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Actualités - CHRONOLOGIE

Artisanat - Les secrets du métier sont jalousement gardés de père en fils depuis des siècles Le savon à l’huile d’olive de Tripoli : 400 ans de tradition

Dans le coin du souk de Tripoli où son père lui a appris les secrets du métier, Mahmoud Charkass enseigne à son fils Ahmad, 13 ans, avec les mêmes gestes, la fabrication du savon à l’huile d’olive, une activité pratiquée par sa famille depuis deux siècles. « Ahmad ne va plus à l’école. Il est mon fils unique et doit apprendre le métier de ses ancêtres », affirme Mahmoud tout en découpant en tranches une barre de savon parfumée au laurier dans son atelier situé au-dessus du Khan des Égyptiens, une bâtisse de la vieille ville qui date des mamelouks. Tripoli compte plus de 200 vestiges de l’époque mamelouke, la dynastie qui a gouverné depuis l’Égypte l’Empire arabe aux XIIIe et XIVe siècles. « Je continue d’appliquer à la lettre les méthodes de mon père. Je me suis juste contenté d’introduire de nouvelles couleurs et certaines techniques de découpage pour diversifier les formes », raconte Mahmoud, assis sous un portrait de son père daté de 1940. C’est en 1800 qu’un ancêtre des Charkass a introduit la technique de la fabrication du savon à l’huile d’olive et au laurier-sauce au Khan des Égyptiens, un caravansérail où affluaient les commerçants du pays des pharaons et qui servait d’hôtellerie. « Le secret d’une bonne fabrication réside d’abord dans l’utilisation de la meilleure qualité d’huile d’olive même si les coûts s’en ressentent. Un baril d’huile d’olive de qualité vaut 666 dollars alors que la même quantité de graisse animale utilisée dans la fabrication du savon de commerce ne coûte que 50 dollars », explique M. Charkass à Rouba Kabbara. Plus loin, dans le « souk du savon », Badr Hassoun, 43 ans, dont la famille est aussi dans le métier de père en fils, a développé et modernisé cet art en créant 200 variétés de savons de parfums et de couleurs différents. « Tout dépend de l’herbe, du miel ou de l’huile essentielle qu’on y ajoute. Nous utilisons le laurier-sauce, mais aussi notamment la camomille, la menthe, le musc et l’ambre », explique-t-il. « En fait, il existe quatre principaux genres : le savon à l’huile d’olive uniquement, que les Européens appellent savon de Marseille, le savon parfumé aux herbes, utilisé pour le traitement de certains maux, le savon royal, auquel on ajoute les essences les plus rares et qui est sculpté au couteau, et enfin le savon des mariages, d’un blanc éclatant, symbole de pureté », ajoute M. Hassoun. Il rappelle que la renommée du « souk des parfumeurs » de Tripoli n’est plus à faire. « Les gens s’y rendent comme on va dans une clinique et achètent des herbes pour traiter telle ou telle maladie de la peau ou la chute des cheveux par exemple. Ce sont ces mêmes herbes que nous utilisons pour le savon », dit-il. Dans son atelier de deux étages, M. Hassoun travaille avec 11 membres de sa famille. En saison, une vingtaine d’autres proches sont appelés à la rescousse. Tripoli est le centre de l’industrie du savon depuis 400 ans et les aïeux de M. Hassoun étaient déjà dans cette profession, que son père a abandonnée à son déclin pour se reconvertir dans le commerce de l’or. Après avoir hérité dans les années 1990 l’atelier dans une bâtisse du Khan construit par les Ottomans pour centraliser le commerce du savon, il a décidé de reprendre le flambeau. Aujourd’hui, ses produits, qu’il commence à exporter en France, sont recherchés par les ambassades et les touristes qui viennent spécialement à Tripoli dans ce but, dit-il. L’industrie du savon est l’un des rares métiers traditionnels qui persistent dans cette région entourée d’oliveraies, explique Omar Tadmouri, professeur d’histoire et de civilisation islamiques à l’Université libanaise de Beyrouth. Cette activité était prospère depuis des siècles et Tripoli comptait plus de 200 ateliers de production. Des marchands français y avaient établi des commerces, comme le prouvent les registres des archives ottomanes à Istanbul, ajoute M. Tadmouri.
Dans le coin du souk de Tripoli où son père lui a appris les secrets du métier, Mahmoud Charkass enseigne à son fils Ahmad, 13 ans, avec les mêmes gestes, la fabrication du savon à l’huile d’olive, une activité pratiquée par sa famille depuis deux siècles.
« Ahmad ne va plus à l’école. Il est mon fils unique et doit apprendre le métier de ses ancêtres », affirme...