Ce qu’ils en pensent LA MANIF ANTI-1559

Ils sont venus de toutes les régions, dans des bus souvent bringuebalants et avec des allures assez folkloriques, pour participer à la grande manifestation dirigée contre la résolution 1559 du Conseil de sécurité. Le but : montrer que la grande majorité du peuple libanais est hostile à cette résolution. Le message a-t-il été reçu ? Nous avons demandé au Dr Marwan Farès, président de la commission parlementaire des Droits de l’homme et membre du PSNS ce qu’il en pense. Marwan Farès, président de la commission parlementaire des Droits de l’homme Q : Qu’avez-vous à dire à ceux qui accusent les manifestants d’être manipulés par « remote control » ? R : « Si le « remote control » peut manipuler un million de personnes, c’est qu’il est très sophistiqué... Franchement, pensez-vous que tant de gens peuvent descendre dans la rue pour autre chose que leurs convictions ? Ceux qui parlent de « remote control » insultent la véritable volonté populaire et leurs propos sont un indice de faiblesse. La manifestation a montré que le peuple libanais est formé de forces politiques et de formations populaires qui ont voulu exprimer leur opinion. » Q : Justement, est-ce vraiment leur opinion ? On dit que les municipalités ont été contraintes de participer à la manif. R : « Selon vous, les élections municipales ont été l’expression de la volonté populaire, oui ou non ? Je ne me souviens d’ailleurs pas d’avoir entendu des critiques sur ces élections. Le peuple a choisi pendant les municipales et il est normal que les municipalités élues se mobilisent pour défendre les options et les opinions de ceux qu’elles représentent. Cette manif a montré que la grande majorité du peuple libanais était hostile à la résolution 1559 et à l’interventionnisme américain sur la scène libanaise. La majorité du peuple libanais est avec la Syrie et ce n’est pas parce qu’un groupe qui se fait appeler opposition dit le contraire que c’est vrai. » Q : Mais cette manif n’est-elle pas un moyen d’imposer l’opinion d’une partie des Libanais aux autres ? R : « Je ne comprends pas la logique de cette question. Le droit de s’exprimer est un droit sacré dont tous les Libanais doivent bénéficier et il est au cœur du système démocratique. Lorsque ceux qui se disent dans l’opposition veulent en user, c’est bon. Mais lorsqu’il s’agit de nous, cela devient une volonté d’imposer son opinion ? De toute façon, attendons demain le verdict des urnes et on verra ce que pensent vraiment les Libanais. » Q : N’avez-vous pas le sentiment que le pays est divisé et que l’espace de dialogue se réduit de plus en plus ? R : « Non, pas vraiment. Les manifestants ont brandi des drapeaux libanais et les Libanais de toutes les régions et de toutes les confessions sont descendus dans la rue. D’ailleurs tout le monde avait été invité à participer à la manif, et même ceux qui ne sont pas venus sont hostiles à la 1559, comme Walid Joumblatt... » Élie Wakim, étudiant en sciences informatiques Q : Que pensez-vous de l’ampleur du nombre des participants à la manifestation ? R : « Je trouve ce spectacle pathétique. Des vieux, des enfants, des personnes qui ne savent pas ce qui se passe, obligés de venir parce qu’on leur en a donné l’ordre. Cela me fait beaucoup de peine. J’espère qu’un jour viendra où tous les Libanais ne seront plus humiliés de la sorte et qu’ils descendront dans la rue parce qu’ils en sont vraiment convaincus. » Q : Mais il y a bien une partie des Libanais avec la Syrie et contre la 1559 ? R : « Honnêtement, je ne crois pas que le nombre des manifestants reflète réellement celui des prosyriens. Il faut en finir avec cette fraude de la volonté populaire et ce détournement des procédés démocratiques. D’ailleurs, je ne crois pas qu’il existe encore des dupes. Tout le monde voit clair dans le jeu des prosyriens et nul ne peut croire que c’est vraiment par conviction que les gens sont descendus dans les rues. » Q : Pensez-vous que le pays est divisé et que l’espace de dialogue se rétrécit ? R : « Je pense que c’est une fausse division. Les Libanais aspirent tous à l’indépendance et à la libre décision. Certains peuvent le dire, d’autres non. J’espère que ces divergences artificielles cesseront rapidement... » Scarlett HADDAD