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Actualités - OPINION

La troïka new-look prouve la primauté du caractériel sur l’institutionnel

Quand les gens du pouvoir se chamaillaient, on se demandait si la faille résidait dans des textes constitutionnels départageant mal les prérogatives. La réapparition de la troïka sous de nouveaux oripeaux prouve qu’il n’en est rien. Et que le fonctionnement des institutions (en bien ou en mal, c’est là une autre question) dépend de la sympathie ou de l’antipathie entre les présidents. Ainsi à l’animosité caractérisant les rapports Lahoud-Hariri succède l’harmonie Lahoud-Karamé, entente qui s’étend à Berry, pour compléter la troïka. Les textes n’ont finalement rien à y voir. Quand il croyait devoir contrer Hariri, le chef de l’État ne manquait jamais d’assister aux Conseils des ministres, pour en diriger les débats. Il reconnaissait d’ailleurs en privé qu’il n’avait pas confiance, et qu’il craignait qu’en son absence l’on ne fasse passer des projets auxquels il était opposé. Par contre, il laisse volontiers maintenant Karamé présider des Conseils qui prennent des décisions importantes, comme les nominations. L’ordre du jour ne constitue plus un sujet hebdomadaire de frictions. On ne met plus des bâtons dans les roues du gouvernement. On ne gèle plus le pourvoi des postes-clés vacants. On ne trahit plus, par obstruction intérieure, les engagements pris à Paris II, au prix de la ruine du pays. Tout roule comme sur des roulettes, dorénavant. Et le copartage bat son plein plus que jamais. En s’agrémentant d’une bonne dose de vindicte politique manifeste : on place non seulement ses proches mais aussi, ou surtout, les adversaires reconnus de Hariri, de Joumblatt ou d’autres personnalités peu appréciées par le pouvoir rénové. Force est de constater que si le tableau avait été aussi idyllique sous le précédent gouvernement, le Liban ne serait pas, financièrement et économiquement, dans une ornière aussi profonde. Cependant il y a des choses qui restent inchangées. Certains ministres parachutés, imposés, dans le précédent gouvernement dégageaient de forts relents de corruption et de scandales. Quelques nouveaux semblent également suspects et n’ont pas bonne réputation sur le marché, comme on dit. Mais on entoure tout cela d’un voile pudique de discrétion. On n’insiste plus, comme on le faisait avant pour mettre Hariri mal à l’aise, sur les dessous de table, les pots-de-vin, la gabegie, le gaspillage. Brusquement, le Conseil du développement et de la reconstruction, que l’on désignait comme la bête noire parce qu’il était lié à Hariri, devient une blanche brebis parée de toutes les vertus. Car on l’a placé sous la coupe des bons. Et plus personne n’en réclame la suppression. La même chose pour la Caisse des déplacés, arrachée à Joumblatt. Tandis que le Conseil du Sud, cette béquille berryiste, est plus protégé que jamais. Reste le slogan sempiternel et creux, repris depuis des dizaines d’années par tous les gouvernements, de la réforme administrative. On ne cesse de l’entonner, en se croisant les bras. Alors qu’il suffirait pour l’entamer de s’appuyer sur les rapports de la Cour des comptes, de la Fonction publique, de l’Inspection centrale. Il suffirait, aussi, de commencer à appliquer la loi aux contrevenants et aux voleurs. Comme le notent des observateurs, le changement enregistré se situe uniquement au niveau des rapports entre les dirigeants. Le pouvoir avance donc d’un pas qui n’est pas réglé par les textes. Et qui, dès lors, peut chanceler à tout moment. On peut se demander, en effet, si les responsables vont toujours s’entendre quand on abordera les élections législatives. Avec tous les intérêts distincts, sinon contradictoires, que cette échéance met en jeu. Émile KHOURY
Quand les gens du pouvoir se chamaillaient, on se demandait si la faille résidait dans des textes constitutionnels départageant mal les prérogatives. La réapparition de la troïka sous de nouveaux oripeaux prouve qu’il n’en est rien. Et que le fonctionnement des institutions (en bien ou en mal, c’est là une autre question) dépend de la sympathie ou de l’antipathie entre...