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Actualités - OPINION

EN DENTS DE SCIE - Dans la solitude des champs de potirons

Cinquantième semaine de 2004. La citrouille (ou le potiron, ou le potimarron...) s’est transformée en un carrosse de rêve pour l’excellente Cendrillon. Mais dès que la féerie est rompue, aux douze coups de minuit, le calèche magnifique redevient une insignifiante courge orange. Le conte de fées vire au cauchemar. La tradition en Ukraine est parfois formidable de fermeté et d’élégance conjuguées. Dans le pays où Catherine II a fondé l’Odessa, filmée par le Potemkine Eisenstein, lorsqu’une fille ne veut pas d’un garçon qui la poursuit de toutes ses assiduités, elle lui offre un potiron. Ou alors des fleurs orange. Ou bien un quelque chose où il y a un ruban, nécessairement orange. Une couleur devenue, là-bas, symbole du « non merci ». Et enfin... la révolution orange. À Kiev, place de l’Indépendance, pendant dix-sept jours, la foule a campé ; peu importait le froid, elle était de plus en plus massive, jour après jour ; elle grondait chaque fois plus haut, plus fort, plus loin. Cette foule, une grosse partie du peuple d’Ukraine, a mis Viktor Iouchtchenko sur un nuage. Désormais, après l’annulation il y a quelques jours par la Cour suprême de l’élection frauduleuse du 21 novembre, le chef de l’opposition ukrainienne a toutes les chances de l’emporter face au Premier ministre Viktor Ianoukovitch, vainqueur déchu du scrutin précédent. Le poids de la rue est phénoménal – même s’il est évident que sans pressions internationales, sans tractations politiques, sans une véritable conjoncture, rien ne se serait fait aussi vite. Le potiron, la couleur orange pour dire non... Combien de potirons faudrait-il aux Libanais s’ils se décidaient enfin à refuser ? S’ils se décidaient enfin à se réveiller, à montrer au monde leur volonté, leur détermination à contribuer à l’évolution de leur pays... Une courge pour dire non à la tutelle syrienne, une courge pour dire non au manque insensé d’amour-propre de la majorité des dirigeants et autres responsables locaux depuis des années, une troisième pour dire non aux violations en tout genre (démocratie, État de droit, libertés...), une autre pour dire non à la corruption, au gaspillage, à l’incivisme, au népotisme, encore une courge pour dire non à tout ce qui fait que le Liban est devenu un pays en perdition, doté d’une caricature d’État, sans nation... Des tonnes de potirons ; une orgie d’orange. Pourtant, ici, il y a un gros avantage : pas besoin d’un homme, d’un Iouchtchenko, pour transformer la résignation en ras-le-bol, catalyser la réaction. Ici, le pouvoir et son tuteur offrent aux Libanais, chaque jour, l’occasion de dire « non merci ». D’adopter le potiron. D’écrire une partie du conte de fées. D’aider au happy end. Ziyad MAKHOUL
Cinquantième semaine de 2004.
La citrouille (ou le potiron, ou le potimarron...) s’est transformée en un carrosse de rêve pour l’excellente Cendrillon. Mais dès que la féerie est rompue, aux douze coups de minuit, le calèche magnifique redevient une insignifiante courge orange. Le conte de fées vire au cauchemar.
La tradition en Ukraine est parfois formidable de fermeté...