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Actualités - CHRONOLOGIE

« L’Amérique est le grand Satan », scande la foule arborant le drapeau du Liban et les portraits des présidents libanais et syrien Une marée humaine déferle sur la place des Martyrs pour la manifestation du « million » (Photo)

«L’Amérique est le grand Satan » et les « Américains sont les ennemis de Dieu ». Tels étaient quelques-uns des slogans scandés hier à pleins poumons par une immense foule rassemblée au centre-ville, place des Martyrs, pour célébrer « l’unité des destins » libanais et syrien et pour rejeter comme un seul homme – devant les médias – l’article 1559 du Conseil de sécurité des Nations unies. Quatre chiffres que l’on a vus – sur les écriteaux des manifestants – sous une variété de formes, aux couleurs de la bannière étoilée ou affublés d’une croix rouge ou encore d’une croix gammée. Jusqu’à hier en soirée, l’on ne parvenait pas à compter les participants à la manifestation du « million », le chiffre le plus avancé par des experts militaires étant de 100 000 à 120 000, les organisateurs, eux, parlant de 500 000 personnes. N’empêche que c’est une foule impressionnante qui s’est mobilisée dans quatre points de rassemblement à Beyrouth : le musée, le rond-point de Tayyouné, ainsi que les secteurs de Kaskas et Cola pour converger, à partir de Barbir, vers la rue de Damas et la place des Martyrs, où un meeting oratoire a eu lieu vers 16h. Dès 11h30, dans un Beyrouth presque désert, les premiers manifestants, venus notamment de la Békaa, ont commencé à affluer vers la capitale. Premier convoi : deux portraits géants des présidents libanais et syrien montés sur deux camionnettes, des bus de toutes les dimensions, des voitures, des jeeps appartenant aux municipalités et même des ambulances. Bref, des véhicules pleins à craquer, des klaxons, des sirènes et des haut-parleurs qui diffusent des chants partisans. La cacophonie. Deuxième convoi : venus de la banlieue sud, des hommes et des femmes à pied surtout et cinq camionnettes surmontées de haut-parleurs qui crachotent des hymnes du Hezbollah, et une caricature de l’ambassadeur américain Jeffrey Feltman affublé d’une étoile de David et portant l’inscription : « Feltman go home. » Les manifestants sont venus de toutes les régions du Liban, de la Békaa en grande partie, mais aussi de la banlieue sud, du Liban-Sud, du Akkar, de quelques camps palestiniens de la capitale et de Damas. Aïman par exemple est damascène. Il a pris le bus de la capitale syrienne le matin pour venir à Beyrouth « soutenir le président Assad », dit-il, précisant qu’ils étaient une cinquantaine à prendre le véhicule. Aïman, qui a été mis au courant du rassemblement par « le biais des médias libanais », indique qu’il a tenu à participer à la manifestation « pour le sang des soldats syriens versé au Liban au cours de la guerre ». Aïman n’était certes pas le seul Syrien à prendre part à la manifestation. Il y avait beaucoup d’ouvriers. Hussein, Mohammed et Ala’ sont originaires d’Alep, de Homs et d’autres régions syriennes. Brandissant les portraits du président Bachar el-Assad, ils affirment travailler dans un chantier à Jbeil et « qu’ils aimeraient participer, tous les jours, à un tel événement ». Pourquoi ? « Nous avons touché notre paie et davantage pour venir à Beyrouth et passer une journée loin du chantier, n’est-ce pas rentable ? » explique Ala’, qui est vite invité au silence par un Libanais qui l’encadre. En effet, beaucoup de personnes avaient pour tâche hier d’encadrer les manifestants, notamment les présidents des conseils municipaux et les représentants de ligues populaires et agricoles qui citaient à la presse leur nom, celui de leur village et celui du député auquel ils prêtent allégeance. Certains responsables de groupes s’appliquaient à achever les phrases des manifestants des localités éloignées de Beyrouth. C’était le cas par exemple de ceux qui avaient accompagné un impressionnant groupe venu des villages de Bar Élias, Marj (le village de Ziad Jarrah) et Majdel Anjar (le village d’Ismaël Khatib), réputés pour être des localités fondamentalistes. Alors que les manifestants disaient spontanément qu’ils étaient venus à Beyrouth pour prendre position contre « l’impérialisme américain « et « l’occupation de l’Irak et de la Palestine », leurs accompagnateurs ajoutaient « et pour soutenir l’unité du destin entre le Liban et la Syrie ». Les tribus de la Békaa Les tribus arabes de la Békaa sont aussi venues en masse à la manifestation du « million ». Portant la keffieh traditionnelle des Bédouins, Séoud parle au nom de cheikh Rached el-Askar, chef de la tribu Abou Eid, qui avait organisé, peu avant la reconduction du mandat du président Émile Lahoud, une réception sous les tentes et dans la plaine, en l’honneur de Rustom Ghazalé, chef des services de renseignements syriens au Liban. « La moitié du Parlement s’était rendue à cette occasion dans notre village de Hoch el-Harim », rappelle-t-il pas peu fier. Content d’être à Beyrouth pour « contester la résolution américaine », il cite le nom d’autres tribus présentes hier dans la capitale « les Oueich, Harrouk, Chékif et Mawali ». 14 heures : les groupes de manifestants venus de toutes les régions du pays se préparent pour se diriger vers la place des Martyrs. C’est une marée humaine qui déferle, en l’espace d’une quinzaine de minutes, rue de Damas. Une délégation des Ahbach, avec une camionnette munie de haut-parleurs, est en tête de la manifestation. Elle est suivie de partisans du mouvement Amal, des Mourabitoun, du PSNS, du Baas syrien au Liban, et d’autres courants, ligues, fédérations, syndicats, clubs et divers rassemblements appartenant au « courant national ». Des dignitaires musulmans font également partie du cortège. Des centaines de banderoles soutenant les présidents Lahoud et Assad ainsi que les relations privilégiées entre le Liban et la Syrie flottent au-dessus de la foule qui brandit les portraits des deux chefs d’État et les drapeaux du Liban et qui scande, selon son appartenance, qu’elle « donnera son âme et son sang » à Bachar el-Assad, Émile Lahoud, Nabih Berry ou encore Yasser Arafat. Des haut-parleurs crachotent de partout des chants partisans. Deux hélicoptères de l’armée libanaise filment la manifestation retransmise en direct par Télé-Liban. Puis c’est au tour du Hezbollah, dont les partisans, venus majoritairement de la banlieue sud, formaient presque la moitié des manifestants, d’arriver à la rue de Damas. Comme les autres partis participant à l’événement d’hier, le mouvement intégriste a choisi de porter uniquement le drapeau libanais. Pour ses banderoles mettant à bas l’Amérique, un fond jaune a été choisi. Les partisans du Hezbollah ont également brandi les portraits de l’ambassadeur des États-Unis à Beyrouth affublés de l’inscription » Grande gueule, ferme-la ». « À mort l’Amérique, à mort Israël. Ô Syriens ! restez avec nous pour anéantir les sionistes, la résistance libanaise est légitime », scandaient les hommes du mouvement intégriste, en arrivant place des Martyrs. Ils sont suivis des femmes du parti. Toutes voilées, la moitié arborant des tchadors noirs, et certaines serrant des nourrissons et des enfants en bas âge dans leurs bras. Elles aussi contestent, à pleins poumons, la résolution 1559 et appellent à l’unité du destin avec la Syrie. Place des Canons, 16 heures. Une tribune a été dressée non loin de la statue des martyrs de l’indépendance. Des représentants des partis qui ont pris part à la manifestation ainsi qu’une délégation officielle des Kataëb, cinq ministres et 28 députés sont là. On chante les deux hymnes nationaux libanais et syrien. Plusieurs orateurs prennent la parole. Nasser Kandil, député de Beyrouth, déclare que la place des Martyrs devrait être désormais baptisée « la place de l’allégeance à la Syrie ». L’événement s’achève, on plie les banderoles, on range les haut-parleurs et on démonte la tribune. Et la foule tourne le dos au monument qui a résisté durant 17 ans de guerre à la destruction du centre-ville de Beyrouth et qui est le symbole du sang versé pour l’indépendance du Liban depuis l’Empire ottoman… Patricia KHODER
«L’Amérique est le grand Satan » et les « Américains sont les ennemis de Dieu ». Tels étaient quelques-uns des slogans scandés hier à pleins poumons par une immense foule rassemblée au centre-ville, place des Martyrs, pour célébrer « l’unité des destins » libanais et syrien et pour rejeter comme un seul homme – devant les médias – l’article 1559 du Conseil de...