Rechercher
Rechercher

Actualités

Pauvreté - Le Mouvement social et la BM soulignent la nécessité d’une coopération des ONG et de l’État Des familles du Nord dans la misère la plus totale

La misère la plus totale est leur quotidien. Des familles nombreuses qui vivent dans de minuscules taudis humides et insalubres, à Bab el-Tebbaneh, à Tripoli, à Houeiss, à Fneidek ou dans d’autres régions éloignées du Nord, avec moins de 300 000 LL par mois. Oubliées des associations, ignorées de l’État. Des pères malades ou chômeurs, des mères débordées, épuisées par les grossesses à répétition, totalement analphabètes, qui ne savent pas comment s’en sortir pour assurer à leurs familles le minimum nécessaire. Des petites filles hautes comme trois pommes, qui doivent garder leurs petits frères et sœurs, mais aussi leurs pères malades, pendant que leurs mères exécutent de menus travaux de ménage, ou puisent dans les arrière-boutiques des marchés aux légumes pour leur donner de quoi manger. Des enfants qui grandissent pieds nus, dans la crasse, la malnutrition, la maladie et le manque, et que l’on prive souvent d’éducation, faute d’argent. C’est cette pauvreté extrême qu’ont tenu à dénoncer le Mouvement social et la Banque mondiale, dans leur présentation du film Ibtissam, réalisé par Mona Saaydoun. Un témoignage poignant, relatant le quotidien de quatre familles libanaises qui avaient déjà fait l’objet d’un documentaire sur la pauvreté il y a 4 ans, intitulé Khyar ou laban (« concombre et lait caillé », en allusion au repas d’une de ces familles pauvres, uniquement composé de concombre, de lait caillé et de pain, souvent rassi). Ce premier documentaire avait alors été réalisé par le ministère des Affaires sociales en collaboration avec le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Il avait notamment relaté le quotidien d’Ibtissam, une fillette de 5 ans, privée d’école pour garder son petit frère de deux ans et demi et nettoyer le taudis familial, pendant que sa mère faisait des ménages ou s’en allait au marché aux légumes ramasser les invendus. Leur pauvreté ? « C’est la volonté de Dieu », disent-ils. La ribambelle d’enfants qu’ils n’arrivent pas à nourrir à leur faim ? « C’est aussi la volonté de Dieu », estiment-ils. La grande pauvreté de ces familles de la région du Nord fait mal à voir. Elle n’est pas digne de notre siècle. Elle n’est pas non plus digne de notre pays. Et pourtant, elle existe, cruellement, et touche des familles libanaises de la capitale du Nord, mais aussi des villages éloignés de la région, dont certains sont privés de tout, et même d’eau. Dans l’indifférence la plus totale. Non seulement celle d’un État dépassé par les problèmes, mais aussi celle des associations, qui rechignent encore à travailler ensemble, dans l’intérêt de la société. Que sont devenues ces familles au bout de 4 années de lutte pour sortir de leur misère ? Qu’est devenue la petite Ibtissam, aujourd’hui âgée de 10 ans ? Que sont devenus les enfants malades, celui qui a failli perdre l’œil ou celui qui a eu la main brûlée, que les parents n’ont pu faire traiter, faute de moyens ? À première vue, on serait tenté de dire que rien n’a changé. Les images reflètent la même misère, les mêmes taudis, la même saleté, la même promiscuité. Mais les paroles sont différentes, empreintes d’optimisme et d’espoir. À force d’acharnement, les pères ont recommencé à travailler, certaines mères ont même obtenu des microcrédits. L’achat d’une vache laitière a permis à une mère de famille nombreuse de nourrir ses enfants et de mettre un peu d’argent de côté. Une autre mère, dont le mari a trouvé un emploi, peut désormais acheter fruits et légumes. Une fillette de 10 ans a même été opérée du cœur, aux frais du ministère de la Santé publique. Et surtout, une grande partie des enfants, autrefois privés d’éducation, ont réintégré l’école, souci principal des parents, conscients de l’importance de l’éducation dans le changement des conditions de vie de leurs enfants. Certes, l’amélioration des conditions de vie de ces familles est infime, à peine palpable. Mais elle leur a permis de reprendre espoir en des lendemains meilleurs pour leurs enfants, notamment en leur donnant accès à l’éducation. Cette amélioration a été possible grâce à l’initiative de certaines associations, dont le Mouvement social, alors que la Banque mondiale envisage de reloger 70 familles vivant dans les bâtiments du Khan al-Askar à Tripoli, classé comme faisant partie du patrimoine. Mais ces initiatives restent isolées, et ces familles risquent, à nouveau, de tomber dans l’oubli, si aucune mesure n’est prise, de la part des nombreuses associations du pays aussi bien que de l’État, pour mener ensemble et en coopération une véritable campagne d’éradication de la pauvreté, à tous les niveaux et dans toutes les régions. Anne-Marie EL-HAGE
La misère la plus totale est leur quotidien. Des familles nombreuses qui vivent dans de minuscules taudis humides et insalubres, à Bab el-Tebbaneh, à Tripoli, à Houeiss, à Fneidek ou dans d’autres régions éloignées du Nord, avec moins de 300 000 LL par mois. Oubliées des associations, ignorées de l’État. Des pères malades ou chômeurs, des mères débordées, épuisées...