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Actualités - OPINION

En javanais dans le texte

Quelle république pour les trois ans à venir ? Un Liban que l’on s’acharne à dénaturer de l’intérieur dans le même temps qu’on le livre froidement à l’opprobre international, serait-ce donc là le programme du pouvoir pour le demi-mandat supplémentaire octroyé au président Lahoud par la Syrie ? Nul, c’est vrai, n’en attendait des miracles ; c’est néanmoins sous des auspices particulièrement défavorables que vient d’être entamée cette tumultueuse rallonge. Aujourd’hui plus qu’hier, l’État des institutions que l’on nous avait solennellement promis, certain jour de 1998, est une chimère. L’État reste invariablement cette vache à lait qu’il convient de traire jusqu’à la dernière goutte. Le clientélisme y est toujours roi, et on est loin d’avoir perdu le sens de la famille. Même pour se ravitailler en médicaments, le ministère de la Santé vient de s’en tenir à la bonne vieille formule des marchés de gré à gré, ce qui n’est certes pas d’une rigoureuse hygiène financière. Et en matière de nominations, sinécures et autres prébendes, c’est toujours donnant, donnant, car cela rend tout le monde content : ainsi aura-t-on vu le frère de Berry et le beau-frère de Karamé bénéficier de concert, en toute équité, de la même et magique ascension qui les a catapultés vers les hauteurs du CDR. Cela dit, comment parler d’équité et de justice sans décerner une mention toute particulière au ministre titulaire qui, de la balance, paraît priser surtout le fléau ? Magistrat de carrière, ancien, futur (et actuel ?) procureur général de la République, M. Addoum est, comme tout le monde sait, un homme qui aime prendre son temps : preuve en est que cinq ans après, on reste sans nouvelles des assassins de quatre juges mitraillés en plein tribunal à Saïda. Et c’est deux malheureux mois seulement après l’attentat à la voiture piégée qui a failli l’emporter – et dont il souffre encore des séquelles sur son lit d’hôpital – qu’un Marwan Hamadé a l’outrecuidance de s’impatienter devant les lenteurs de l’enquête, comme d’en relever les suspectes anomalies ! Dès lors, et comme M. Addoum est aussi un homme qui ne badine pas avec la loi, c’est la victime même de cette lâche et criminelle agression qu’il en vient à menacer aujourd’hui de ses foudres. À quelles choquantes dérives, à quels délires peut encore mener la hargne officielle qui poursuit Walid Joumblatt et ses compagnons ? On sait quel énorme élan de sympathie libanaise – mais aussi de sollicitude internationale – pour Hamadé auront suscité, sans évidemment le vouloir, ceux qui ont voulu l’éliminer. Et ce vaste crédit que le monde reconnaît, bien volontiers désormais, aux tenants d’un Liban véritablement souverain et indépendant est illustré par les égards exceptionnels dont Jacques Chirac a entouré le leader des druzes, hier au palais de l’Élysée. L’Élysée, on le sait, est un mot qu’il ne faut pas répéter deux fois devant le président Lahoud. Mais était-ce une raison suffisante pour confondre francophonie et francophobie et porter le chef de l’État à se faire porter absent au récent sommet de Ouagadougou : cela à un moment où le pays a le plus grand besoin d’affirmer sa pluralité culturelle, comme de cultiver ses amitiés avec les pays d’émigration qui n’ont commis d’autre péché que d’avoir en commun l’usage du français ? Il n’y va pas seulement toutefois de la diversité du Liban, mais de son essence même. Un État orchestrant lui-même une manifestation, comme c’était le cas mardi, c’est déjà assez loufoque comme cela. Plus loufoque encore quand ladite démonstration tourne à l’acte d’allégeance à un autre État, serait-il allié, et qu’elle donne lieu ainsi à une franche remise en cause du Pacte national de 1943. Par cet accord tacite, les pères fondateurs du Liban, chrétiens et musulmans, s’engageaient à vivre côte à côte au sein d’une même entité souveraine et indépendante : les premiers renonçant à la protection de la puissance mandataire, la France, et les autres au rattachement à la Syrie, d’où la géniale et célébrissime formule de Georges Naccache : « Un État n’est pas la somme de deux impuissances, et deux négations ne feront jamais une nation. » La Constitution issue de l’accord de Taëf s’est dûment chargée d’énoncer, noir sur blanc, ce qui était non écrit : le Liban, y est-il précisé en préambule, est un pays souverain, libre et indépendant, d’identité et d’appartenance arabes et une patrie définitive pour tous ses fils. Tout pouvoir qui viole le pacte de coexistence devient illégitime, peut-on lire aussi dans le texte. C’est dit en bon arabe, c’est clair, c’est net, la sentence est sans appel. Mais que peut entendre finalement à la Constitution un État si peu normalement constitué ? Issa GORAIEB
Quelle république pour les trois ans à venir ? Un Liban que l’on s’acharne à dénaturer de l’intérieur dans le même temps qu’on le livre froidement à l’opprobre international, serait-ce donc là le programme du pouvoir pour le demi-mandat supplémentaire octroyé au président Lahoud par la Syrie ?
Nul, c’est vrai, n’en attendait des miracles ; c’est néanmoins...