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Actualités - OPINION

Spécial - Le Figaro Poutine lié par son soutien personnel à Ianoukovitch Le piège ukrainien se referme sur le Kremlin

MOSCOU, de Patrick de SAINT-EXUPÉRY Le piège ukrainien, dans lequel a plongé Vladimir Poutine, s’est refermé sur le Kremlin. Et le président russe a beau se débattre au milieu du gué, il peine à sortir la tête de l’eau. Lié par son engagement personnel dans la campagne et par sa reconnaissance officielle de la victoire jugée « transparente » de Viktor Ianoukovitch, Premier ministre prorusse de l’Ukraine, Vladimir Poutine ne peut envisager de se dédire. Outre un aveu de faiblesse, ce serait admettre là une erreur. Habitué à imposer ses vues à une Russie domptée à coup d’oukases, le Kremlin n’y est pas prêt. Sur fond d’autisme, Moscou poursuit donc sa fuite en avant. Et multiplie les mises en accusation de l’Ouest, clairement désigné comme maître conspirateur. Généralement modéré, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, n’a pas hésité à s’en prendre hier à « certaines capitales » qui, en Europe, « voudraient beaucoup tracer de nouvelles lignes de partage ». La veille, le président de la commission des Affaires étrangères à la Douma avait été encore plus clair. Selon Konstantin Kossatchev, les pays européens et les États-Unis soutiendraient de longue date dans l’ancien Empire soviétique « des candidats pro-occidentaux et donc antirusses ». Moscou multiplie les mises en accusation de l’Ouest, désigné comme maître conspirateur Proche du Kremlin, le politologue Sergueï Markov conspue, lui, l’opposition ukrainienne qualifiée « d’antisémite » et voit en elle l’instrument d’un complot mis en œuvre par la Pologne afin de brider l’influence de la France et de l’Allemagne, deux pays souvent favorables à Moscou. D’une voix grinçante, il avertit : « La Russie ne peut admettre que l’Europe lui vole l’Ukraine. » Cette fermeté « qui peut impressionner » ne doit pas être surestimée. La rudesse du ton affiché par nombre de responsables est, en effet, destinée à masquer la faiblesse de la position de Moscou, capitale qui n’a rallié à elle sur le dossier ukrainien que la Biélorussie, l’Ouzbékistan, le Kirghizstan et la Chine. L’ancienne puissance impériale n’aurait de plus pas les moyens militaires de ses ambitions politiques. Interrogé sur un éventuel déploiement de troupes spéciales russes en Ukraine, déploiement qu’aurait constaté l’opposition ukrainienne, le ministre de la Défense, Sergueï Ivanov, s’est borné à affirmer lors d’une conférence de presse qu’il ne s’agissait là que de « galimatias ». Journaliste spécialisé dans les questions de défense, Pavel Falgenhauer ne croit guère à cette possibilité : « Même si cela était vrai, affirme-t-il au Figaro, ces troupes ne pourraient rien faire. Nos spetsnaz sont maigres, affamés et mal habillés. Ils gèleraient tandis que les Ukrainiens leur donneraient à manger. » Une analyse confortée par un autre spécialiste des questions militaires, Alexandre Goltsd : « Notre situation internationale, dit-il, n’est pas brillante. Une telle forme d’intervention, ce serait trop pour le pouvoir russe, même avec toutes les bêtises qu’ils font. » Engoncées dans leur rhétorique, les autorités russes sont, en fait, inquiètes. Elles sentent bien que la situation leur échappe. Mais plus elles essayent de la rattraper, plus les ponts risquent de se couper avec l’Europe et les États-Unis. Écartelé, Moscou est confus. Le recul de l’influence russe est réel, relève dans une tribune l’ancien ministre des Affaires étrangères, Andreï Kozyrev. Voilà dix ans, la ligne de clivage avec l’Occident passait par la Hongrie et la Pologne, puis par la Yougoslavie et aujourd’hui par l’Ukraine. À chaque fois, note l’ancien ministre, la Russie s’est placée dans la position d’une « citadelle assiégée », ce qui n’a profité qu’à « la partie la plus corrompue de notre bureaucratie et aux cercles les plus réactionnaires de notre establishment politique ».
MOSCOU, de Patrick de SAINT-EXUPÉRY

Le piège ukrainien, dans lequel a plongé Vladimir Poutine, s’est refermé sur le Kremlin. Et le président russe a beau se débattre au milieu du gué, il peine à sortir la tête de l’eau. Lié par son engagement personnel dans la campagne et par sa reconnaissance officielle de la victoire jugée « transparente » de Viktor Ianoukovitch,...