Rechercher
Rechercher

Actualités - interview

L’ancien recteur de l’USJ prend la parole à l’occasion de l’indépendance Sélim Abou : « Le Liban est devenu une sous-province syrienne » (Photo)

À l’occasion de la commémoration du souvenir de l’indépendance, Sélim Abou a décidé de sortir de son silence. Témoin engagé, fidèle à ses habitudes, l’ancien recteur de l’Université Saint-Joseph ne peut pas s’empêcher de dénoncer, non sans audace, les dérives du régime, réagir aux derniers développements politiques, notamment après la prorogation du président Émile Lahoud, qu’il juge « illégitime ». « Nous sommes un pays occupé, traité comme une sous-province syrienne, avec un haut-commissaire installé à Anjar devant lequel les officiels libanais rampent », dit-il, sans mâcher ses mots. C’est là ce qu’il reste, selon lui, de l’indépendance du Liban. « Certains ont peur. Les manipulations, les pressions, les menaces n’ont jamais cessé depuis que la Syrie occupe le pays. Mais les menaces ont pris un tour particulièrement inquiétant depuis l’attentat criminel contre Marwan Hamadé », indique le père Abou, évoquant le souvenir de certains assassinats politiques qui ne sont pas sans effrayer certains Libanais. Il rappelle dans ce cadre que les chancelleries occidentales ont fait savoir à la Syrie « qu’elle serait jugée responsable » de toute reproduction d’un acte de ce genre. « Le suivisme libanais est particulièrement affligeant. Les Syriens parlent peu, mais ils comptent sur leurs féaux libanais pour “caqueter” à leur place. C’est humiliant. Il faut croire que l’opportunisme des Libanais leur tient lieu de patriotisme ! Ils font penser aux Français qui, sous l’occupation allemande, collaboraient avec le régime nazi et en arrivaient à parier sur la victoire allemande. On sait comment ils ont fini, après la libération », poursuit-il. Concernant la 1559, le père Abou affirme : « La précipitation de la Syrie pour faire adopter la prorogation du mandat Lahoud, la radicalisation des menaces et des pressions, le langage débridé et haineux contre certains leaders de l’opposition dénotent une certaine panique face à la 1559. C’est la fuite en avant. » Et de poursuivre, au sujet de la proposition de Bkerké en faveur d’observateurs internationaux pour surveiller le processus électoral lors des prochaines législatives : « Théoriquement, il faut que cette équipe d’observateurs vienne. Mais ils peuvent bien ne constituer qu’un écran de fumée ou un cache-misère. Ils constateront que les élections se déroulent correctement, mais les manipulations des listes électorales, les pressions et les menaces, l’achat des votes et autres trucages auront eu lieu avant leur arrivée. » Mais il n’y a pas que du mauvais sur la scène politique actuelle, constate le père Abou : « J’éprouve beaucoup de satisfaction à voir réaliser ce que j’appelais de tous mes vœux, année après année, dans mes discours de recteur les 19 mars : à savoir l’union des divers courants de l’opposition et la formation d’un front d’opposition élargi, transcendant les clivages communautaires. C’est à présent chose faite. Et ce front est aujourd’hui soutenu par une large majorité de la population, même si tout le monde n’ose pas le déclarer en public. » Concernant l’avenir, le père Abou estime qu’« une fois l’indépendance et la souveraineté récupérées – car les Syriens devront finalement se retirer –, le gouvernement libanais devra à tout prix exiger l’échange de représentations diplomatiques entre les deux pays ». « La Syrie l’a toujours refusé sous prétexte que “les deux peuples n’en font qu’un” ! On en a assez de ce slogan fumeux et de l’idéologie annexionniste qu’il occulte. C’est tout simplement révoltant », souligne-t-il. Et de conclure en évoquant « la maturité et le sens politique des leaders estudiantins » qu’il a connus en tant que recteur. Une fois de plus, Sélim Abou exprime sa confiance dans la jeunesse libanaise militante et engagée : « Les jeunes générations, toutes confessions confondues, sont à même de prendre les rênes du pouvoir, d’affermir l’indépendance et la souveraineté du Liban, d’en réformer et d’en assainir les institutions et de coopérer avec les pays de la région, y compris la Syrie, sur la base de l’égalité et du respect mutuel. » Un pacte de fidélité entre lui et les étudiants, sans cesse renouvelé depuis bientôt dix ans. Propos recueillis par M. H. G.
À l’occasion de la commémoration du souvenir de l’indépendance, Sélim Abou a décidé de sortir de son silence. Témoin engagé, fidèle à ses habitudes, l’ancien recteur de l’Université Saint-Joseph ne peut pas s’empêcher de dénoncer, non sans audace, les dérives du régime, réagir aux derniers développements politiques, notamment après la prorogation du...