, sur une scène nue, balayée par la lumière des spots, qui ressemble vaguement à un terrain de basket, sept danseurs et danseuses court vêtus, pour ne pas dire dévêtus. Chiffre impair (comme le bonheur) qui revient dans le titre-phare comme un rappel dans un théâtre de l’absurde, notion planant d’ailleurs largement, telle une joyeuse ombrelle, sur une vision agitée de la vie, des turbulences (exigences) du corps et des intermittences du cœur. À l’affiche, jouant depuis un petit bout de temps à guichets fermés au Helsingin Kaupunginteatteri Studio Elsa, 777 A Love Story de la Compagnie de danse de Helsinki sous la houlette de Nigel Charnock, qui en signe la chorégraphie (vive et brillante), le texte (délicieux borborygmes doublés de savantes onomatopées), la mise en scène (alerte et enlevée), décor (minimaliste) et les costumes (allant du slip moulant et soutien-gorge agressif, en passant par le froufrou des robes de mariée à traîne). Une histoire d’amour sans couple central, pas plus qu’une vraie histoire, linéaire, comme on pourrait s’y attendre un peu. Spectacle délibérément mais faussement décousu, déluré et délirant où, sur un patchwork de chansons modernes connues (Miles Davis, Elvis Presley, Aretha Franklin, Richard Rodgers) et d’un déchirant extrait de Tristan et Iseut de Richard Wagner, se déploient des images baroques, insolites, parfois caricaturales, d’un romantisme fou et surtout d’une modernité stridente. Un brillant métissage de techniques Danse béjartienne, carlsonienne, boshienne, brave et talentueux métissage des prouesses techniques pour les entrelacs de corps savamment pliés et dépliés, offerts impudemment aux regards curieux d’une expression gestuelle libre qui accorde une part léonine à l’humour. Humour grinçant et libérateur au pays de la tradition du sauna (aisance à exposer en tout sain naturel la nudité), car toutes les normes conventionnelles de la parité homme-femme sont passées au crible et volent littéralement en éclats… L’homme en prend un sacré coup dans son identité masculine mal assumée par toutes les sollicitations (gonflées) du sexe, de la fidélité et de la très sérieuse paternité. La femme est aussi égratignée au passage avec sa (pseudo) fragilité et ses démonstrations d’hystérie, surtout un soir de solitude et d’abandon sur fond de sirupeuse chanson du King, Are You Lonesome Tonight. Désopilante scène de toutes ces femmes se livrant à l’alcool, la pendaison, l’astiquage frénétique du parquet, la compagnie du téléphone (on pense à la voix humaine de Cocteau) avec cigarette tortillée… Les hommes font autrement les frais dans ces scènes impitoyables des rapports entre sexes surtout en arborant, avec boucs et moustaches (!), perruques, yeux grimés, colliers en perles blanches, gants de satin à la Gilda, des robes de mariée. Comiques et hilarants, impressionnants Vikings avec des atouts inattendus pour un troisième sexe qui n’a plus froid aux yeux pour revendiquer droit de cité, en toute civilité, là-bas... Tout en chantant en toute légèreté I Enjoy Being a Girl. De quoi faire pâlir de jalousie toutes les folles de chez Madame Arthur ou Michou. Rentrent à nouveau les femmes sur scène, et c’est le combat sans merci pour la prise du pouvoir. La femme, amazone invincible, reprend ses droits de mère nourricière, d’indiscutable génitrice et d’incomparable amante-épouse. Éros et Thanatos sont omniprésents, explosivement mais sur un tempo sans tragique ni grandiloquence théâtrale. Spectacle foisonnant d’idées, visuellement constamment séduisant, pétillant de vie, grave tout en étant d’une légèreté de bulle de champagne et où l’on rit beaucoup. On rit surtout avec des danseurs qui prennent d’assaut les gradins des spectateurs mis de force à contribution dans le chaudron d’une vie qu’on mime et représente dans sa grande affaire : l’amour. L’amour qui nous fait vibrer et trembler, l’amour dans ses métamorphoses insondables et souvent irrépressibles, incontrôlables. Mais l’amour est aussi un dialogue de sourds… Le langage codé des sourds-muets est le leitmotiv glissé en toute finesse dans les mouvements d’ensemble pour ponctuer la communication avec les spectateurs et lier les tableaux. Gestes simples et touchants pour exprimer le besoin fou, presque désespéré, de l’autre. Sans différenciation de sexe, de voix (voies!). Seuls les sentiments comptent dans cette inévitable solitude où l’homme est plongé depuis qu’il articule son premier cri. Cessez de chercher fébrilement et vous vous trouverez, n’accumulez pas, soyez la dépossession et vous aurez tout. Ne désirez rien et savourez tout. Belle et généreuse leçon d’hédonisme où, tout en étant seuls (danseurs et public, l’un pointant du doigt l’autre), on a le réconfort d’être ensemble. Rupture avec la danse classique, saisissante et habile gymnastique des danseurs rompus à la tâche (plastique impeccable pour les garcons, jambes trop potelées pour certaines filles, mais point commun pour tous: la grâce des visages radieux), ce spectacle entre abstraction, parodie et pratique d’un art brut et simple bouscule violemment les instincts assoupis pour faire décoller la réalité. Un spectacle qui s’adresse autant à l’esprit qu’à l’œil et à l’émotion. Multiples dimensions d’une expression chaleureuse et vivante qui, sans strass ni tulle ou autre artifice de scène, se pare d’un glamour décapant car elle exige, en toute complicité, un renouvellement du regard.
Helsinki – de Edgar Davidian

Dans les froides nuits du pays des mille lacs, un spectacle de danse brûlant! Il fait courir tous les noctambules de Helsinki et les étrangers qui viennent visiter la capitale, perle de la Baltique. Du talent, de l’audace, un moment d’humour ravageur, une expression corporelle inédite. Dehors, la neige qui se tasse en amas glacé et, à...