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Actualités - CHRONOLOGIE

Crise ivoirienne - Les manifestants à Abidjan entretiennent un climat d’inquiétude Les Libanais sains et saufs, malgré les vols et les agressions

Si la colère des « jeunes patriotes » ivoiriens, véritable milice du président Laurent Gbagbo, a surtout été dirigée contre les ressortissants français, elle n’a pas épargné d’autres étrangers, dont des Libanais, même si aucune victime n’est à déplorer parmi eux (ni blessé ni tué). Des bombardements par les troupes gouvernementales ivoiriennes samedi avaient fait neuf tués et 38 blessés dans les rangs des soldats français, ce qui avait entraîné une riposte française qui a cloué au sol la « flotte aérienne » ivoirienne. Depuis cette riposte, des manifestations de « jeunes patriotes » se multiplient dans les rues, et des actions de pillage et d’agression contre des domiciles et des commerces d’étrangers (dont des Libanais) ont été enregistrées, malgré l’appel au calme lancé par le président Gbagbo. Le ministre des Affaires étrangères, Mahmoud Hammoud, avait déclaré dimanche que « les Libanais de Côte d’Ivoire sont sains et saufs », ce qu’a reconfirmé hier à L’Orient-Le Jour l’ambassadeur libanais dans ce pays, Issam Moustapha. Celui-ci a toutefois dépeint une atmosphère d’extrême inquiétude due à de possibles débordements des manifestants, devenus pratiquement incontrôlables. Pour sa part, le ministre Hammoud a été informé par l’ambassadeur Moustapha de la situation à Abidjan, notamment sur le plan des patrouilles mixtes françaises et ivoiriennes dans les rues de la capitale. Selon notre correspondant au ministère des Affaires étrangères, Khalil Fleyhane, M. Hammoud a assuré à M. Moustapha qu’il poursuivait ses contacts avec les représentants de l’Onu et de la Croix-Rouge en Côte d’Ivoire, ainsi qu’avec les responsables français et ivoiriens, pour faire en sorte que les intérêts des Libanais soient préservés. M. Hammoud a également mis sur pied au ministère une cellule d’urgence chargée de suivre de près cette affaire 24 heures sur 24. Un comité de suivi a été fermé, présidé par le ministre lui-même et composé du secrétaire général du ministère, l’ambassadeur Mohammed Issa, du directeur général des Émigrés, Haytham Joumaa, et de représentants de la direction des affaires politiques du ministère. Dans la soirée, des informations parvenues au ministère par l’ambassade du Liban à Abidjan faisaient état d’une prise de contrôle par l’armée française des deux ponts principaux de la ville ainsi que de trois artères principales, dont la route de l’aéroport. Les manifestants cernaient toujours l’hôtel Ivoire, où se trouvent des ressortissants français. Les forces armées françaises n’ont pas reçu d’ordre de les évacuer, mais de faire front aux manifestants au cas où ceux-ci continuaient d’avancer. En ces temps de crise, les Libanais de Côte d’Ivoire se sont organisés en comités de région, qui maintiennent le contact avec leur ambassadeur (sachant que 75 % d’entre eux habitent la capitale économique Abidjan). « La nuit de samedi à dimanche a été très difficile, raconte M. Moustapha. Il y a eu de multiples vols et agressions contre les maisons et les voitures. Des industries et des galeries appartenant à des Libanais ont été attaquées, mais, heureusement, aucune perte humaine n’est à déplorer. » Des informations supplémentaires de notre correspondant diplomatique font état de vols de meubles et de dégâts matériels dans vingt domiciles de Libanais, ainsi que d’agressions dans des commerces et des agences de voitures. Malgré un relatif retour au calme à partir de la nuit de dimanche à lundi, la tension n’est pas tombée et les inquiétudes persistent, y compris au sein de la communauté libanaise. « Les manifestants arrivent par vagues, hostiles à tous les Blancs sans distinction, poursuit l’ambassadeur du Liban. La France a frappé d’une main de fer pour protéger ses ressortissants. Les Libanais, quant à eux, ont le plus souvent eu recours à leurs propres moyens pour s’en sortir. Beaucoup se sont trouvés obligés de verser un certain montant à des chefs de bande pour assurer leur protection. » Hier, dans la journée, les manifestations se poursuivaient, entre autres non loin du siège de l’ambassade libanaise. M. Moustapha évoque des patrouilles mixtes françaises et ivoiriennes dans les rues de la capitale, « mais les risques de débordements persistent ». Il poursuit : « Les manifestants sont, pour la plupart, très jeunes et au chômage. Ils sont harangués par des chefs locaux qui les poussent à la violence contre les étrangers, et sont intéressés à piller et à voler, sans faire une distinction de nationalité entre les étrangers. Les appels au calme du président Gbagbo ont apparemment eu un effet contraire à celui qu’il escomptait. Dans son Administration, il y a des colombes et des faucons : les manifestants ont apparemment écouté la ligne dure du parti. » M. Moustapha confirme cependant qu’il existe un accord entre le gouvernement libanais et les forces françaises au cas où la situation empire. Selon lui, certains Libanais vivant dans des régions isolées ont pris peur et ont été évacués vers des lieux plus sûrs, en même temps que des Français, par les troupes de l’Hexagone. Mais personne n’a encore été rapatrié, précise-t-il. Il ne faut cependant pas oublier que la colonie libanaise en Côte d’Ivoire est la plus importante d’Afrique, avec au moins 50 000 ressortissants, dont certains binationaux, souligne l’ambassadeur. Pour l’instant, il s’est contenté d’appeler les Libanais à demeurer chez eux « de peur d’une nouvelle nuit d’insécurité ». Les écoles sont fermées évidemment. « Le Lycée français que fréquentaient mes enfants a été brûlé, raconte-t-il. Malgré les nombreux barrages de l’armée française et des autorités ivoiriennes, l’ambiance est tendue et les manifestants se montrent hostiles. » S. B.
Si la colère des « jeunes patriotes » ivoiriens, véritable milice du président Laurent Gbagbo, a surtout été dirigée contre les ressortissants français, elle n’a pas épargné d’autres étrangers, dont des Libanais, même si aucune victime n’est à déplorer parmi eux (ni blessé ni tué). Des bombardements par les troupes gouvernementales ivoiriennes samedi avaient fait...