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Enquête - Avec Mersad 1er et les missiles Katioucha, une nouvelle équation se dessine au Sud Le Hezbollah plus que jamais dans une stratégie de confrontation

A-t-on un peu trop vite annoncé la fin de l’activité militaire du Hezbollah, prévoyant sa transformation imminente en parti politique et son intégration totale au sein de la société libanaise ? A-t-on encore plus rapidement enterré ses liens pourtant vitaux avec l’Iran, évoquant sa libanisation ou même sa syrianisation ? Avec le vol de l’ULM « Mersad 1er », la montée de la tension le long de la frontière avec Israël, ainsi que certains changements internes au parti, tous les indices semblent préparer une période de confrontation, sinon de turbulences. Et cette fois, le Hezbollah semble plus que jamais au cœur d’une équation régionale qui dépasse les frontières du Liban. Avec un art consommé de la surprise, qui dans les stratégies guerrières reste une arme importante, le secrétaire général du Hezbollah, qui semblait s’enliser dans une situation interne confuse oscillant entre le désaveu du gouvernement et son appui à la reconduction du mandat présidentiel, a annoncé une nouvelle équation avec Israël. La première réaction des milieux concernés a été de ne pas y accorder trop d’importance, croyant à une fanfaronnade dans le plus pur style des régimes arabes. C’était mal connaître sayyed Hassan Nasrallah, qui n’a pas (encore !) pris le pli de parler pour ne rien dire. Deux jours plus tard, au grand dam d’Israël, un avion sans pilote survolait ses localités du Nord, sans que ses puissants radars, qui surveillent la région s’étendant du Pakistan à Suez, n’aient pu le repérer. C’était la première fois depuis 1948 qu’un avion décollant du Liban survolait le territoire israélien et rentrait indemne sur le sol libanais. La nouvelle avait de quoi surprendre, d’autant qu’elle signifie qu’au lieu de commencer à dissimuler ou à vendre ses armes, le Hezbollah en développe de nouvelles, brisant un monopole existant depuis des années et qui réserve les survols aux seuls avions israéliens. L’événement est plus qu’étonnant, il constitue un véritable défi, non seulement à Israël, mais aussi à la communauté internationale qui, par la voix des Américains et des Français, ne cesse de marteler sa détermination à appliquer la résolution 1559, prévoyant, entre autres points, le désarmement du Hezbollah. Mais ceux qui suivent la situation du parti islamiste savent qu’en fait ce développement s’inscrit dans le cadre de l’évolution de sa stratégie. Pour lui, il est de moins en moins question de renoncer à la lutte armée et encore moins de devenir un parti purement local, doté d’une dimension et ayant des enjeux internes, surtout au moment où les événements régionaux, locaux et internationaux semblent plus que jamais liés. D’ailleurs, pour lancer Mersad 1er, le Hezbollah a bien choisi son timing. Alors que le gouvernement libanais espère neutraliser la résolution 1559, il adresse un message clair aux Israéliens : désormais, la Résistance répondra aux survols par des survols similaires. Mais au-delà de cette équation simpliste, le message est plus stratégique. C’est un nouvel équilibre militaire qui est en train de s’établir et plus que jamais, le Hezbollah se place dans une position de confrontation. Déjà, lors du dernier congrès du parti, qui s’est tenu il y a plus de deux mois, des changements importants ont eu lieu dans l’équipe des proches collaborateurs du secrétaire général du parti, et dans l’identité des candidats que le parti choisira pour mener la bataille des législatives. Le climat général est de resserrer les rangs et de promouvoir des figures combattantes et combatives, parce que dans sa nouvelle stratégie, le Hezbollah ne semble plus très intéressé par la politique interne. Il compte bien sûr conserver son bloc au Parlement, mais ses priorités sont ailleurs. Et l’adoption de la résolution 1559, ainsi que les pressions internationales sur la Syrie et l’Iran, le confortent dans ses choix, lui donnant une plus grande marge de manœuvre. La question des missiles et les failles du système Ayant senti donc le vent souffler à la tempête, sayyed Nasrallah a donné le ton. Le Hezbollah continue de développer des armes stratégiques et Mersad 1er n’est qu’un début. Cet avion de reconnaissance doté de systèmes d’observation et de caméras sophistiquées peut aussi porter 40 kg de charges explosives, pouvant causer beaucoup de dégâts dans les localités du nord d’Israël. De plus, contrairement à ce qui a été annoncé par la presse israélienne, des sources proches du Hezbollah affirment que Mersad 1er est resté dans l’espace aérien israélien pendant seize minutes et non six, sans avoir été repéré par les radars de l’État hébreu. Il ne s’agit donc plus simplement d’une arme d’observation et de reconnaissance puisqu’elle peut se transformer en engin guerrier. D’ailleurs, les mêmes sources indiquent que le Hezbollah posséderait d’autres avions et une trentaine de ses combattants auraient reçu en Iran une formation de pilotes. Au-delà de l’équation des survols, le message serait le suivant : si l’Iran ou la Syrie sont attaqués, le Hezbollah ripostera contre Israël, à travers les nouveaux moyens en sa possession. Et même si les forces américaines peuvent faire très mal aux installations nucléaires iraniennes ou en Syrie, elles ne seront pas en mesure d’assurer la sécurité d’Israël. De même, toujours selon des sources proches du parti, le Hezbollah aurait mis le forcing sur les missiles, qui, selon lui, restent un point faible dans la défense israélienne. Bien que les sources officielles affirment que les deux katiouchas lancées la semaine dernière sur les localités israéliennes frontalières auraient été envoyées par des organisations palestiniennes qui se sont fait passer pour une cellule portant le nom de Ghaleb Awali, ce résistant tué par les Israéliens dans la banlieue-sud, le Hezbollah a parfaitement les moyens de lancer des roquettes sur le nord d’Israël. Cette question est d’ailleurs un enjeu stratégique depuis au moins dix ans. Israël a déjà dépensé des sommes énormes pour renforcer son système de défense antimissiles, mais le problème est resté insoluble et les katiouchas ont affaibli la puissance de l’aviation israélienne. Surtout maintenant que les Palestiniens ont développé à leur tour, avec très peu de moyens, les roquettes « Kassam » et « Misr ». L’Arabie saoudite s’est aussi dotée de missiles, ainsi que l’Égypte. Ce qui augmente le sentiment chez les Israéliens d’être encerclés par une ceinture menaçante. D’où les négociations pour arrêter politiquement le lancement de ces missiles, par le biais des Américains, comme cela s’était passé en 2001, lorsque le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammed Kharazi, était intervenu personnellement auprès du Hezbollah pour l’empêcher d’embraser le front de Chebaa, pour marquer sa solidarité avec les Palestiniens, au moment où Ariel Sharon réoccupait la Cisjordanie. Aujourd’hui, c’est un peu le même scénario qui se reproduit. Officiellement, l’Iran et la Syrie négocient avec les États-Unis, mais les deux pays conservent la carte du Hezbollah, qui reste pour eux une nécessité stratégique. Et sayyed Nasrallah, qui a vu les nuages s’amonceler au-dessus de la région, a parfaitement saisi les grandes lignes de l’étape future, assumant totalement le rôle de trublion, qui, d’ailleurs, ne le dérange pas outre mesure, puisqu’il s’inscrit dans sa logique de confrontation avec l’ennemi. Mais le Liban qui continue d’affirmer son appui à la Résistance, quel rôle tient-il dans cette équation ? La réponse est laissée à l’imagination du lecteur... Scarlett HADDAD
A-t-on un peu trop vite annoncé la fin de l’activité militaire du Hezbollah, prévoyant sa transformation imminente en parti politique et son intégration totale au sein de la société libanaise ? A-t-on encore plus rapidement enterré ses liens pourtant vitaux avec l’Iran, évoquant sa libanisation ou même sa syrianisation ? Avec le vol de l’ULM « Mersad 1er », la montée...