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Actualités - REPORTAGE

PROJET - « Sannine-Zénith-Liban », un rêve qui n’est pas encore une réalité Les tribulations d’un investisseur dans un pays qui dit vouloir attirer les investissements

«Nous voulons encourager les investissements », disent les responsables. Mais M. Jean Abi Rached, Libanais émigré, ancien directeur de la Chase Manhattan Bank à New York et à Osaka (Japon), rentré au Liban depuis 5 ans, ne comprend toujours pas pourquoi tant d’obstacles administratifs se dressent pour entraver son projet, « Sannine-Zénith-Liban ». Entreprenant et dynamique, l’homme avait pensé qu’après le 11 septembre 2001, les fonds arabes étaient en train de quitter les États-Unis et étaient à la recherche de projets d’investissements. Il a alors eu l’idée de les attirer dans un projet gigantesque au Liban. Hélas, pour un investisseur, tout n’est pas facile au pays du Cèdre, et son idée est entrée au cœur d’une polémique, dont les enjeux demeurent obscurs. M. Jean Abi Rached voulait trouver un projet suffisamment gigantesque pour attirer les investisseurs du Golfe. Il a alors pensé aux étendues abandonnées sur les versants du Sannine : des espaces encore vierges, d’un côté la Békaa, et de l’autre le littoral, un site merveilleux et encore inexploité. Mais dans cette région lointaine, il n’était pas facile d’acheter des terrains, la plupart du temps oubliés de leurs propriétaires, laissés en friche ou si peu pris en considération que les héritiers n’avaient jamais songé à régulariser leur situation. Pendant un an et demi, un ami de M. Jean Abi Rached a inlassablement contacté les propriétaires ou les héritiers, au total quelques milliers de personnes, afin d’acheter leurs terrains, jouant le rôle du « facilitator ». À Bednayel, ce projet a d’ailleurs été perçu comme une aubaine, les habitants possédant des terrains dans le jurd étant ainsi devenus des millionnaires. Ils remercient chaque jour le ciel de l’existence de ce projet, qui leur a apporté une manne financière et qui promet de faire de cette région un véritable paradis écologique, un lieu de loisirs, de repos et de communion avec la nature. Les réserves du ministre des Finances Finalement, c’est une surface de 70 millions de m2 qui a été achetée...et qui attend d’être enregistrée, au nom de ses nouveaux propriétaires, afin que le projet puisse démarrer effectivement. Mais c’est justement là que le bât blesse. Officiellement, le responsable du registre foncier refuse toujours d’enregistrer les biens-fonds, invoquant les réserves émises par le ministre des Finances, M. Fouad Siniora, dans le cadre de l’étude qu’il a faite du projet. D’après cette étude, certains points restent à éclaircir. Ce à quoi s’emploie sans hésiter le directeur des relations publiques du projet, M. Firas el-Amine. « Sannine-Zénith-Liban » appartient au holding as-Salam, qui appartient à trois personnes: MM. Jean Abi Rached et ses deux avocats, Nassib Chédid et Ziyad Touma, qui n’ont pas le droit de vendre leurs actions à des étrangers, selon les statuts de la société. L’achat des terrains a été assuré par les fonds fournis par ces messieurs mais aussi par ceux d’un investisseur séoudien, M. Zayd el-Chérif, connu pour ses nombreux projets en Syrie, au Soudan et à La Mecque. M. el-Chérif a donc donné de l’argent en contrepartie de 25% des GDR (Global Depositary Receipts) émis par une banque suisse pour le développement du projet. Cette banque n’est autre que la EFG Private Bank SA. Elle garantit le projet, en vérifiant le sérieux et la solvabilité de ceux qui souhaitent acheter les GDR. Il s’agirait donc d’une garantie crédible, d’autant que les lois suisses sur le blanchiment d’argent sont devenues très strictes. Les GDR, des actions qui ne donnent pas le droit de propriété Malgré cela, dans son rapport, M. Siniora a commencé par s’élever contre le système des GDR, selon lui inconnu des lois libanaises. Or, il s’agit d’une action qui ne donne pas le droit de propriété du terrain à son possesseur, ni le droit de vote aux assemblées générales. Celui qui la détient, et qui est forcément identifié, se contente d’empocher les bénéfices, s’il y en a, et tous les détenteurs de GDR peuvent ensemble décider de dissoudre la société. M. Siniora a aussitôt soulevé ce dernier point, précisant qu’en dissolvant la société, ils deviennent propriétaires du terrain. M. Firas el-Amine rejette cette idée. Selon lui, la loi libanaise prévoit que la dissolution d’une société entraîne la vente de ses biens. Et, dans ce cas, les détenteurs des GDR profitent de l’argent de la vente, sans devenir propriétaires des terrains. Par conséquent, il n’y a aucun risque de violation de la loi sur la propriété des étrangers. De plus, le système des GDR a été adopté lors de la création de Solidere, mais là, les détenteurs des actions ont en plus un droit de vote aux assemblées générales. Les détracteurs du projet, qui semblent surtout craindre un transfert de propriété à des étrangers, ont alors affirmé que dans le cas de Solidere, les GDR ne sont qu’une partie du financement, le reste étant assuré par les actions données aux propriétaires des biens-fonds du centre-ville. Mais M. el-Amine répond que la loi n’interdit pas qu’un projet soit entièrement financé par des GDR. Dans son rapport, le ministre des Finances a aussi réclamé la possession par la holding as-Salam d’un permis d’exploitation délivré par le Conseil des ministres. Or, c’est le président de la République, M. Émile Lahoud, qui a rejeté cette demande en plein Conseil des ministres, il y a deux semaines, précisant qu’une société libanaise possédant un terrain sur le territoire libanais n’a pas besoin d’un permis d’exploitation. Un droit d’information pour le Conseil des ministres Ce permis n’est exigé que lorsqu’il s’agit d’un locataire qui veut exploiter un terrain, ou lorsque le terrain appartient à l’État. Exiger un permis d’exploitation signifierait donc rendre son détenteur quasi propriétaire du terrain. Le président Émile Lahoud s’est donc contenté de réclamer le droit, pour le Conseil des ministres, de s’informer du projet. Ce thème fera d’ailleurs l’objet des débats au prochain Conseil, qui doit se tenir jeudi. Dans son étude, le ministre des Finances a aussi reproché à la holding de déclarer avoir un capital de 30 millions de dollars, alors qu’elle travaille avec des sommes allant jusqu’à 100 millions de dollars. M. el-Amine rejette cet argument, affirmant que la plupart des sociétés travaillent de cette manière, car elles possèdent des propriétés d’une valeur supérieure au capital initial. De plus, la holding as-Salam reconnaît faire appel à un financement saoudien et elle a fourni tous les documents au ministère des Finances, dans un grand souci de transparence. En principe, donc, la holding a répondu à toutes les réserves émises par M. Siniora, et ses propriétaires ne comprennent pas pourquoi le responsable du registre foncier continue de refuser d’enregistrer la propriété des terrains achetés. Officiellement, il n’aurait aucune raison de le faire, d’autant que le dernier Conseil des ministres, il y a deux semaines, lui avait demandé de s’exécuter, après avoir éclairci tous les points demeurés obscurs. S’il continue de s’opposer à l’enregistrement des propriétés, la holding pourrait lui intenter un procès. Mais aucun des actionnaires ne souhaiterait en arriver à cette extrémité. Même s’ils ne comprennent pas pourquoi les obstacles semblent se multiplier pour entraver le lancement véritable du projet. Alors que le plan directeur a déjà été établi par la société Millenium, qui appartient au fils de M. Hariri et à son neveu et qui a d’ailleurs ses bureaux dans le même immeuble qu’as-Salam. Les actionnaires s’étonnent aussi du fait que, dans son rapport, M. Siniora ait laissé planer une menace de poursuites judiciaires contre l’investisseur séoudien M. Zayd el-Chérif s’il venait à violer la loi sur la propriété des étrangers. Tout cela leur paraît excessif et surtout injustifié, surtout après la remise des documents nécessaires au ministère des Finances. Si on peut comprendre le souci de clarté et de précision de M. Siniora, échaudé par l’affaire de l’incinérateur de Bourj Hammoud, on comprend moins son insistance, qui pourrait ressembler à un acharnement, contre un projet aussi grandiose. S’il est réellement lancé, il s’agira du plus gros investissement enregistré au Liban, puisqu’il est censé drainer des fonds de près d’un milliard et demi de dollars et de créer plus de 10 000 emplois, qui seraient pour la plupart occupés par des Libanais. Selon M. Firas el-Amine, le président du Conseil, M. Rafic Hariri aurait d’ailleurs largement encouragé le projet, tout en insistant sur la nécessité d’une transparence totale. De son côté, as-Salam est convaincue d’avoir fourni aux autorités tous les documents requis, agissant elle aussi dans le respect de la loi et selon les principes de transparence. Mais l’enregistrement des biens-fonds est toujours bloqué. Quelque chose ne fonctionne donc pas bien dans le processus et laisse la voie ouverte à toutes les hypothèses. Pourtant, dans un pays qui affirme vouloir attirer les investisseurs (le président du Conseil vient d’ailleurs de le répéter au Qatar), ne faudrait-il pas faciliter les formalités administratives, au lieu de les alourdir, comme ce fut le cas avec d’autres projets, de moindre importance toutefois ? As-Salam attend le prochain Conseil des ministres, dans l’espoir de passer enfin à la phase de l’exécution. Et le Sannine pourrait devenir un véritable paradis. Scarlett HADDAD

«Nous voulons encourager les investissements », disent les responsables. Mais M. Jean Abi Rached, Libanais émigré, ancien directeur de la Chase Manhattan Bank à New York et à Osaka (Japon), rentré au Liban depuis 5 ans, ne comprend toujours pas pourquoi tant d’obstacles administratifs se dressent pour entraver son projet, « Sannine-Zénith-Liban ». Entreprenant et...