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Actualités - OPINION

Le recours de l’État à la rue sévèrement critiqué

Les professionnels de la politique se disent plus étonnés qu’impressionnés par la manifestation dite du million. Ils se demandent en effet si des mouvements pareils peuvent faire chuter la 1559. Et surtout, s’ils servent la cause d’une unité nationale bien comprise. Une autre question vient aussi à l’esprit : est-ce que de telles démonstrations peuvent vraiment protéger des systèmes, ici ou ailleurs, visiblement menacés d’effondrement ? Les réponses sont, évidemment, dans les interrogations elles-mêmes. Les pôles cités notent que si des manifestations devaient suffire à gommer les résolutions internationales, aucune d’entre elles n’aurait subsisté. Et aucun régime oppressif dans le monde n’aurait pu être ébranlé, une fois qu’il aurait organisé des mouvements de rue en sa faveur. Comme Ceaucescu l’avait fait, trois jours avant de tomber de son trône de dictateur ! Pour ces professionnels, le risque pris était aussi inutile que dangereux. À leur avis, il aurait beaucoup mieux valu faire paraître un manifeste, que la plupart des opposants auraient volontiers cosigné avec les loyalistes, refusant la 1559. Les institutions officielles, le Conseil des ministres et la Chambre auraient pu également publier un texte expliquant pourquoi le verdict du Conseil de sécurité est abusif dans sa forme. Et l’État aurait pu ainsi traiter dans le calme, d’une manière civilisée, loin de tout esprit de défi ou de provocation puérile, avec la légalité internationale. Sans descendre dans la rue, comme pour prouver sa représentativité, contestée par l’opposition. Ces mêmes hommes politiques remarquent qu’entre autres exemples, c’est par des manœuvres, diplomatiques ou autres, qu’Israël réussit à contourner les résolutions de la légalité internationale. Non par des manifestations qui, en réalité, desserviraient ses objectifs et obligeraient les USA à se démarquer de lui. De même, répètent-ils, si la mobilisation de la rue par un régime pouvait le protéger, Saddam Hussein n’aurait pas été écarté. Parallèlement, même la majorité parlementaire, quand elle est préfabriquée, ne peut suffire face à la grogne populaire. Ainsi, en 1952, le régime de Béchara el-Khoury, qui disposait de 55 députés, n’avait rien pu faire contre les sept parlementaires qui dirigeaient la révolution blanche. De même, la minorité opposante avait fait avorter le projet de reconduction du mandat Chéhab, parce qu’elle représentait mieux la volonté des Libanais. Dans son message à la nation pour l’Indépendance, le président Lahoud a souligné que l’opposition est un droit, comme le loyalisme l’est aussi. Ajoutant que chacun peut voir à sa façon comment l’intérêt du Liban doit être défendu. Il a souligné qu’en démocratie ni les loyalistes ni les opposants ne sont autorisés à imposer leurs vues par la contrainte, qu’ils doivent tenter dès lors de prévaloir à travers les institutions légales et constitutionnelles en usant uniquement de moyens légaux. Toute autre voie constituant, selon le chef de l’État, une transgression de la légalité et de la loi, qui reviendrait à jouer avec le feu en ce qui concerne la stabilité. Or ces propos responsables du président de la République contredisent l’appel à la manifestation et la mobilisation massive des foules. La rue se substitue aux institutions légales et constitutionnelles invoquées par le chef de l’État. De plus, si le recours à la rue peut sembler légitime c’est quand il est le fait d’une opposition souhaitant montrer sa popularité pour mieux faire entendre sa voix. Il ne faut pas oublier, surtout, que le Liban se fonde sur un principe consensuel non numérique. Et qu’il ne peut se gouverner en base d’une équation de vainqueur et de vaincu. Le pluralisme est sa marque même de naissance et d’existence. Le règne de la majorité numérique est rejeté dans le pacte national de Taëf comme dans l’esprit et la lettre de la Constitution qui en est issue. Le Liban disparaîtrait du jour au lendemain si la majorité décidait d’en céder définitivement la souveraineté et le principe d’indépendance. Émile KHOURY

Les professionnels de la politique se disent plus étonnés qu’impressionnés par la manifestation dite du million. Ils se demandent en effet si des mouvements pareils peuvent faire chuter la 1559. Et surtout, s’ils servent la cause d’une unité nationale bien comprise. Une autre question vient aussi à l’esprit : est-ce que de telles démonstrations peuvent vraiment...