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Actualités - ANALYSE

ÉCLaIRAGE Un rapport rendu public moins de 24 heures après la manifestation du « million » Un responsable israélien favorable au maintien de l’armée syrienne au Liban

Le directeur du Conseil national de sécurité israélien, Giora Eiland, rattaché au Premier ministre, a estimé dans un rapport secret qu’il était de l’intérêt d’Israël que l’armée syrienne reste déployée au Liban, a indiqué hier la radio militaire israélienne, reprise par l’AFP. Que faut-il comprendre, que faut-il commencer à en déduire, maintenant que de hauts responsables israéliens, même s’ils ne sont pas pour l’instant soutenus par leur hiérarchie, ont visiblement décidé d’épouser les thèses loyalistes libanaises, d’appeler de leurs vœux la présence ad vitam aeternam des forces armées syriennes sur le territoire libanais, et d’inciter la Syrie à fouler aux pieds la résolution 1559 de l’Onu, initiée pourtant par un tandem franco-US réconcilié sur et par la souveraineté libanaise ? La nouvelle est tombée, comme par hasard, hier, quelque vingt-quatre heures à peine après la manifestation du « million » organisée avec l’insuccès que l’on sait par l’État (le nombre de personnes rameutés par les autorités a oscillé entre 100 et 120 000) en refus de la résolution 1559, et qui a très vite fait de se transformer en un véritable acte d’allégeance à la Syrie. Et dans le rapport remis au Premier ministre israélien Ariel Sharon, le général de réserve Eiland estime que le retrait des troupes syriennes pourrait provoquer « une déstabilisation générale au Liban et permettre au Hezbollah d’avoir les mains libres, notamment à la frontière avec Israël ». Giora Eiland a également mis en garde dans son rapport contre le danger, en cas de retrait syrien du Liban, d’un « réchauffement du front sur le plateau du Golan », une région conquise par Israël sur la Syrie en 1967, puis annexée. Toujours selon la radio, cette analyse du Conseil national de sécurité, un organisme consultatif sur les questions stratégiques, qui va à l’encontre de la position officielle israélienne, est partagée par de « hauts responsables » de l’armée, ainsi que du ministère des Affaires étrangères. La radio a toutefois précisé que le bureau d’Ariel Sharon avait affirmé que la position exposée par Giora Eiland ne reflétait pas celle du Premier ministre. Le retrait des troupes syriennes du Liban constitue jusqu’à présent une des conditions posées par le chef du gouvernement israélien à une éventuelle relance des négociations avec la Syrie, gelées depuis près de cinq ans. « Le Liban n’a que deux choix : être dans le camp de la Syrie ou dans celui d’Israël », avait scandé mardi, place des Martyrs de l’indépendance, le n° 2 du Hezbollah, Naïm Kassem. Le rapport Eiland vient – ou revient, puisque cette orientation israélienne n’a rien de nouveau – bouleverser l’équation du parti de Dieu reprise par tous les prosyriens (que faire lorsque les deux camps sont d’accord sur un point primordial ?) et bouleverser les acquis (que vont devenir les accusations de traîtrise au profit d’Israël lancées en deux temps trois mouvements contre l’opposition libanaise et ses leaders ?). Élie Ferzli et Samir Frangié Pourquoi ce timing ? Un des piliers de cette opposition, membre de Kornet Chehwane, Samir Frangié, rappelle justement que ce rapport révélé hier correspond à une position israélienne très ancienne qui remonte au début de la guerre libanaise et qui a deux objectifs : « Maintenir la Syrie dans le bourbier libanais – surtout dans les années qui ont précédé la conférence de Madrid – et bloquer toute visée agressive active contre Israël ; empêcher le Liban de recouvrer sa vitalité et sa force, continuer à discréditer le modèle convivial, pluraliste et ouvert que les Libanais avaient mis sur pied et que les Israéliens ont toujours rejeté s’agissant de leur avenir avec les Palestiniens. » Pour Samir Frangié, le modèle libanais a été réhabilité après l’expérience irakienne, et ce modèle « gêne profondément les Israéliens ». Lesquels ne se privent absolument pas, en parallèle, selon lui, « de provoquer les Syriens – comme si la Syrie n’est là que pour protéger la frontière nord de l’État hébreu –, de les affaiblir et les enfoncer par rapport à l’opinion publique locale, régionale et internationale ». Parce que, à supposer que le fond du rapport Eiland soit vrai, « le rendre public de cette manière et pour la première fois lui porte un sérieux préjudice ». Quant au ministre de l’Information, Élie Ferzli, il a estimé, également interrogé par L’Orient-Le Jour, que « logiquement, ce rapport est dans le vrai et corespond tout à fait à la réalité : la stabilité au Liban-Sud est née de l’accord d’avril 1996 dont la véritable garantie est la Syrie ». Pour lui, un éventuel retrait syrien serait le « résultat d’un putsch contre cet accord d’avril, parrainé par la France, les États-Unis et l’Onu, et entraînerait le désordre, la précarité et le non-contrôle de la situation au sud ». On ne peut pas faire confiance au Hezbollah ? « À supposer que l’on puisse le faire, qui empêchera les Palestiniens de vouloir aider leurs familles massacrées à partir du Liban ? Mais la question n’est pas là : je ne fais confiance qu’à une seule partie, la Syrie. Ce n’est pas parce que je ne veux pas l’indépendance ou la souveraineté du Liban, c’est parce que, en l’absence d’un règlement politique dans la région, le statu quo est uniquement assuré par la Syrie », a souligné Élie Ferzli. Pour lequel même Ariel Sharon doit partager, intrinsèquement, les points de vue avancés par le rapport Eiland. Quant au Hezbollah, également sollicité par L’Orient-Le Jour, il s’est refusé, par la voix de son responsable de la presse, Mohammed Afif, à toute sorte de commentaire. On serait déstabilisé à bien moins. Ziyad MAKHOUL


Le directeur du Conseil national de sécurité israélien, Giora Eiland, rattaché au Premier ministre, a estimé dans un rapport secret qu’il était de l’intérêt d’Israël que l’armée syrienne reste déployée au Liban, a indiqué hier la radio militaire israélienne, reprise par l’AFP.
Que faut-il comprendre, que faut-il commencer à en déduire, maintenant que de...